Au cours de la cérémonie de clôture du congrès de la Csa, son secrétaire général, Dieudonné Lokossou a prononcé un discours qui restera dans les mémoires. Il a passé au crible la situation sociopolitique au Bénin , en Afrique et dans le monde : de la loi interdisant le droit de grève aux agents des douanes , à la proposition de loi portant exercice du droit de grève jusqu’aux nombreux scandales politico-financiers non élucidés, rien n’a échappé aux critiques acerbes du sg Dieudonné Lokossou plébiscité par ses pairs. Au plan africain, il a salué le printemps arabe et condamné, le transfèrement de Laurent Gbagbo à la Cpi et l’assassinat du guide libyen Khadafi.
DISCOURS DU SECRETAIRE GENERAL DE LA CSA-BENIN, DIEUDONNE LOKOSSOU A L’OCCASION DE L’OUVERTURE DES TRAVAUX DU 5ème CONGRES ORDINAIRE
Palais des Congrès, Cotonou, le 15 Décembre 2011
– Madame le Ministre du Travail et de la Fonction Publique ;
– Mesdames et Messieurs les Présidents des Institutions ;
– Madame la Représentante Résidente de la Fondation Friedrich Ebert ;
– Monsieur le Président du Conseil National du Patronat du Bénin ;
– Camarades Secrétaires Généraux et Présidents des Centrales et Confédérations Syndicales Européennes ;
– Camarades Secrétaires Généraux et Présidents des Centrales et Confédérations Syndicales Africaines ;
– Camarades Secrétaires Généraux des Centrales et Confédérations Syndicales du Bénin ;
– Camarades membres du Bureau Exécutif National de la CSA-BENIN ;
– Camarade Président de la CSA-BENIN ;
– Camarades anciens Secrétaires Généraux de la CSA-Bénin ;
-Camarades Secrétaires Généraux des Fédérations ;
– Camarades Secrétaires Généraux des syndicats affiliés ;
– Camarades Conseillères et Conseillers ;
– Camarades Secrétaires Exécutifs des Unions départementales ;
– Camarades membres du COSEN ;
– Camarades membres du CONAFETRA ;
– Camarades membres de la cellule des Experts
– Camarades membres de la Commission de Contrôle des Finances ;
– Chers invités ;
– Camarades congressistes,
C’est avec un réel plaisir doublé d’une légitime fierté que j’interviens ce jour, Jeudi 15 Décembre 2011, à l’occasion de l’ouverture solennelle du 5ème Congrès Ordinaire de la Confédération des Syndicats Autonomes du Bénin au terme du mandat légal du Bureau Exécutif National que j’ai eu l’honneur et le privilège de diriger depuis le 4ème Congrès statutaire de notre Confédération tenu les 24, 25 et 26 Novembre 2006, en ces mêmes lieux et cette fois-ci dans cette majestueuse salle du Palais des Congrès.
Je voudrais, avant tout, saisir l’opportunité qui m’est offerte pour dire un grand merci et souhaiter la bienvenue au Bénin, terre traditionnelle d’accueil, à nos illustres invités venus de très loin et d’horizons divers, non seulement pour honorer de leur présence la séance inaugurale de notre Congrès, mais aussi et surtout pour participer activement à quelques unes de nos activités. J’apprécie hautement et à sa juste valeur cette marque de confiance et de solidarité syndicale qui me va droit au cœur.
