2ème gouvernement de Patrice Talon : Circulez ; il n’y a rien à y voir !

Comme sous le précédent régime, les remaniements à l’ère de la rupture se suivent et se ressemblent : on prend les mêmes, amis et fidèles lieutenants de la première heure, en plus de quelques comparses interchangeables, liés à des coteries ou protégés par des parrains politiques…avec en ligne de mire les prochaines échéances électorales, et on recommence, calculette au poing… C’est un exercice pas toujours très aisé pour les commentateurs et autres analystes politiques que de décrypter un nouveau gouvernement. Sous d’autres cieux, quand une nouvelle équipe gouvernementale est annoncée ou qu’un remaniement doit intervenir, on sait toujours à peu près qui occupera tel ou tel poste ministériel, à quelques exceptions près.

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Parce qu’un gouvernement, c’est toujours une vision partagée par des militants d’un parti ou groupement politique, qui se connaissent et  qui ont déjà une connaissance plus ou moins approfondie de leur domaine de compétence, et une idée plus ou moins claire des actions à mener. Pas de temps à perdre dans la mise à jour laborieuse des Aof et autres organigrammes. Là -bas, on se met aussitôt au travail dès la prise de fonction. Ici en revanche, le poste ministériel est perçu comme la consécration d’une carrière ou la récompense pour services rendus ou à rendre. On devient donc ministre par le hasard des accointances personnelles, ethniques ou régionales, et on met des mois entiers à parcourir les directions ministérielles, pour prendre connaissance des dossiers dont on n’avait aucune idée. A peine se met-on laborieusement au travail, après avoir tout aussi laborieusement formé son cabinet, qu’un autre remaniement doit intervenir. De ce point de vue, la perte d’un poste ministériel est vécue comme un moment de deuil et perçue plus ou moins comme une déchéance ou une descente aux enfers. Conclusion : les gouvernements au Bénin sont totalement aléatoires. Car formés au gré des humeurs, des intérêts présents ou futurs.

 

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Vous avez dit cabinet restreint ?

Tenez ! La formation de la première équipe de l’ère Talon a été précédée par des déclarations tonitruantes sur la nécessité d’un gouvernement restreint (16 membres au plus), qui ne laisserait aucune place aux considérations liées au genre (divine surprise à l’ère de l’approche genre !), ou à l’équilibre régional ‘’. Il faut faire des économies d’échelle’’ avait-on clamé. On connaît la suite: l’équipe a largement franchi la barre des 16 ministres prévus, avec en plus deux postes de ministres d’Etat dont un sans portefeuille, un ministère délégué confié à un soutien de la première heure, Candide Azannai, deux ministères mastodontes(Energie, Eau et Mines), et surtout celui regroupant les travailleurs des secteurs privé et public avec en sus, l’emploi et la micro finance. Le chef de l’Etat a compris hier qu’on ne peut former aucun gouvernement dans ce pays en faisant l’impasse sur l’approche genre et les considérations liées à l’équilibre régional. Et il a compris aujourd’hui ce que tous ses prédécesseurs ont toujours appliqué à savoir que : le souci de servir toute la clientèle politique qui le soutient passe avant tout autre considération. C’est ainsi qu’on peut comprendre pourquoi les deux gros ministères aujourd’hui ont éclaté en quatre pour amener à la table du festin deux cadres du septentrion qui ont déjà bénéficié des faveurs de son prédécesseur : Modeste Kérékou et Samou Adambi. C’est ainsi que s’explique aussi l’arrivée attendue de personnes comme le professeur Mahougnon Cakpo, grand spécialiste de l’art divinatoire du Fa, protégé comme on le sait du président Nago à la direction des examens et concours, longtemps considérée comme sa chasse gardée. Reste le cas de Cyr Koty, nouveau ministre des TP, originaire comme son prédécesseur Hêhomey du grand plateau d’Agonlin. Depuis l’épisode de la direction de la Sonacop qu’il assumait à l’époque de sa cession à Fagbohoun , Cyr Koty a disparu des radars des cadres officiant au pays. C’est au Burkina qu’il s’est en effet retrouvé comme  fonctionnaire chargé des questions d’énergie  au siège de l’Uemoa à Ouaga. Au dire de ses proches ,on l’aurait vu  pendant la période de la campagne présidentielle sillonner les hameaux de son Agonlin natal , en train de battre campagne pour le futur  vainqueur des élections de mars – avril 2016.Juste retour des choses, dirait-on. L’histoire des Koty et des Talon est une vieille histoire de famille, et… d’intérêts croisés. En 2006, Lambert koty, le frère consanguin de Cyr, était déjà de l’équipe de campagne mise sur pied par Talon pour faire élire Yayi. Lambert a été un temps ministre des Tp de Yayi, avant de retourner à ses… juteuses affaires. En 2016 le même Lambert a fait campagne pour Koupaki aux côtés de Didier Akplogan, éphémère ministre des Sports de Boni Yayi, après un tour à la tête de  l’équivalent d’alors de  la Direction de la communication. Dans le lot des nouveaux ministres,  la présence de dame Bintou Chabi Adam épouse Taro ne passe pas inaperçue. Bénéficiaire du « dépeçage du grand ministère de la Fonction publique et du  Travail confié à Madame Adidjatou Mathys , artisan de la première heure du Nouveau départ, Madame Bintou.,militante du Psd aile Bruno Amoussou est l’expression vivante du soutien du  gouvernement Talon  pour ce camp, dans la guerre fratricide qui secoue le Psd. Sa nomination est peut-être le signe de la tournure que prendra le procès en cours. Citons pour finir le cas Gaston Dossouhoui. Il fut éjecté du gouvernement Yayi pour avoir couvert l’utilisation d’un intrant prohibé et avarié, l’endosulfan, importé par un certain… Patrice Talon. Son utilisation a mis à mal les champs cotonniers du septentrion à l’époque. Dossouhoui a rongé son frein en silence avant de se retrouver dans l’équipe de campagne de Talon, et plus tard dans l’équipe de présentation du volet Agriculture du Pag, lors du grand show télévisé. On pouvait se méprendre ce jour-là sur celui qui était le véritable ministre de l’Agriculture. Le voilà servi ! La nouvelle équipe ne comptera plus dans ses rangs, sans qu’aucun officiel ne le dise expressément, le ministre d’Etat Koupaki, confiné au rôle peu honorable de simple secrétaire à la présidence, coincé entre le vrai patron des services présidentiels qu’est Johannes Dagnon (cousin et véritable homme de confiance du chef de l’Etat),et le secrétaire général du gouvernement dont il n’est même plus chargé de lire les communiqués de fin de conseil des ministres. Il paie certainement pour ce que l’entourage immédiat de Talon considère comme un manque de courage politique et ses atermoiements à l’époque de Yayi, où il a ignoré les appels à la démission.

