«Les dirigeants actuels avec à leur tête Boni Yayi, nous ont conduit dans le désarroi» dixit Souleyman Amzat, ancien membre du dispositif sécuritaire de Tchané

 

Souleyman Amzat  après avoir activement participé en 2006 à l’arrivée de Boni Yayi au pouvoir  et qui récemment, faisait encore partie du dispositif sécuritaire de Abdoulaye Bio Tchané a accepté de se vider et partager avec ses compatriotes d’ici et d’outre-mer, la suite de son parcours et ses relations avec Abdoulaye Bio Tchané en tant qu’homme de premier rang de sa sécurité. 

Les dessous de l’échec du patron de Tabati Taba aux dernières élections présidentielles ont été passés au peigne fin. Il en a profité pour croiser ses regards sur l’actualité nationale, notamment son point de vue sur la gouvernance de Yayi, la campagne cotonnière, le Pvi et le dossier de l’actualisation de la Lépi.

 

Monsieur Amzat Souleyman, les Béninois vous avaient vu derrière le président Yayi Boni avant les élections de 2006. Mais après vous étiez comme écarté par le système des choses. En 2011 encore, vous étiez l’un des maillons importants du dispositif sécuritaire du candidat Abdoulaye Bio Tchané. Mais curieusement, vous aviez disparu à la veille des élections. Que s’est-il passé?

Merci pour l’opportunité que vous m’offrez de parler de ces aventures qui m’ont encore une fois révélé le vrai visage de certains de nos compatriotes. Vous avez parlé de maillon important, Je vous concède le terme de « maillon fort ». Là encore, ce n’est pas l’essentiel. Ce que je reconnais est que je n’ai pas été pour peu dans le dispositif sécuritaire du candidat Boni Yayi durant la campagneprésidentielle de 2006. C’est vrai que les conditions sécuritaires de l’époque étaient telles qu’il fallait faire appel à des personnes ressources reconnues. Je veux parler des spécialistes du métier. Sidonc j’y étais, c’est parce que les gens reconnaissent mon professionnalisme en la matière. Je reconnais aussi ma participation au dispositif sécuritaire du candidat Abdoulaye Bio Tchané aux élections présidentielles de 2011. Mais, les conditions et le climat sécuritaire étaient très tendus et complexes. Il y avait trop d’improvisation et un peu de pagaille. Pour ceux qui me connaissent, je ne suis pas un adepte de la médiocrité. Je n’ai pas disparu, j’ai juste décidé de ne pas participer à cette anarchie au sein de ce dispositif où les rôles n’étaient pas du tout définis. Je vous précise que ce métier, je l’ai appris dans des cercles africains et occidentaux de renom. Toute modestie mise à part, j’ai à mon actif la protection de plusieurs chefs d’Etat, de ministres, des députés, des personnalités du monde des affaires etc. Je ne suis pas un plaisantin sur le plan de la sécurité contrairement à ceux qui s’en vantent. L’histoire retiendra n’importe comment mon nom dans ce domaine à travers certaines capitales de la sous région. Bref, avec les deux personnalités les expériences sont diverses.

 

Celui que les gens appellent à tort ou à raison votre candidat a lamentablement échoué lors des dernières élections présidentielles et ce, avec un piètre score. Qu’est ce qui peut expliquer cette débâcle?