Camarades Congressistes,
Très honorables invités,
Il n’est pas inutile de rappeler à notre mémoire collective, à l’occasion de la tenue du présent Congrès, que la Confédération des Syndicats Autonomes du Bénin a été portée sur les fonts baptismaux en février 1991, grâce au courage et à la témérité de quelques Camarades qui ont eu à braver le tout puissant gouvernement révolutionnaire d’alors. En prenant la décision historique de rompre les amarres avec l’unique Centrale Syndicale l’UNSTB, qui régentait la vie des travailleurs à l’époque, parce que intimement et malheureusement soudée au célèbre régime du PRPB, ces précurseurs de la démocratie syndicale que sont les Camarades : DOSSOU Léopold (paix à son âme), IBRAHIMA Zakari, ATTIGBE Guillaume et consorts ont contribué, de façon décisive, à l’avènement du renouveau démocratique dans notre pays. Notre Confédération qui a allumé ses vingt bougies en février dernier, a grandi. Nous avons poursuivi cette tradition de lutte, de courage et de témérité, car, constituée au départ avec 23 syndicats à sa naissance, son effectif aujourd’hui vient de passer à 150 syndicats de base affiliés ; et la dernière adhésion que nous avons enregistrée est intervenue le 14 novembre 2011 avec le Syndicat des Travailleurs de l’Office National d’Imprimerie et de Presse (ONIP). Si nous avons pu atteindre ces résultats, c’est grâce aux efforts déployés surtout par les Secrétaires Généraux qui se sont succédé à la tête de la Confédération sans oublier les membres de leurs Bureaux respectifs.
Comme on peut le constater aisément, la CSA-Bénin, qui a fait un parcours élogieux, est une Confédération démocratique, respectueuse des textes fondamentaux qui la régissent. Depuis sa création en 1991, elle demeure sur l’échiquier syndical, au plan national, l’une des rares confédérations à tenir compte des exigences de ses statuts en organisant son congrès à chaque échéance avec souvent des alternances à sa tête. Cet acquis démocratique de notre organisation que nous devons préserver jalousement, qui est à mettre à l’actif de mes prédécesseurs, fait la fierté de tous les travailleurs membres de la CSA-Bénin et de notre pays. Initialement prévu pour Novembre 2010, notre 5ème Congrès a été reporté exceptionnellement sur décision du Conseil Confédéral pour des raisons d’une meilleure organisation et pour tenir compte de certaines contingences indépendantes de notre volonté. Camarades Congressistes, le présent Congrès, qui est placé sous le thème : «La démocratie et la garantie des libertés fondamentales dans un état de droit», permettra, j’en suis convaincu, aux congressistes et autres participants de discuter en panel dans un esprit de convivialité militante. Nous sommes ici à un rendez-vous du donner et du recevoir.
Camarades Congressistes,
Chers invités,
Mesdames et Messieurs,
Toutefois, avant ces débats que je suppose déjà très riches ce serait une fuite de responsabilité que d’occulter les nombreux problèmes sociaux qui minent le monde du travail dans notre pays au cours des présentes assises. Qu’il me soit donc permis de faire quelques commentaires sur les rapports existant entre le Gouvernement de la Refondation et les travailleurs tous secteurs confondus à travers leurs Confédérations ou Centrales syndicales respectives.
Il serait aussi malhonnête de dire que, depuis son avènement au pouvoir, le gouvernement du Docteur Boni YAYI n’a rien fait au profit des travailleurs. Oui. Des efforts louables ont été faits, malgré les répercussions négatives des effets pervers du capitalisme sur notre économie encore fragile. Et ce, dans le cadre de l’amélioration des conditions de vie des travailleurs dans les secteurs aussi bien public que privé. Ainsi, pouvons-nous citer :
Dans le secteur public :
– La poursuite du paiement des salaires aux APE à l’indice réel commencé depuis 2002 ;
-La revalorisation du point indiciaire ;
– Le paiement effectif des arriérés salariaux aux travailleurs et autres ayants-droit par l’émission des titres de paiement du trésor en vue de l’extinction progressive des dettes de l’Etat vis-à-vis de ces derniers ;
– L’organisation des concours de recrutement dans la fonction publique ;
– L’organisation des concours professionnels.
Dans le secteur privé, la revue à la hausse du SMIG est passé de 27 500 F CFA à 31 625 F CFA à la date du 11 Août 2008. Cependant, il est à noter que, l’arrêté portant revalorisation des salaires minima hiérarchisés des secteurs privé et parapublic régis par le Code du Travail n’a pas été conséquemment appliqué dans toutes les sociétés. Suite au relèvement du SMIG, par décret N°2009-578 du 06 novembre 2009, la pension minimum et toutes les autres catégories de pensions relevant de la CNSS ont été revalorisées. Mais le gouvernement aurait pu faire mieux si la chose publique était gérée dans les règles de l’art.