Le quatuor gagnant et les autres

Quatre membres de l’équipe précédente sortent du lot en se maintenant dans  l’ordre de préséance : ce sont le ministre d’Etat Abdoulaye Bio Tchané et les ministres Djogbénou, Agbénonci et Wadagni. Mais aucun d’eux contrairement aux apparences n’est inamovible. Le premier croit toujours en son destin de futur président, bien que convaincu que le chef de l’Etat qui dit n’avoir pas avisé pour 2021, travaille quotidiennement pour. Conséquence : le très flegmatique Tchané est obligé d’avaler toutes les couleuvres : les marchés gré à gré, les conflits d’intérêts, le limogeage par le conseil des ministres de son conseiller technique au secteur privé. Cependant,  la plus grande rebuffade a été surtout le refus de l’Aic de laisser  construire une usine d’égrenage dans son fief de Djougou par des investisseurs privés .Ces derniers, selon nos sources, l’avaient approché et, son ex -collègue Lazare Sèhouéto avaient déjà signé tous les agréments, avant de se rétracter, sous la pression des proches du chef de l’Etat. Un incident qui illustre à souhait la marge de manœuvre dont dispose les ministres de Talon qui peuvent être rappelés à l’ordre par  de simples Dg de société privée. Qu’importe ! Sous Talon, le monopole privé s’est subrepticement substitué au monopole public au nez et à la barbe de toute la classe politique. Le professeur Joseph Djogbénou, ancien activiste de la société civile quant à lui, maintient son rang mais pour combien de temps encore? S’il continue de multiplier les reniements d’engagements antérieurs ainsi qu’il l’a fait tout au long de ces derniers dix-huit mois, et les revers spectaculaires(grèves répétées dans le secteur judiciaire, échec de l’affaire des 18kg de cocaïne collée à Ajavon et des 54 autres kg aux malheureux Pakistanais chassés de la filière anacarde), il n’empêchera plus son patron de le démettre, comme il se murmure, pour confier son poste à un non juriste qui suivra ses instructions à la lettre,  à l’instar du ministre Djènontin sous Yayi, au lieu d’un agrégé de droit privé qui accumule les bourdes et les maladresses. Si le professeur Djogbénou est maintenu à  son poste, préviennent ses détracteurs, c’est surtout parce qu’il n’a pas encore fini le job de mettre la Maison Justice au pas, et les affaires du patron en sécurité juridique et judiciaire. Son impopularité dans le secteur judiciaire a atteint un pic avec les nominations clientélistes de juges et autres auxiliaires de justice. Agbénonci, pour sa part ne paiera plus  pour ses déclarations contradictoires devant les diplomates, ni pour l’humiliation du cafouillage de la vraie fausse visite à l’Elysée. Le chef a assumé à sa place. Parce que le véritable patron de la diplomatie c’est Talon lui-même, qui a nommé tous ses proches aux postes diplomatiques clés. Le seul vrai rôle concédé à cet ex fonctionnaire du système des Nations Unies, est de représenter son patron toujours mal à l’aise au cours des grandes messes du syndicat des chefs d’état. Rien à dire sur la présence dans ce quatuor du ministre Wadagni qui doit sa place autant à son statut de jeune premier qu’on a pu opposer à Komi Koutché qu’à sa proximité avec son cabinet d’origine dont on se sert à volonté pour crucifier ceux des opposants qui prennent trop de liberté avec les deniers publics.

Au total, le deuxième gouvernement Talon,  loin de constituer un bloc solide, est aussi hétérogène que le premier, constitué d’individus soit liés à sa personne et donc à ses intérêts, soit à des soutiens politiques de la première à la 25e heure. Sa marge de manœuvre est très étroite, le vrai pouvoir exécutif étant détenu par le trio infernal Talon-Boko-Dagnon

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