Toutes les centrales syndicales descendent demain dans les rues de Cotonou pour protester contre la cherté de la vie. La Cstb, la Cosi, la Csa-Bénin, la Cgtb, l’Unstb et la Cspib annoncent, par ce mouvement collectif, une série d’actions pour amener le gouvernement à prendre des mesures plus adaptées face à la crise alimentaire actuelle. C’est une première depuis le début de la crise alimentaire qui sévit au Bénin comme dans plusieurs autres pays du monde. La ville de Cotonou sera en effervescence demain jeudi. L’évènement annoncé est une marche de protestation qu’organisent, ensemble toutes les centrales et confédérations syndicales. Il s’agit notamment de la Confédération syndicale des travailleurs du Bénin ( Cstb), la Confédération des organisations syndicales indépendantes ( Cosi), la Centrale syndicale autonome du Bénin ( Csa-Bénin), la Confédération générale des travailleurs du Bénin ( Cgtb), l’Union nationale des syndicats des travailleurs du Bénin et la Cspib. La décision d’organiser cette grande marche a été prise à l’issue d’une séance extraordinaire tenue le jeudi 03 juillet dernier et qui a réuni, les secrétaires généraux de ces centrales et confédérations syndicales. La goutte d’eau qui veut faire déborder la vase du coté du monde syndical émane du dernier conseil des ministres, en date du 30 juin 2008. Un conseil au cours de laquelle, le gouvernement a décidé d’augmenter les prix des produits pétroliers et du ciment « sans mesure d’accompagnement ». Ainsi, après avoir dégagé, les conséquences sur le pouvoir d’achat des populations en général et des travailleurs en particulier, les responsables syndicaux ont pris du coup la décision de réagir avec force vigueur. Une réaction de grande envergure, qui fait suite, à une précédente, courant janvier 2008 et qui a fait objet d’une déclaration dans laquelle les organisations syndicales avaient déjà dénoncé de façon véhémente, la cherté du coût de la vie et la misère qui se généralisait. En tout cas, ils entendrent battre pavée et goudron demain pour se faire entendre de nouveau. Et ils ne seront pas les seuls, car plusieurs autres catégories socio-professionnelles seront de la partie dont un grand monde de conducteurs de taxi-motos, «Zémidjan ».
Il est clair désormais que les syndicats du Bénin ne feront plus de cadeau au gouvernement de Boni Yayi face à une cherté galopante et anarchique de la vie. Ils veulent agir maintenant, avec une telle détermination, qui pourrait redonner espoir aux populations béninoises. Un espoir tant attendu. L’initiative des centrales syndicales reste donc louable et appelle à une mobilisation générale et un soutien massif de la part de tous les citoyens, car cette lutte est la leur également. Le gouvernement peut mieux faire, même si on évoque le prétexte d’une crise internationale pour tenter de se dédouaner de ses affres au plan national. Le cri d’alarme des syndicats ne doit en aucun cas être perçu comme de l’agitation, mais plutôt une action légitime et juste.
Christian Tchanou et Marius Kpoguè
« Depuis décembre 2007, nous sommes dans une sorte de coalition au niveau des centrales et fédérations syndicales, parce que nous avons pensé qu’ensemble nous serons beaucoup plus forts ; plutôt que d’aller en rangs dispersés. La lutte contre la cherté de la vie fait partie de la panoplie des actions que nous avons mises en œuvre et que nous déclinerons progressivement. La marche contre la cherté de la vie n’est donc pas venue trop tard, comme l’insinuent certains. Il n’est d’ailleurs, jamais trop tard pour bien faire.
Dans ce pays, quand quelqu’un fait une action contre le gouvernement ; on dit qu’il est manipulé par l’opposition ou on le taxe d’opportuniste. Nous, en tout cas, nous sommes en train de défendre les intérêts moraux, matériels et professionnels des travailleurs Béninois et de tout le peuple en général. C’est cela notre mission. Dans les pays étrangers, ce sont les associations de consommateurs qui se manifestent avec plus de vigueur face à la cherté de la vie ; ce qui n’est pas le cas au Bénin, hélas. Ici, quand, on les interroge, elles disent tout simplement qu’elles prennent acte. Allez – y voir quelque chose. C’est pourquoi, les organisations syndicales ont décidé de se mettre en mouvement. Il est vrai que nous avons suffisamment pris de temps pour réagir car, l’inflation ne date pas d’aujourd’hui. Ce qui est sûr, le gouvernement nous entendra désormais, car nous ne pouvons pas nous contacter de quelques grains de maïs et du riz d’un pays sahélien pour nous taire.