J’ai déjà à mon actif, six campagnes, pour ne parler que de campagnes présidentielles. Mon expérience en la matière n’a pu être d’une contribution positive du faite de la «béninoiserie». Jesouhaiterais que ce phénomène négatif de mode dans mon pays soit diagnostiqué et corrigé. Pour en venir aux résultats des élections de 2011, le Bénin a vécu une véritable mascarade du siècle. Et nous savons le rôle que ladite liste électorale permanente informatisée (Lépi) que moi je qualifie de mystique, a eu à jouer pour qu’on en soit à ce K.O. là. Il faut à tout prix corriger cette liste si nous voulons la paix dans notre Pays. Dans ce débat tous les Béninois ont leur petit rôle, chacun à son niveau. C’est par rapport à cela que je salue la réaction du clergé catholique. Si vraiment cela peut inspirer les gouvernants, c’est tant mieux pour notre nation. Du reste, pour avoir séjourné dans leurs arcanes, nous connaissons comment certains chefs d’Etats africains se font élire. Pour éviter des situations d’explosion, le peuple a souvent accepté les verdicts qu’on lui annonce et qu’on lui impose d’ailleurs. Mais pour combien de temps cela va t-il durer ? Allons –nous toujours laisser cette pratique se perpétuer au sacrifice de la démocratie chèrement acquise ? Je crois que nous devons arrêter cela. Revenant à la débâcle du candidat ABT, elle est due à un manque notoire d’expériences en matière électorale. Il y avait trop de petits politiciens de circonstance, des hommes bons pour seulement coller les affiches qui lui ont assez empoisonné le moral. Vous savez bien que de ma position de l’époque, tout n’était pas bon à dire. Mais je crois que le moment est venu de crever l’abcès. Il m’a été enseigné aussi bien durant ma formation militaire que celle de protection de personnalités à hauts risques que « la troupe est à l’image de son Chef ». Bio Tchané doit se débarrasser des pseudo politiciens. Sans verser dans du verbiage inutile, je demande à Monsieur Bio Tchané, avec tout le respect dû à une personnalité de son rang, d’être un véritable Chef s’il veut gérer le pouvoir un jour. Je reviendrai en profondeur sur ce bout de phrase. Mais à l’instant même, je lui conseille vivement de cesser de se laisser embobiner par des pseudo-politiciens, des apprentis sorciers de la démocratie dont les objectifs ne sont directement liés qu’au ventre. Allez consulter les résultats des élections législatives de 2011 et vous vous rendrez compte que beaucoup d’entre eux ne valent grand chose.

 

C’est pourquoi vous avez fui du pays?

Monsieur le journaliste, je tiens à dire que je suis un homme parfaitement libre de pensée et d’acte. Je ne vois pas ce qui peut me faire fuir de mon pays. Cette époque est révolue et je dis plus jamais çà. Si je suis retourné en France, ce n’est pas que j’ai fui mon pays, c’est pour des études de spécialisation de protection de personnalités à hauts risques.

 

De là bas, vous suivez certainement l’actualité du pays. Le chef de l’Etat a publiquement reconnu que notre pays tient la lanterne rouge de l’Uemoa sur le plan économique. Quelle réflexion cela vous suggère t-il?

Je suis parfaitement d’accord avec vous que de loin, je suis au détail près tout ce qui ce passe au pays. Mais j’avoue que c’est lamentable et déplorable. Cela me fait souvent couler les larmes. Lesdirigeants actuels avec à leur tête, le Dr Boni Yayi, nous ont conduits dans ce désarroi que j’appelle gouffre. Le prétexte mondial, dirais-je, l’excuse économiquement correcte pour ce gouvernements’appelle « la crise économique mondiale » dont le Bénin ne saurait à lui aussi s’échapper. Mais quel est la vision de nos décideurs pour le développement du pays? Si le Chef reconnait avoir échoué dans la mission que lui a confiée son peuple, le bon sens exige qu’il démissionne et parte dans la fierté. Il n’y a pas mieux. Inutile de s’accrocher alors qu’on n’a plus de solution. La gestion d’un pays, ce n’est pas la magie, encore moins la conduite à sens unique. C’est lui- même qui est venu avec sa formule magique, sacrée «d’obligation de résultats et de comptes rendus». Mais il ne nous rend compte de rien, il conduit à lui seul le navire dans la direction où il veut. A mon humble avis, il ne lui reste qu’une chose : Démissionner. Et ce serait salutaire pour notre Pays. Loin de moi un appel à l’insurrection, nous, Africains, en particulier, les jeunes de ma génération, sommes profondément déçus de nos dirigeants. Et J’en profite, puisque vous m’en donnez l’occasion d’appeler cette génération sacrifiée au réveil, à l’éveil et surtout à un sursaut patriotique.

