(Des Pvvih en témoignent) Des voix s’élèvent notamment du côté des organisations des personnes vivant avec le VIH/Sida (Pvvih) au Bénin pour dénoncer depuis plusieurs années déjà, la mauvaise qualité de la prise en charge des Pvvih, notamment le suivi biologique.
Deux parmi les malades nous ont raconté leur vécu et leurs difficultés. Nos Tentatives pour avoir l’information de sources officielles ont été infructueuses.
Après les témoignages de deux personnes vivant avec le Vih/Sida (Pvvih), nous avons voulu, prendre l’avis de quelques autorités notamment du Programme national de lutte contre le Sida (Pnls) et de la Centrale d’achat des médicaments essentiels et consommables médicamenteux (Came). Non seulement pour avoir leur position sur certaines déclarations de ces Pvvih, mais aussi pour connaître la situation en termes de disponibilité des Arv et réactifs pour cette année. Mais toutes nos démarches ont été vaines. A tous les niveaux, il nous a été opposé des arguments qui n’ont jamais favorisé l’accès à l’information. «Nous, nous sommes un agent d’exécution physique du Pnls. Dans le contrat qui nous lie, il est dit qu’on ne peut fournir aucune information sans l’accord préalable de la coordination du programme», nous a-t-on servi à la Came.
Par la suite, nous avons contacté par téléphone, celle qui s’occupe du volet gestion des médicaments au Pnls. Même chose. «Il faut contacter la coordonnatrice et avoir son accord d’abord». Rappelons que déjà dans le passé, celle-ci nous a reçu et a même promis nous recevoir désormais sans aucun protocole.
A la suite de ces deux obstacles, il ne nous restait qu’à mener les démarches vers la coordonnatrice. A ce niveau, nous n’avons pas eu l’occasion de la rencontrer. La secrétaire particulière nous informe qu’il faut une demande écrite précisant le sujet dans les détails et les personnes à rencontrer. Et il faudra faire la navette pour demander si la suite est favorable ou pas. La coordonnatrice, à en croire sa secrétaire particulière, pouvait même réorienter le sujet, si elle le juge nécessaire. Si on s’y oppose, pas question de donner son accord. Lire ci-dessous les témoignages recueillis.
Valentin Nassara : «On peut te changer les molécules comme du bonbon»
Au niveau de la prise en charge médical, outre les Arv et les bactrim, c’est difficile. Et comment on nous donne encore les Arv? Moi, par exemple, je suis sur Videx, Stokrin et Abacavir. Mais depuis 18 mois, il y a eu rupture. Et à la consultation, on peut te changer les molécules comme du bonbon. Alors qu’au préalable on doit pouvoir nous faire des analyses biologiques qui entretemps étaient gratuites mais aujourd’hui, non plus toutes. Moi je suis entre première ligne et deuxième ligne. Videx, Abacavi et stokin, ce n’est ni première ligne, ni deuxième ligne. Je suis entre les deux. Or dans un pays sérieux où le droit humain est respecté, ça ne doit pas se faire. Soit tu es à la première, soit tu es à la deuxième ligne ; mais malheureusement chez nous au Bénin, de façon acrobatique on te change de ligne. C’est pourquoi, depuis deux mois, on m’a demandé de venir pour qu’on me change encore le Videx, mais j’ai refusé. On ne m’a pas demandé un bilan, comment on peut me changer de ligne?
«La moitié des conseillers psycho-sociaux n’est pas pvvih»
Tout n’est pas mal. Le volet qui a été renforcé aujourd’hui, c’est le volet psycho-social avec l’augmentation, de façon considérable, du nombre de conseiller psycho-social. Mais, nous avons aussi constaté quelque chose à ce niveau. Sur les 486 conseillers, la moitié n’est pas Pvvih. Donner des conseils psychologiques à une Pvvih, n’est pas question de diplôme. C’est une question d’expérience, c’est le vécu quotidien. Quand c’est une Pvvih qui se présente devant une autre pour lui parler, le message passe vite et bien. La Pvvih croit en celui qui est comme elle plus qu’en un intellectuel qui a le Bac+20.
