Ils l’ont voulue et appelée de tous leurs vœux, cette décision de la Cour sifflant ce qu’ils appellent « la fin de la récréation». Ils, ce sont des juristes spécialistes de droit constitutionnel. Ces derniers jours, nombre d’entre eux, inquiets de la tournure et de l’acuité de l’impasse électorale ont appelé ouvertement à l’arbitrage de la Cour.
A l’évocation de cette thèse qui attribue à la Cour ce rôle monarchique d’arbitre du jeu démocratique, ces juristes font recours toujours au dernier alinéa de l’article 114 du titre V de la constitution qui stipule que la Cour « est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics ». Et La Cour Holo a tranché au travers d’une décision ‘’abracadabrantesque’’ digne du roi Ubu qui fait injonction au Cos-Lépi d’«achever l’actualisation de la liste électorale permanente informatisée le 15 janvier 2015. »(Article 3.), de publier « la liste électorale informatisée provisoire à partir du 16 janvier 2015 et d’établir « la liste électorale permanente informatisée impérativement … le 25 février 2015 au plus tard ».(Article4). Et la cour va plus loin dans ces injonctions inacceptables pour un vrai démocrate pour conclure sur la plus étonnante et la plus inique des décisions jamais prises ces huit dernières années :Qu’« A défaut de la disponibilité de la liste actualisée pour le 15 janvier 2015, la Commission électorale nationale autonome (CENA) est autorisée à organiser les élections législatives, municipale, communale et locale de 2015 sur la base de la liste électorale permanente informatisée (LEPI) ayant servi pour les élections de 2011 ».
Elections au Bénin: la Cour Constitutionnelle tranche
Auparavant, elle aura développé au travers de plusieurs « considérants » les uns plus bizarroïdes que les autres, que jamais le législateur n’a contesté la validité de la liste électorale scélérate qui a servi à faire le mystérieux KO d’avril 2011.
Tout ça pour ça !
Du coup, et d’un simple trait de plume, la Cour Holo met une croix définitive non seulement sur le prétendu dialogue politique initié par Yayi sous la pression des forces de l’opposition mais sur le débat politico-juridique en cours à la représentation nationale pour la prise d’une loi dite dérogatoire. Et plus grave : la Cour en faisant injonction à la Cena de faire usage de la Lépi décriée de 2011 met entre parenthèse tout le travail effectué par le Cos-Lépi ces deux dernières longues années à grands frais (quelque 12 milliards de l’argent du pauvre contribuable), sous prétexte que son président, l’honorable Sacca Lafia a méconnu « les dispositions du code électoral» (sic).Pourtant, pas plus tard qu’en mai dernier, le juriste Serge Agbodjan inquiet du trop court délai qui nous sépare des échéances électorales, avait formé un recours aux fins de demander à la Cour de faire injonction au président de la République de convoquer le corps électoral. La Cour, par la décision DCC 14-103 du 27 mai 2014, avait alors estimé que ni le gouvernement, ni l’Assemblée, ni le Cos-Lépi n’avaient violé la Constitution et qu’en conséquence, elle ne pouvait accéder à la demande du requérant, en l’absence d’une liste électorale.
Coup de force contre la démocratie
Il ressort aisément de ce qui précède que sous le couvert du rôle de régulateur du fonctionnement des institutions inscrit à l’article 114 de la constitution, et prétextant du blocage de ces institutions, la Cour constitutionnelle béninoise, à la différence du conseil constitutionnel, son équivalent français, s’arroge le droit de mettre toutes les institutions de la République au pas. Qu’est ce qui prouve que les blocages de ces deux dernières années n’ont pas été orchestrés exprès de toutes pièces, pour aboutir à ce qui apparaît comme un déni de démocratie, un coup de force pseudo constitutionnel de personnes non détentrices d’un mandat électif ? Des personnes qui ont été triées sur le volet et désignées dans des conditions pour le moins obscures par le seul camp du chef de l’Etat, pour servir sa cause obsessionnelle de révision de la constitution. Les juristes dits de haut niveau pourront gloser à loisir sur la dernière décision de la Cour constitutionnelle, ils n’empêcheront pas les citoyens lambda que nous sommes de l’apprécier sous le seul angle qui vaille : celui de la démocratie et de l’Etat de droit. De ce point de vue, la dernière décision de la Cour est un véritable coup de force contre la démocratie en cours dans notre pays. Un coup de force conçu et planifié de longue date (voir notre article ci-contre) au profit d’un seul homme Boni Yayi, un président en fin de 2ème mandat qui n’en finit pas de lorgner vers un impossible 3ème. Car une chose est sûre : de même que la guerre est une chose trop sérieuse pour être laissée aux mains des seuls militaires, de même, la Constitution, notre loi fondamentale est une chose trop sérieuse pour être laissée aux mains des seuls constitutionnalistes et autres juristes auto-proclamés qui s’arrogent le droit exclusif de son interprétation sous le couvert d’une expertise contestable.
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