 

Notre économie est largement dominée par le Port autonome de Cotonou et le coton. Mais aujourd’hui, c’est l’effervescence dans ces deux domaines. Avez-vous un commentaire à faire?

Le Port de Cotonou est un échec total. Le PVI, une véritable illusion, une catastrophe qu’il faut immédiatement effacer de nos consciences. S’il est vrai qu’aujourd’hui, le Port représente le poumon de notre économie. Ipso facto, c’est une véritable machine d’explosion sociale. Les actuels dirigeants béninois doivent se le mettre dans leur conscience. En leur temps, nos anciens dirigeants avaient des programmes plus ou moins cohérents, des politiques de développement stratégique de notre Port. Et de par sa position géographique, il a répondu à la promesse que l’on pouvait attendre de lui. Il n’y avait pas mieux dans notre sous région. Mais avec cette flopée de réformes du gouvernement dit de refondation, notre Port perd sa valeur. Tout le monde nous fuit pour se rabattre sur d’autres accostages. Je n’ose pas croire que, mon pays, jadis appelé « quartier latin de l’Afrique » soit tombé aussi bas. Pour le coton, je préfère garder la réserve pour la simple raison que ce secteur est une véritable salade de fruit. C’est la mafia érigée malheureusement en système de gouvernance. Mais l’épisode final est pour très bientôt.

 

Que pensez-vous du secteur public béninois?

La médiocrité, le favoritisme, l’incompétence et la corruption sont les maitres mots de notre système de gouvernance. L’eau ne prend que la couleur du récipient qui la contient. Suivez mon regard !

 

Oui mais à qui la faute?

Comme vous insistez monsieur le journaliste, je vous avais dit que je suis un homme libre de pensée. Vous deviez savoir que la troupe est à l’image de son Chef. Si le Chef est bon, la troupe l’est aussi. Le poisson dit-on, pourrit toujours par la tête. Notre président de la République est le premier des responsables. A mon humble avis, il faudra arrêter de naviguer à vue. Nos dirigeants n’ont qu’à arrêter de prendre leurs désirs personnels comme des méthodes sur lesquelles doit se baser la gestion du pays. Ce n’est aucunement cela la réalité, ils le savent bien. Je voudrais par ailleurs appeler tous les Béninois où qu’ils se trouvent à un réveil de conscience. A mon tour, je suscite un sursaut patriotique pour le retour des valeurs intrinsèques chères à notre pays, des valeurs chères au Danhomey depuis l’ère de Bio Guerra, Béhanzin, Kaba et les autres héros que je n’ai pas oubliés et dont je vous remercie de m’avoir permis de taire les noms. Au demeurant, je sais qu’il y a encore de cadres émérites dans mon pays. La recherche de solution doit être collective même si les propositions de solutions sont individuelles.

 

Votre contribution pour corriger tous les maux que vous dénoncez au sujet de la gouvernance publique. Vous profiterez pour conclure cette interview ?

Pour conclure cette interview, je souhaiterais que les Béninoises et Béninois sachent qu’ils ont la matière grise. Ils ont aussi des valeurs sûres pour mener notre pays à la croissance et au développement à travers une bonne gestion des hommes et des affaires publiques du Pays. C’est tout ce qu’il nous faut maintenant pour éviter le printemps, que dis-je ; l’explosion sociale qui s’annonce à grand bruit. Je reste persuadé, qu’à l’aube, au lendemain de la nuit, l’avenir nous donnera raison car, refuser de subir, c’est passer à l’action. Je ne saurais définitivement conclure cet entretien sans vous remercier et remercier toute la presse béninoise pour le travail que vous abattez quotidiennement et surtout pour cet état de veille. Le Seigneur vous en saura gré. Que le bon Dieu bénisse le Bénin et que les bénédictions divines soient. Je vous remercie.

Propos recueillis par Ismail Kèko

 

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