Contrairement à ce qu’on attendait, le président Boni Yayi en a rajouté à la psychose ambiante dans laquelle vit le peuple. Face à la raréfaction du pain et de la paix, l’interview présidentielle ne semble rien arranger. Au contraire, le Chef s’est accommodé de quelques contrevérités et propos graves qui inquiètent maints Béninois.
Dans l’histoire des interviews accordées par un Chef de l’Etat en exercice, celle accordée par le président Boni Yayi mercredi dernier à trois de nos confrères des chaînes de télévision en est une. Particulière par son caractère ubuesque, par sa durée mais aussi par l’ire déversée par le Chef de l’Etat venu pourtant pour communiquer. Le moment était pourtant bien choisi : un 1er Août, date de la commémoration du 52è anniversaire de notre indépendance à une période où les Béninois dépassés par l’acuité de la crise économique actuelle attendait de la part de leur président des propositions concrètes pour les aider à sortir de la crise actuelle. Mais au finish, Yayi a joué une fois à faire peur. Et pour cause, bien que l’on ait noté beaucoup de révélations et de vérités dans les déclarations du président Yayi, il n’en demeure pas moins qu’elles sont aussi truffées de contrevérités. Ainsi donc, il est difficile d’accepter de la part d’un président que le Bénin connaît actuellement une crise à cause seulement du fait qu’il ne tire ses ressources de la seule fiscalité. Quid de la mauvaise gestion des ressources, quid des prévarications et des ressources exorbitantes consacrées pour les multiples voyages de Yayi. Dans la zone Uemoa où nous sommes actuellement derniers, le Bénin n’est pas le seul pays à tirer ses ressources de la seule fiscalité. A la place du pétrole, de l’uranium, et autres, le Bénin peut se targuer d’être un des rares pays, si ce n’est le seul, dans le lot à ne pas connaître une guerre ou un conflit armé depuis 1960. Cela est une richesse importante que tous les prédécesseurs ont utilisé à bon escient. Une contrevérité consiste à dire que les hommes politiques sont « dépassés » et que son élection en 2006 n’est que leur rejet par le peuple. En 2006 où Yayi accédait au pouvoir, les hommes politiques(Houngbédji, Amoussou, Lehady Soglo, Kolawolé Idji…) réunis ont fait près de 50%. Loin devant les 34% qu’il a obtenus. Le Chef de l’Etat a aussi insinué que les opposants lui ont demandé d’arrêter les réformes. Ceci n’est pas juste. L’Un, lors des journées qu’elle a organisées la semaine dernière a simplement demandé de faire une pause une fois que ces réformes ont été mal menées et de revoir la correction. Le Chef de l’Etat a aussi affirmé qu’ « il n’est pas là en tant que politicien. C’est les politiciens qui mentent ». Or, tout le monde sait que depuis 2006, Yayi a fait créer un parti, les Fcbe, qu’il confectionne lui-même les listes pour les élections législatives et communales et qu’il bat campagne pour les candidats cooptés sur sa liste. Si cela n’est pas être politicien, cela y ressemble bien. Dans la même veine des contrevérités, Boni Yayi a brandi à maintes reprises le dernier rapport du Fmi et de la Banque mondiale pour proclamer la bonne santé économique du Bénin. Le rapport du Fmi ne parle que de la situation budgétaire du pays. « Nous avons jugé satisfaisante la situation budgétaire du pays au mois de juin 2012 », ont affirmé les experts de l’institution de Bretton Woods. Mais quiconque sait que la bonne santé du pays n’est pas mesurable seulement à l’aune d’un tel rapport. En ce moment, le Bénin traine plusieurs dizaines de milliards de dette intérieure. 275 milliards de franc Cfa selon des sources proches de l’administration du Trésor La morosité économique a entrainé la baisse drastique des dépenses dans les ministères. Quid de la flambée des prix des denrées de première nécessité ? Autre contrevérité, la date de naissance de Boni Yayi. « J’ai 62ans et je suis président de la république », a-t-il fulminé. Pourtant officiellement et sur tous les documents qu’on lui connaît (même sur son wikipédia) Boni Yayi est né le 1er juillet 1952. Ce qui fait 60 ans. Le Chef de l’Etat est-il un « René » comme on le dit par ici?
Des propos graves
Hormis l’usage de thèmes triviaux comme « petits », Yayi a tenu des propos suffisamment graves. En disant qu’il sortira contre le Front uni ses partisans, en parlant des « miens du Bénin profond », le Chef de l’Etat incite à la partition du pays et incite au régionalisme. Ce qui viole gravement son serment de président. Parlant aussi des magistrats, il affirme qu’ils peuvent faire tout ce qu’ils veulent. Il n’est pas bon que le Chef de l’Etat parle ainsi. Aux termes de cette interview où Yayi est resté muet sur les problèmes de pauvreté, de chômage et d’insécurité, on se demande si le Chef de l’Etat est vraiment soucieux du bien être des populations. Aux termes de cette interview, le Béninois lambda se demande qui porte la responsabilité de toutes ces erreurs, de toutes ces mauvaises gestions, de tous ces balbutiements ? Est-ce le petit paysan du village, l’opposant qui ne gère rien ou lui celui sur qui le peuple a porté son choix pour corriger tous ces cafouillages qu’il ressasse aujourd’hui ?