Il faut aussi reconnaître que ces droits ont pu être acquis grâce aux fréquentes pressions exercées par les Confédérations, les Fédérations et les syndicats de base sur le gouvernement qui n’a du reste accompli que son devoir régalien pour être en harmonie avec son concept de «prospérité partagée», lequel passe nécessairement par l’amélioration des conditions de vie et de travail des employés qui sont les créateurs de la richesse.
Je tiens honnêtement, au nom de ma Confédération, à remercier le Gouvernement pour tout ce qu’il a pu faire pour les travailleurs en ce laps de temps nonobstant les injonctions intolérables des Institutions de Bretton Woods (Banque Mondiale et FMI).
Malheureusement, sur le plan de la garantie des libertés publiques, il n’est pas exagéré d’affirmer que nos attentes ont été très tôt déçues avec les interdictions répétées des marches pacifiques des travailleurs pourtant autorisées, le déploiement tous azimuts des forces de police, de gendarmerie et des militaires surarmés en violation flagrante des franchises de la Bourse du Travail, le musellement de la presse etc. Tous ces actes posés ont sans doute terni l’image de notre démocratie à l’intérieur comme à l’extérieur de notre pays. Un tableau que vient noircir davantage la récente mesure unilatérale de suspension des primes et indemnités diverses dans les Sociétés et Offices d’Etat régulièrement régis par des conventions collectives et des accords d’établissement sur une simple lettre du Secrétaire Général du Palais de la Présidence.
La proposition de loi portant règles générales applicables aux militaires, paramilitaires et corps assimilés et la dernière proposition de loi hâtivement introduite au parlement et devant modifier la loi N° 2001-09 du 21 Juin 2002 portant exercice du droit de grève en République du Bénin au mépris des concertations entre les structures qui encadrent le dialogue social au Bénin n’est pas de nature à instaurer un climat social apaisé dans notre pays. Je ne voudrais pas ici, pour des raisons d’éthique, m’étendre longuement sur les actes de mauvaise gouvernance.
Je citerai cependant les affaires de détournement de deniers publics, les concussions, la corruption généralisée, le dossier de la CEN SAD, l’insécurité galopante entrainant comme corolaire des braquages crapuleux avec des morts d’innocents citoyens et surtout l’opacité qui entoure les privatisations des entreprises publiques. Et que dire du dossier ICC-Services et consorts, de triste mémoire, où des centaines de milliards ont été abusivement extorqués aux travailleurs et aux populations qui n’auront peut-être jamais la chance de récupérer leurs mises. Et que dire de la disparition jamais élucidée de Monsieur DANGNIVO Urbain, cadre du Ministère des Finances!
Camarades congressistes,
Notre démocratie, qui présente encore quelques signes de fragilité et de faiblesse, ne peut être consolidée que dans une démarche de dialogue franc et sincère entre les partenaires sociaux et les dirigeants politiques. Sans ce dialogue social qui constitue à nos yeux un gage de paix sociale, le gouvernement, quelle que soit sa volonté, ne pourra créer des emplois décents pour les jeunes ou éradiquer la grande misère, toute chose inscrite dans son projet de société.
Je ne puis terminer cette allocution sans tourner un regard rétrospectif vers l’Afrique, notre Continent, dans sa partie septentrionale, notamment en Tunisie et en Egypte, nous constatons que l’étouffement des libertés par les dirigeants corrompus, le manque d’emploi décent, les injustices sociales et autres frustrations accumulées pendant plusieurs années ont amené les travailleurs et les populations en quête de liberté et de mieux-être à descendre dans les rues pour exiger le départ sans conditions des dictateurs qui ont régné sans partage pendant des décennies en opprimant leurs concitoyens. C’est le lieu de saluer ce qu’il est convenu d’appeler le «printemps arabe» et marquer notre solidarité totale avec les travailleurs de ces pays qui ont allumé désormais le flambeau de l’espoir en donnant au monde entier l’exemple d’une démocratie populaire, même si c’est réalisé avec des effusions de sang. En tout cas, la liberté n’a pas de prix.
