Une table ronde pour relancer l'économie béninoise. C'est en cours. Elle réunit du beau monde. Pourquoi attendre que le bateau de l'économie commence à prendre l'eau avant de se réunir? Pourquoi attendre de voir bégayer les grands agrégats de notre économie avant de battre le rappel général ?
On a simplement oublié que, entre acteurs, l'échange doit être constant, la concertation doit être permanente.
Une implication de tous les acteurs, un suivi continu de notre économie nous auraient épargné la grand-messe d'aujourd'hui. Nous aurions eu alors les yeux rivés moins sur le sommet d'une pyramide que sur la base de celle-ci. Les envolées, à coups de théories savantes, c'est le sommet de la pyramide. Le sol concret d'où l'économie prend son envol, c'est la base de la pyramide.
C'est à ce second niveau qu'il nous plaît de situer notre modeste contribution. Sont, ici, concernés des millions de nos compatriotes. Ils faut craindre qu'ils ne soient les oubliés de cette table ronde sur le dialogue public/privé. Ils risquent, à la fin, de ne bénéficier du moindre intérêt, au moment de la redistribution des cartes, à l'heure du positionnement des différents acteurs sur la nouvelle carte de notre économie.
Ils sont des millions de Béninois et de Béninoises qui exercent des métiers de service à forte demande sociale. Nous pensons, par exemple, aux restauratrices, aux cuisiniers et aux cuisinières, aux caissiers ou aux caissières, aux serveurs et aux serveuses, au personnel d'entretien qui peuplent l'univers de la restauration et de l'hôtellerie. Nous pensons au secteur du bâtiment avec les maçons, les électriciens, les plombiers, les carreleurs, les menuisiers, les peintres. Nous pensons à l'automobile avec les chauffeurs et les mécaniciens, les vulcanisateurs et les peintres-auto…Nous pensons à l'habillement et à l'esthétique avec les coiffeurs et les coiffeuses, les stylistes et les couturiers, les pédicures et les manucures. Nous pensons au monde sans frontières des artisanes et des artisans. Sans oublier les agents de sécurité, les gens de maison ainsi que tous les produits directs et indirects de nos activités d'import/export.
Voilà des gens qui occupent par milliers, de milliers de postes de travail, répondant ainsi, tous les jours que Dieu fait, à une forte demande de services. Qu'on prenne la décision d'arrêter leurs activités et prestations et toute l'économie du pays s'en ressentira. Voilà des gens que n'intègrent pas suffisamment nos grandes théories économiques. Pourtant ces laissés-pour compte se révèlent incontournables dans le fonctionnement et la marche de notre économie. Pouvons-nous, dans ces conditions, continuer de les ignorer? Pouvons-nous, dans ces conditions, continuer de les tenir pour quantités négligeables? Nous ferions marquer à notre économie des points décisifs, tout comme nous lui ferions faire de notables progrès à deux conditions. Changer notre perception de tous ces métiers. Revoir et réviser le statut de ceux qui exercent ces métiers.
D'abord, nous devons, pour ainsi dire, délocaliser tous ces métiers, en les sortant des ténèbres de l'informel pour les exposer au soleil du formel. On s'installe trop vite mécano dans une vons de Cotonou. On s'attribue vite le titre de coiffeuse dans l'arrière cour d'une maison. Et il y a trop d'électriciens, de carreleurs ou de peintres improvisés sur tous les chantiers. Une telle pagaye nuit à l'économie. Elle n'est pas porteuse de performance, donc de valeur ajoutée.
Ensuite, la formation de ces milliers de prestataires de services, quel que soit le domaine considéré, laisse à désirer. La ressource humaine, notre première richesse, est confiée à des mains inexpertes et non habilitées. Les apprentissages informels, ne répondant à aucune norme, dans des ateliers non agréés, sont visés. Allons-nous laisser faire? Pour combien de temps encore? L'autorité ne peut fermer les yeux sans se rendre coupable de complicité d'un véritable gâchis humain.
Enfin, c'est par ce qu'il en est ainsi, que nous trainons une masse énorme d'ouvriers non spécialisés, non professionnels. Ils sont condamnés à jongler à longueur de temps. Aussi tracent-ils leurs parcours de bâtiments mal construits, de vêtements mal taillés, de moteurs plutôt bricolés que réparés, finalement d'un pays mal construit. A formation médiocre, homme de métier médiocre. A prestation de service médiocre, revenu médiocre. On ne construit pas une grande économie avec des petits bouts de chiffons.
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