«Les gens ont la ferme volonté de nous tuer»
L’Etat qui est censé donner le minimum ne le fait pas. Est-ce que moi pauvre personne, j’ai l’argent pour aller me procurer les médicaments? C’est dire que les gens ont la ferme volonté de nous tuer. Je sais que quand cette interview va être publiée, les autorités vont commencer à m’appeler comme elles le font. Mais, je le dis en toute franchise, je suis un cabri mort, je n’ai pas peur du couteau. Les dirigeants savent seulement aligner les lettres pour former des mots. Pour les organes de décision, sur vingt personnes, il y a à peine une pvvih. On sert de cobaye. Après quand ça ne marche pas, ils disent qu’ils avaient quand même invité un des nôtres. Il faudrait qu’ils sachent que ça n’arrive pas qu’aux autres.
Constant Migan : «Ils font un jeu entre des médicaments de différente ligne»
Nous souffrons beaucoup pour notre prise en charge. La racine, c’est la lenteur administrative sur les sites de prise en charge. C’est aussi la passation des marchés qui peut durer un an. Ces deux choses créent des problèmes aux patients. Cela crée les ruptures d’Arv qui ont pour conséquences, les échecs thérapeutiques. Quand la Pvvih manque une seule fois de prendre un médicament ou le prend avec retard, cela lui crée des problèmes. Son organisme peut commencer par développer des résistances. Et c’est ce qui occasionne les échecs thérapeutiques.
Avec les ruptures, et peut-être dans le souci d’éviter ces échecs, on nous remplace un médicament en rupture par un autre disponible. Ce qui est grave ici, c’est que c’est un jeu qui se fait entre des médicaments de ligne différente. C’est à un jeu de ping-pong que nous assistons. Il y a du coup, un danger qui nous guette. Quand il y aura rupture au niveau de ces médicaments de la deuxième ligne qu’on prend pour remplacer ceux de la première ligne, il n’y aura pas de solution. Car, aujourd’hui, on n’a pas encore les médicaments de la troisième ligne disponibles.
«Vétusté et panne des appareils»
D’un autre côté, nous subissons aussi les conséquences de l’inexistence et ou de la vétusté d’appareils d’analyse. Depuis plus de huit mois, il y a des appareils qui sont en panne au laboratoire. Notamment celui qui nous permet de suivre les dysfonctionnements au niveau du foie, des reins ou l’évolution de la maladie. C’est indispensable. Les patients sont obligés de payer et de s’offrir le service ailleurs. Or, c’est dire que c’est gratuit. Nous avons aussi des problèmes par rapport à la prise en charge nutritionnelle. Permettez-moi de remercier le professeur Zannou. Il fait beaucoup pour que le site du Cnhu n’ait pas de problèmes. Il met parfois la main à la poche pour aider les patients. Mais il ne peut pas grand chose.
«On a assez des séminaires, ateliers et formations»
Il faut que l’Etat veille sur nos conditions de vie. Il n’y a pas une supervision nette. Il faut que le Chef de l’Etat prenne son bâton de pèlerin en tant que Président du Comité national de lutte contre le Sida (Cnls). S’il le faut, il faut créer un ministère chargé spécifiquement du Vih comme en Côte-d’Ivoire. Le Ministère de la santé a beaucoup de cordes à son cou. On a assez des séminaires, ateliers et formations. Nous avons l’impression qu’il n’y a pas du concret dans les conclusions qui sortent de ces séminaires. Le coordonnateur du Pnls et le Secrétaire du Cnls devraient venir eux-mêmes toucher du doigt les réalités sur le terrain par des visites régulières pour discuter directement avec les bénéficiaires. Mais ils se disent qu’au sein du réseau des Pvvih, nous sommes des syndicalistes. Non ! Nous ne le sommes pas.