Nous sommes d’autant plus heureux que, contrairement aux espoirs des puissances occidentales qui croyaient récupérer à leur profit ces soulèvements populaires pour mettre en place de nouveaux régimes à leur solde, les peuples restent vigilants et exigent des nouveaux dirigeants des gages de liberté, de justice et de démocratie !
L’autre évènement, qui a laissé indifférents la plupart des Chefs d’Etat africains, est l’assassinat crapuleux du Colonel KHADAFI. Nous condamnons avec véhémence ce lâche assassinat longtemps planifié et exécuté par les pays de l’Otan pour faire main basse sur les richesses pétrolières de la Lybie.
Comment comprendre le transfèrement honteux et humiliant à la Haye du Président Laurent GBAGBO pour être jugé, dit-on, pour crime commis contre l’humanité, après Charles TAYLOR et Jean Pierre MBEMBA ? A qui le prochain tour ? L’Afrique doit cesser d’être la risée des occidentaux et chercher les voies et moyens pour se soustraire d’une justice importée et imposée par de nouveaux colons.
Il est bien temps que ces dirigeants occidentaux qui, sous le prétexte fallacieux de déficit démocratique dans certains pays, massacrent les peuples africains, répondent aussi de leurs forfaits devant le Tribunal Pénal International (TPI) qui ne devrait plus seulement servir à juger les Africains. En fait, nous comprenons que ces interventions armées des puissances occidentales dans les affaires intérieures des pays africains ne sont que la partie visible d’un plan de reconquête coloniale de l’Afrique. Mais appelons les peuples africains en général et les syndicalistes en particulier à demeurer vigilants pour faire échec à ce nouveau plan de reconquête, comme jadis nos ancêtres BEHANZIN, KABA, SAMORY TOURE, LAT DIOR, etc …
Depuis peu, en Occident, c’est le branle bas généralisé avec une succession de crises marquées notamment par des endettements colossaux sur tous les plans. En effet, contrairement à la propagande des capitalistes et autres néo-libéraux, qui faisaient croire qu’avec la chute du mur de Berlin et la mondialisation, les peuples se porteraient mieux, l’on constate malheureusement que partout dans le monde et surtout dans les milieux financiers, on se trouve en face d’une avalanche de crises, de récession avec leur cortège de misère, de vie chère, de licenciements massifs et de chômage systématique. Tant que subsisteraient les iniquités et les injustices sociales criardes engendrées par une économie néo-libérale dans les mains d’une minorité et imposée à la majorité, les Objectifs du Millénaire pour le Développement ne seront que de l’utopie.
Camarades Congressistes,
Chers invités,
Mesdames et Messieurs,
Au terme d’un mandat aussi éprouvant, je voudrais remercier le Grand Architecte de l’Univers qui m’a inspiré et guidé mes pas tout au long de cette expérience dont j’ai tiré beaucoup de leçons.
A mes collègues membres du Bureau Exécutif National sortant, j’exprime mes profonds sentiments de gratitude pour leur sincère et constante collaboration. Ils m’ont tant donné que je ne les oublierai jamais.
A mes prédécesseurs, qui m’ont toujours témoigné leur solidarité et m’ont prodigué d’utiles conseils durant tout le mandat, je leur renouvèle ma reconnaissance et mon engagement à les garder dans mon cœur.
Je reconnais que l’exercice du pouvoir, quel qu’il soit, n’est pas chose aisée. C’est pourquoi, je présente en toute humilité mes sincères excuses à tous ceux que j’aurais heurtés ou à qui j’aurais manqué consciemment ou inconsciemment dans l’exercice de ma délicate mission. De même à tous ceux qui ont voulu rendre mon mandat infructueux par méchanceté gratuite, j’accorde mon pardon.
En renouvelant mes remerciements à nos distingués hôtes et au Ministre du Travail et de la Fonction Publique, je voudrais inviter les congressistes à faire preuve de tolérance et surtout de vigilance.
C’est sur cette note d’exhortation que je déclare ouverts les travaux de notre 5ème Congrès Statutaire.
Vive la coopération syndicale !
Vive la solidarité !
Vive la CSA-Bénin !
Je vous remercie.