L’évolution politique de l’Afrique Subsaharienne à l’ère du Renouveau démocratique me renforce chaque jour que Dieu fait dans ma certitude quant à ce postulat : la démocratie libérale à l’occidentale avec sa règle sacro-sainte de la loi de la majorité gagnante dans un jeu à somme nulle, a montré ses limites.
La raison est simple : la minorité perdante dans les pays occidentaux aura toujours l’espoir de parvenir un jour à la conquête du pouvoir d’Etat par un processus d’alternance permise par des élections transparentes, crédibles et justes. D’ailleurs, tout le pouvoir d’Etat n’échappe pas en même temps à la minorité qui participe dans une large mesure au pouvoir législatif, et même à certaines hautes fonctions dans l’administration publique (exécutifs municipaux, présidents de région, divers délégations et hauts-commissariats, hautes juridictions, etc.). Ce n’est guère le cas en Afrique Subsaharienne où la mouvance au pouvoir s’accapare de tout (take all), ne laissant que des miettes ou quelquefois rien du tout à la minorité politique. Bien plus, le ou les candidats de la minorité politique dite opposition n’ont très souvent aucune chance d’accéder à la magistrature suprême, la mouvance au pouvoir se gardant bien de favoriser cette alternance par des élections libres, justes et transparentes. C’est ainsi que malgré un pluralisme formel et le respect des échéances électorales constitutionnelles, la même équipe politique et le même chef d’Etat s’accaparent du pouvoir d’Etat qui de ce fait devient un régime quasi monarchique où après le père, c’est le fils qui hérite de la machinerie politico-électorale de fraudes et de magouilles et des réseaux politico-mafieux et clientélistes bâtis par le père. Nous connaissons les cas du Togo, du Gabon. Nous suivons les cas du Tchad, du Burkina Faso, du Cameroun, du Congo Brazzaville. Très souvent, cette logique prégnante au niveau de la plupart des Etats post-coloniaux africains à part les cas dignes d’être suivis par un observatoire de la démocratie, comme le Ghana, le Sénégal, le Mali et le Bénin, s’englue dans l’impasse et débouche sur une intervention militaire qui se donne en principe comme objectif d’instaurer une transition vers la démocratie (Guinée, Niger, Centrafrique, etc.). Mais que faire quand le système politique est fermement verrouillé bloquant pour des années tout espoir d’alternance au pouvoir ? Faut-il persister dans une opposition stérile car n’apportant aucune solution aux problèmes de développement du pays ? Même dans les cas laboratoires comme le Ghana, le Bénin et le Mali, il est de même illusoire de penser arracher le pouvoir des mains de celui qui occupe la Présidence de la République s’il n’a pas terminé ses deux mandats constitutionnels, heureux sommes-nous si à leur terme il ne nourrit pas des velléités de révision de la constitution. Le cas du Président Nicéphore SOGLO continue de faire couler beaucoup d’encre et de salive et nourrit plusieurs gloses socio-politiques, mais c’est un cas banal et facile à saisir. Voyons donc ! Au bout d’un délai relativement bref (trois ans en moyenne) le peuple béninois qui est avide de reformes sociales hardies et de projets économiques porteurs (changement et émergence) est déçu, surtout en voyant le train de vie insolent de pacha que mènent les nouveaux parvenus et le scandale du développement tentaculaire de la corruption. Une bonne partie de la classe politique frustrée d’être exclue de la distribution du gâteau national ou sincèrement révoltée par l’incurie et la gabegie de l’équipe au pouvoir, se donne comme défi de changer de chauffeur et de chasser cette équipe. Cependant, ayons à l’esprit que si les croisés de 1996 avaient opportunément trouvé en la personne du Général Mathieu KEREKOU leur porte-étendard idéal, c’est loin d’être le cas pour l’élection présidentielle à venir, celle de 2011. En effet, l’électorat du Nord et des Collines demeurera toujours fidèle au leader politique de ces deux régions ;
sauf dans le cas, hautement probable pour moi, qu’un nouveau leader survienne, marche dans les mêmes plates-bandes et attire à lui une part importante de l’électorat du Septentrion et des Collines ; ce qui aura pour effet immédiat ou de favoriser ce challenger en lui permettant d’arriver au second tour de l’élection présidentielle et alors là son succès est certain, ou de favoriser un des candidats des régions méridionales. Tout le monde mise à ce sujet sur Maître Adrien HOUNGBEDJI. A partir de là, s’arrête la froide analyse de l’homme de science d’autant plus que les sondages, outil désormais incontournable dans une démocratie, font encore défaut dans nos mœurs et habitudes politiques : quand l’homme de science quitte le forum, les partisans envahissent l’arène… A suivre.
Par Dénis AMOUSSOU-YEYE, professeur à l’UAC