Révision de la Constitution du 11 Décembre 1990 : pourquoi il faut dire non

Depuis l’élection présidentielle de Mars 2011, le Président de la République et ceux qui le soutiennent ont embouché la trompette de la refondation.  Ce nouveau concept apparu quelques mois avant le scrutin n’a jamais connu un début de vulgarisation quant à son contenu, encore moins de clarification pour la compréhension du peuple.  Il paraît que c’est un ensemble de réformes qui seront mises en œuvre, au centre desquelles se trouve la révision de la constitution du 11 Décembre 1990.

Et depuis, l’attention des béninois s’est focalisée sur la révision de la Loi Fondamentale, les uns craignant une révision opportuniste, les autres surtout les thuriféraires du régime, rassurant les Béninois de ce que le Président de la République ne veut pas toucher aux articles 42 et 44 reconnus comme «  articles sacrés » de la Constitution, l’un et l’autre garantissant la stabilité et la maturité du système politique et institutionnel béninois, en même temps qu’ils créent les conditions de l’alternance au pouvoir.
En temps que citoyen, je voudrais contribuer par cet article au débat qui est plus que d’actualité, et à un moment ou les Représentants du peuple, à en croire les médias, s’apprêteraient àpartir de Lundi 19 Mars 2012 à enclencher le processus de cette révision.

Il est important de se poser deux questions fondamentales : Quelle est la disposition de la Constitution qui dérange le peuple Béninois et qui fait que si, elle n’est pas révisée maintenant, va occasionner ou causer l’écroulement du pays ou faire chavirer son économie ? Pourquoi les promoteurs de la prétendue refondation en font une priorité en ce moment où le Benin est plutôt confronté  à des conflits sociaux d’une ampleur sans pareil et à d’énormes problèmes économiques et financiers ?
A ces questions, il convient de répondre d’emblée qu’il n’y en a pas une seule disposition de cette nature dont la non révision a court terme compromettrait l’avenir et la stabilité politique et économique du pays.  Si quelqu’un peut me démentir, alors je l’invite au débat.  On parle beaucoup de la CENA et de la Cour des Comptes comme institutions devant intégrer le dispositif constitutionnel. Est-ce cela qui va empêcher la fraude électorale devenue notre sport national ? Est-ce le fait de mettre la Cour des Comptes dans la Constitution qui va améliorer la gestion des Comptes de l’Etat ? Tout en convenant que c’est un principe communautaire qui voudrait l’institution de la Cour des Comptes, il faut avoir le courage de reconnaître que tout est d’abord question de la manière de gérer le budget de l’Etat. Pourquoi n’a-ton pas fait introduire la Cour des Comptes depuis 2006 où on nous parle de bonne gouvernance et de reddition des comptes ? Le débat sur l’inclusion de la Cour des Comptes dans la Constitution date de Mathusalems et ce n’est pas la précipitation dans son inclusion dans la Constitution qui consacrera son utilité, mais plutôt ce qu’on en fera. En outre, que fera une telle Cour sous le régime actuel coutumier de la mise sous  contrôle des  institutions  de contre pouvoir? 
Le fait est que le Président Boni Yayi n’a pas réussi son premier quinquennat, englué qu’il était  dans des scandales économiques et financiers jamais égalés dans l’histoire de notre jeune nation.  Le fait aussi est que Monsieur Boni Yayi ne dispose ni des ressources humaines dans son équipe, ni de la méthode appropriée pour sortir le pays de l’ornière.  Toutes les réformes initiées  achoppent, tout est sujet à controverse et tout suscite méfiance, défiance et contestations.  Le Benin serait-il devenu un pays si difficile à gouverner ?

Qu’est-ce qui presse?

