Une fois encore, le pouvoir dit du changement vient de s’illustrer. Négativement. Très négativement. Et c’est sur le terrain de l’improvisation qu’il vient de signer sa nouvelle action d’éclat, donnant ainsi raison à ceux qui l’accusaient, trop tôt pensions-nous, de traîner de manière rédhibitoire, comme un boulet attaché à son pied et qui l’empêche de bien faire, une tendance pathologique à l’improvisation. Et, apparemment, alors qu’il est à son crépuscule, demander à ce régime de divorcer d’avec l’improvisation, c’est comme demander au singe de cesser de faire la grimace ! Nous le savions, ce mardi 16 novembre, chez nous au Bénin, c’était la fête de Tabaski.
Dans ce cadre, la journée a été déclarée chômée et payée pendant que la veille, c’est-à-dire lundi 15, était déclarée journée continue. Cela, on l’a su au moins dès dimanche. Mais pour quel objectif et selon quelle logique le gouvernement annonce-t-il, en pleine journée du mardi 16, que la journée du mercredi 17, dans le cadre de la même fête, est déclarée chômée, fériée et payée ?
Sur ce registre de journées continues ou chômées sans perspectives, c’était déjà en décembre 2007, le jeudi 27, que Boni Yayi se signalait négativement quand, autour de midi alors qu’il ouvrait les assises du Forum national sur la Culture, il fit annoncer sans autre formalité que la journée était continue parce qu’il offrait un concert gratuit au peuple. Depuis, il y eut quelques autres journées simplifiées de la sorte. L’année dernière, la même fête avait lieu un dimanche. On chôma le lundi qui suivit… pour le plaisir des musulmans qui, foi d’Islam, une religion qui magnifie pourtant le travail, n’ont jamais demandé ça. Et voilà qu’on remet ça cette année avec bonus. Comment comprendre cette tendance à gaspiller le temps, de la part d’un homme qui était attendu pour nous remettre au travail ? Qui était attendu pour être un bâtisseur mais qui, désormais, est comme en proie aux calculs politiciens de toutes sortes ? Qui veut plaire à tout le monde et à tout prix ? Un homme qui parlait d’émergence et qui semble oublier que le travail précède le capital. N’est-ce pas le premier qui crée le second ? Il y a, ni plus ni moins en l’espèce, une odeur têtue d’improvisation, de légèreté même. Voire… Et comment un Etat qui ambitionne d’émerger peut-il s’accommoder d’autant de légèreté ?
Car, à la vérité, si l’on a sérieusement envisagé les conséquences d’une telle décision, l’aurait-on prise ? S’est-on donné juste une minute pour penser à tous ces Béninois qui ont déjà fait des programmes professionnels ou d’affaires pour mercredi ? S’est-on demandé ce que l’Etat perdrait en une journée pareille, surtout quand il s’agit d’un Etat au budget provenant essentiellement des recettes fiscales ? Ce que les citoyens perdent ? Comment peut-on confesser aux douaniers que l’on sait ce qu’une journée de travail non accomplie pouvait faire perdre à l’Etat, et ensuite décider aussi facilement, de faire passer une en pertes et profits ? La seule vue sur les improbables voix d’électeurs musulmans, à l’occasion non encore acquise d’élections elles-mêmes hypothétiques, suffirait-elle à justifier cette conduite inqualifiable ? Je crois fermement que ce seul calcul est insuffisant. Il y a probablement pire comme ressort à ce type de décision. Sans doute cette maladie qui se fait incurable : l’improvisation. Et plus encore une pathologie qu’il ne sied pas d’évoquer ici. En tout cas, il faut se demander quelle réaction il aurait lorsque par exemple les fidèles animistes, à l’occasion de la fête du Vaudoun tombant sur un jour ouvrable, vont demander un autre jour férié. Si désormais, pour Noël, les chrétiens réclamaient un second jour chômé, etc. Voyons ce cycle et imaginons que l’on satisfasse tous ceux-là. Ce ne sera rien d’autre qu’un vrai bordel. Excusez du peu !
S’il paraît qu’on devient forgeron en forgeant, il est certain qu’en improvisant sans cesse, on ne peut que devenir professionnel de l’improvisation, et pas commandant en chef. Et cela ne bâtit pas un grand Etat, pas même un Etat. Au mieux, cela donne l’illusion à un individu d’être important voire tout puissant. Au pire cela détruit l’Etat, ruine ses fondements et hypothèque gravement son avenir. Et il faut savoir que celui qui donne du biscuit ou du bonbon à un enfant qui a gaffé et qui s’attend à recevoir une claque qui l’aurait aidé à se corriger, est aussi piètre qu’un médecin qui prescrirait tel médicament à la place de tel autre, un chirurgien qui confondrait l’ablation d’une appendicite à celle d’une hernie ! Dans un cas comme dans l’autre, les conséquences sont incommensurables. Mais, pendant que le malade et ses parents pleurent leur malheur, le médecin, dans le meilleur des cas, n’aura qu’un vague remords. Il en a vu d’autres ! Surtout sous des cieux comme les nôtres… Il en va ainsi lorsque le médecin est en fait plus malade que le patient qu’il prétend soigner. Et, généralement, il l’ignore. Ah ! Improvisation quand tu nous tiens !