Mais où êtes-vous donc, Madame Anne Cica ADJAI ?

C’est une donnée universelle de l’anthropologie politique que les peuples sont toujours gênés devant la faiblesse avouée de leur dirigeant suprême et acceptent difficilement qu’il se trouve momentanément ou durablement dans une posture d’échec et de culpabilité.

Aussitôt que le dirigeant veut courber l’échine et mettre les genoux à terre en demandant pardon pour ses fautes de gouvernance, le peuple automatiquement lui tend la main pour le redresser. C’est ainsi. Le dirigeant suprême est le représentant de Dieu sur terre et dans la mentalité religieuse de tous les peuples de la terre, c’est à Dieu que vont les génuflexions et non l’inverse. Dans la Bible, Simon Pierre s’était opposé énergiquement à ce que Jésus-Christ lui lave les pieds. Il a fallu que le Messie le menace de déchéance comme son apôtre pour qu’il s’excuse ! Le spectacle que nous a offert le Président Boni YAYI lors de son entretien télévisé avec deux journalistes, femmes de surcroît, est certes gênant et même choquant pour les élites urbaines ; mais le peuple l’en récompensera certainement, comme il en a récompensé le Général Mathieu KEREKOU qui à la Conférence Nationale, est allé jusqu’à dire qu’il a honte et qu’il veut se confesser ! Ainsi notre Président de la République, l’homme le plus puissant de la nation, avoue sa faiblesse et son échec relatif dans sa lutte contre l’hydre de la corruption, et fait son mea culpa. Bien plus, il donne même l’impression de ne pas maîtriser grand’chose face aux nombreux enfants que ses collaborateurs lui font dans le dos ; alors que nous lui conférons à tort ou à raison une toute-puissance magique. Ce mea culpa est pathétique et touchant et seuls des opposants à l’affût de la moindre peccadille pour lui river les clous peuvent se réjouir de ce spectacle. En effet, on imagine mal le Président Nicéphore SOGLO, le plus gaullien de nos hommes d’Etat, se livrer au même rite expiatoire ; mais précisément, des Béninois lui reprochaient son « arrogance et sa suffisance ». Rien que ça !
Mais au-delà du côte racinien de cette scène, le Docteur Thomas Boni YAYI pose derechef le problème éternel de l’échec de presque toutes les stratégies de lutte contre la corruption. Cependant face au fléau, la détermination d’en venir à bout n’est pas égale chez tous ceux qui à un moment ou à un autre, ont eu en charge de l’enrayer. C’est le lieu d’apprécier les efforts titanesques d’une dame courageuse, presque téméraire à qui il faut rendre un hommage mérité à cause de ses efforts inlassables pour en finir avec la corruption chez nous. Il s’agit de Madame Anne Cica ADJAI dont le nom doit venir à l’esprit de tous ceux qui veulent effectivement, sinon enrayer totalement la corruption dans notre pays, du moins en réduire l’ampleur. Sous le régime KEREKOU (1996-2006), nous nous souvenons des imprécations de cette Cassandre incorruptible, cordialement détestée par tous les hommes de la Nomenklatura. En partant avec le Général Mathieu KEREKOU dont elle fut le conseiller technique à la moralisation de la vie publique et à ce titre chef de la Cellule du même nom, ma brave dada nous a laissé un instrument radical pour en finir avec la corruption : un projet de loi révolutionnaire pour dépister et traquer tous les corrompus. Pensez-vous que les loups de la Nomenklatura vont se manger entre eux en permettant que leur détachement à l’Assemblée Nationale votât ladite loi ? Nenni. Si le régime du changement voulait vraiment se maintenir dans la logique de la tolérance zéro à la corruption, non seulement il aurait associé d’une manière ou d’une autre Madame Anne Cica ADJAI à cette croisade, mais il se serait dépêché de faire voter cette loi par nos honorables députés !

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Si elle s’était construit des palais de luxe, la gent cotonoise si avide de potins, s’en serait mêlée et ne lui aurait laissé aucun répit, en tout cas pas ce relatif oubli dans lequel l’intrépide Dênon est tombée depuis son départ du Palais de la Marina. Monsieur le Président de la République, des gens comme elle doivent être à vos côtés dans votre volonté apparemment sincère d’en finir avec le monstre hideux, comme vous avez semblé le montrer lors de votre rencontre avec la presse ce samedi 1er août 2009. Pour un homme d’Etat, comme pour tout dirigeant en général, le secret de la bonne gouvernance se situe d’abord dans la qualité et l’engagement des hommes à qui il délègue une partie de ses pouvoirs, ne pouvant évidemment pas tout contrôler seul.
           
(A suivre)

Dénis AMOUSSOU-YEYE, professeur à l’UAC

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