Le gouvernement n’a pas le droit de jouer avec les prix des produits. Lorsqu’on dit que le ciment dans les pays de la sous-région coûte entre 100.000 Fcfa et 150.000 Fcfa la tonne, et qu’il faille augmenter les prix pour empêcher que ce produit sorte du pays, je pense que le problème n’est pas réglé. Et maintenant, que le gouvernement a augment le prix, il n’a qu’a dire les mesures qui ont été prises pour empêcher la sortie frauduleuse du ciment du pays. Ce qui est regrettable, c’est que nous sommes dans un système libéral ; ce qui revient à dire que si on augmente les prix, on n’a pas besoin d’aller sensibiliser les populations. Ce n’est pas un machin politique. On va d’ailleurs sensibiliser jusqu’à quand ? Ensuite, quand les ministres descendent sur le terrain, ce sont les moyens de l’Etat qui sont encore engagés. Par exemple, dans le secteur pétrolier, une commission permanente siège au ministère du commerce pour étudier les prix sur le marché international. Et donc, chaque fois qu’il y aura augmentation du prix du pétrole, les ministres doivent descendre sur le terrain pour sensibiliser. Encore que s’il devrait y avoir sensibilisation, c’est les associations de consommateurs qui devraient le faire. Là encore, je crois qu’il y a mal donne. Le gouvernement est entrain de distraire le peuple. Il lui revient plutôt d’appeler les organisations syndicales afin qu’elles apportent leurs contribution aux initiatives prises. Mais le gouvernement banalise le pouvoir des syndicats, si non il nous aurait associés aux différentes séances de prise de décision qui ont abouti à ces nouveaux prix tant contestés.
En prenant le devant de la lutte les centrales et confédérations syndicales, désavouent sans doute les associations de consommateurs, qui réagissent très peu contre la cherté de la vie. Et ceci contre toutes les attentes. Ces associations affichent des attitudes suspectes qui commencent par indigner beaucoup de Béninois. Ceux-ci se demandent encore si elles existent dans le pays. Si aujourd’hui, les syndicats se voient obligés d’agir en leur place, c’est parce qu’elles ont prouvé leur incapacité à jouer les rôles qui leur sont dévolus. Ou alors, comme le laissent courir les rumeurs, elles sont à la solde du pouvoir et n’agissent que dans l’intérieur de ce dernier. Bien de consommateurs en sont convaincus aujourd’hui et préfèrent désormais se rallier aux syndicats pour mieux exprimer leur ras-le-bol.
«La situation est suffisamment grave . Nous faisons appel à la population en général, et particulièrement aux travailleurs béninois de toutes catégories. Cette marche que nous organisons demain est capitale. Notre souci est que le gouvernement prenne des mesures qui tiennent véritablement compte du pouvoir d’achat des Béninois. Ce qui est plus grave, c’est que ces mesures tant décriées se prennent sans l’avis des organisations que nous sommes. Ce qui est contraire au principe du dialogue social et à la politique de la gouvernance concertée que prône pourtant le gouvernement en place. En tout cas l’heure est grave et nous devons nous mobiliser pour combattre ces mesures arbitraires qui se prennent sur le dos des populations. Il est important que la Cosi s’engage dans cette manifestation parce que nous comptons un grand nombre de consommateurs en notre sein. En tout cas, ce n’est jamais trop tard pour agir, nous avons suivi le gouvernement pas à pas jusque-là, mais trop c’est trop. Nous ne sommes encore qu’à l’étape de protestation, et le gouvernement a intérêt à ne pas négliger notre action de demain, car celle qui suivra pourra être plus forte encore. »
«L’Union des conducteurs de taxi-motos de Cotonou ( Ucotac) soutient cette marche car elle vient à point nommé face à la cherté de la vie qui gagne davantage du terrain dans notre pays. Nous souhaiterons donc que le gouvernement regarde de près la situation des Béninois avant de prendre certaines mesures les concernant. Il est vrai que la crise alimentaire est un problème mondial, mais le gouvernement doit faire un peu plus d’efforts, car les Béninois souffrent trop en ce moment. Nous demandons également aux acteurs sociaux d’aller aussi avec modération et de tenir compte des revendications de toutes les couches sociales et non seulement des travailleurs Béninois, car tout le monde subit les affres de cette cherté de la vie ».