Le fait est enfin que le Président Boni Yayi sait bien qu’il a des limites intrinsèques qui l’empêchent d’avancer, et manque d’humilité oblige, se précipite sur la révision de la Constitution.  Quand il l’aura fait, il prononcera son discours habituel, comme il l’a fait pour la loi votée avec rage et précipitation contre la grève des douaniers.  Qui peut nous dire ce que nous apportent à court terme, les réformes politiques dont on nous rebat les oreilles ? Sans avoir fait ces réformes, il a déjà créé de nombreuses structures qui érodent le budget de l’Etat afin d’entretenir les courtisans.  Qu’on m’explique comment le peuple béninois détenteur de la souveraineté a participé ou va participer à la mise en œuvre de ces réformes ?  Si c’est par le biais de l’Assemblée Nationale, je dois dire que malgré tout le respect que j’ai pour les députés, majorité et opposition confondues, ils n’inspirent pas suffisamment confiance pour faire une analyse responsable, indépendante pour que le peuple leur fasse confiance.  Les relations de vassalisation qui lient le Président de l’Assemblée Nationale au Président de la République n’augurent rien de bon pour notre démocratie.  Ce dernier n’aurait-t-il pas récemment déclaré que par ces temps de relative accalmie, il faut en profiter pour vite faire la modification de la Constitution ? En pleine crise de l’école, cela veut tout dire sur le désire qui anime nos Princes pour qui la révision de la Constitution serait devenue la priorité des priorités.
Le Président Boni Yayi veut être l’homme par qui la Constitution aura été révisée.  C’est la même façon de fonctionner qui l’a amené à briguer la Présidence de l’Union Africaine, option inappropriée dans le contexte actuel de notre pays, mais aussi coquille vide, perte de temps et d’énergie dans le cadre d’une prétendue diplomatie ou le Benin n’a rien à gagner en tant que pays, en dehors des sommets dispendieux aux frais  du contribuable béninois. Pour moi, il ne remplit pas les conditions rassurantes pour prétendre faire cette réforme constitutionnelle à laquelle il tient comme à la prunelle de ses yeux.  En tant que citoyen, mon opinion est que le peuple Béninois devrait exiger de lui de clarifier tous les dossiers de scandales économiques et financiers qui ont jalonné son premier quinquennat, avant de prétendre conduire une telle réforme afin qu’elle gagne le cœur et l’engagement des Béninois.  Sinon, ce serait peine perdue.  S’il fait un passage en force, le peuple reviendra sur ces réformes à la fin de son mandat. Et  s’il refuse de quitter le pouvoir, le peuple en tirera les conséquences.

Nécessité d’instaurer un débat contradictoire

Il est important que la société civile, comme c’est déjà le cas, se mobilise et exige qu’un processus consensuel se mette en place très rapidement ou chacun pourra s’exprimer  à travers un débat ouvert, contradictoire et transparent.  Les changements à apporter à la Constitution se feront à l’issue de ce processus où les catégories sociales se seront exprimées sur leur nécessité et leur priorité.  J’ai suivi il y quelques jours, un monologue sur l’ORTB qui impliquait Monsieur Joel Aivo, Madame la Ministre de la Justice et deux autres députes, tous de la majorité présidentielle.  Cette façon de faire s’apparente à la pensée unique, car il n’y a jamais de  contradicteurs sur le plateau de l’ORTB.  L’Expert prétendu sur le plateau était en mission pour qui on ne sait.

Parce que nous sommes un peuple qui compte en son sein des femmes et des hommes intelligents, nous ne devons pas accepter que la révision de notre Constitution soit conduite comme a été conduit le processus de la LEPI, où les assurances données par un certain Arifari Bako de ne pas utiliser cette liste incomplète, bâclée et illégitime pour l’élection présidentielle de Mars 2011 ont tourné court.  On connaît la suite…. J’invite les citoyennes et citoyens épris de paix, de justice sociale et de liberté et conscients de l’avenir de leur seul pays le Benin, à dire non à cette entreprise hâtive de révision, digne des républiques bananières, génératrice de frustrations et donc porteuse d’une régression sans pareille pour notre démocratie. On peut être un pays pauvre et faire des choses avec méthode et élégance.  Un autre Benin est possible!

Coffi Adandozan,
Lille France 

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