La lutte contre le Vih/Sida au Bénin, en dépit de son âge adulte, bientôt trois décennies, semble condamnée à faire du surplace, ou à ne pas faire de grands pas, parce que phagocytée par des maux qui la rongent et apparemment plus têtus que le Vih même.
Cela fait 26 ans déjà que le Bénin mène des acticités de lutte contre le Vih/Sida. Et ce, à travers plusieurs plans périodiques de riposte nationale à cette maladie. Des plans dont les attentes tournent autour de l’arrêt de la discrimination des personnes infectées, de la propagation de la maladie et des dégâts dont les décès dus à la maladie. Plus de 25 ans après, ces idéaux demeurent des idéaux, un rêve presque inaccessible dont la conversion en réalités se confronte à des difficultés qui ont la peau dure. A passer au scanner le chemin à parcourir par le Bénin pour atteindre l’objectif «Zéro nouvelle infection, zéro décès lié au Sida, zéro discrimination» fixé par l’Onusida, on se rend compte qu’il est rocailleux, jonché d’embûches. Primo, la prise en charge, facteur important de la lutte contre le Sida a du plomb d’ans l’aile. Bien que gratuite, la prise en charge médicale des Pvvih souffre de plusieurs insuffisances, ce qui constitue un frein à l’objectif «Zéro décès dû au Vih Sida ». S’agissant de la prise en charge des enfants, des spécialistes expliquent que le système immunitaire de l’enfant n’est pas encore suffisamment huilé pour faire front aux antigènes responsables du Sida, il s’impose de reconnaître que l’enfant est biologiquement plus vulnérable à la maladie. La pauvreté aidant, les familles qui n’ont pas les ressources financières pour supporter les charges de la prise en charge de leur enfant devront le voir mourir à petit feu. Quant à celle des adultes, il se pose le problème de rupture des Arv. Les conséquences sur le suivi biologique des PvVih et la qualité du traitement sont dramatiques. Tout comme le CD4, il y a d’autres tests obligatoires auxquels le malade est soumis dès sa mise sous traitement. Quand la PvVih manque une seule fois de prendre un médicament ou le prend avec retard, cela lui crée des problèmes. Son organisme peut commencer par développer des résistances. Et c’est ce qui occasionne les échecs thérapeutiques. A cela s’ajoute le problème de récurrence des pannes au niveau des appareils de laboratoire déjà vétustes. L’un dans l’autre, la Pvvih déçue, fatiguée des rendez-vous reportés de consultations et prises des Arv, déserte les sites, et va se cacher pour mourir. Mais, le fond du problème de la prise en charge est également à rechercher ailleurs. C’est en réalité l’absence de volonté politique qui explique les ruptures répétées d’Arv et les problèmes logistiques qui entravent l’effectivité de la prise en charge des PvVih. Plus de 80% du financement de la lutte contre le Sida au Bénin, proviennent de l’extérieur avec des partenaires qui imposent leurs règles. Le gouvernement béninois non seulement consacre peu de moyens au problème, mais n’affiche pas véritablement un intérêt à la vie des PvVih. A titre illustratif, le président de la République en sa qualité de président du Comité national de lutte contre le sida (Cnls), n’a présidé les sessions annuelles du Comité que l’année dernière depuis bientôt 7 ans qu’il est au pouvoir. La contribution de l’Etat béninois au budget du Pnls est passée à 2 milliards seulement au titre de l’année 2013. Ce qui montre que le Bénin reste tributaire de financement extérieur en matière de la lutte contre le Vih. Aussi, faut-il le rappeler, la Prévention de la transmission mère-enfant (Ptme) et la prise en charge pédiatrique peinent à se concrétiser à cause des mêmes problèmes. Secundo, en ce qui concerne la lutte contre la discrimination des PvVih, il s’avère que les barrières sociologiques et les préjugés continuent de la miner. Le Sida, quand son existence est reconnue – ce qui n’est pas toujours le cas- est souvent associé à la mort. Et donc la personne infectée est vue comme le porteur ambulant de la mort avec qui il ne faut pas avoir à faire. Mais à ce niveau, les PvVih aussi partagent la responsabilité de la discrimination. Elles s’intègrent difficilement dans la société, se voient diminuées par rapport aux autres et s’excluent toutes seules. Tertio, l’enjeu du «Zéro nouvelle infection au Vih » s’apparente à une utopie. L’Oms dans sa publication en prélude à la Journée mondiale du Sida (Jms) le 1er décembre prochain, a alarmé de la recrudescence des infections chez les adolescents de la tranche de 10 à 19 ans. Au total 2.1 millions nouveaux porteurs du Sida ont été recensés pour le compte de l’année 2012. Et à en croire l’Oms, la précarité de la prise en charge risque d’aggraver la situation. Ce constat général de l’Oms ajouté aux nombreuses observations ici faites, montrent que le chemin est encore long et il faudra que le gouvernement béninois ménage sa monture. Le Sida n’étant plus seulement une question de santé publique mais de développement, il y a lieu de revoir les choses. Si le Bénin a réussi à stabiliser la prévalence de l’infection depuis plusieurs années, le moment est venu d’inverser la tendance et au-delà des slogans et autres déclarations d’intention, il faut la mobilisation de ressources conséquentes et l’implication de tous.


