(La Décision DCC 15-001 : une fiche technique embrouillée du juge constitutionnel partisan au soutien d’une jurisprudence d’opportunité.) De nouveau dans l’une de ses prestidigitations, le magicien vient de tirer de son chapeau une décision, d’une monstruosité inqualifiable et dont le caractère dangereux pour la stabilité de notre pays ne tardera pas à se révéler au grand jour.
Il est à souhaiter que cette jurisprudence dans son application n’entraine point des conséquences malheureuses pour la paix dans notre pays.
Lue et analysée sous tous les prismes de la science juridique et sur toutes les coutures de la logique élémentaire et du bon sens, cette jurisprudence loin d’être une œuvre experte se laisse découvrir comme un immonde chef-d’œuvre de déprédation de la démocratie et de la paix. N’en déplaise à ceux qui célèbrent cet autre diktat inacceptable d’une institution républicaine constitutionnellement consacrée, laquelle expose au fil des jours une triste instrumentalisation à peine voilée. Elle se manifeste par exemple par l’insoutenable liberté prise par le juge constitutionnel vis-à-vis du droit et des règles juridictionnelles requises pour toute décision, de plus sans recours. Aussi le juge constitutionnel, tel un potentat tranche-t-il à sa guise et décide-t-il à la hussarde, ainsi qu’il est notable dans le dernier considérant de la décision : « … que pour la transparence et la fiabilité desdites élections, il faut un délai de trente (30) jours au moins … » Cela étant, il s’avère que pour la Cour, le couplage des élections devient bien un motif de non transparence et de non fiabilité des consultations au Bénin. Plus ahurissant, tirant les conséquences de ce postulat de trente (30) jours, la Cour a versé de manière inattendue dans une conjecture sans précédent, ainsi qu’elle décide : « qu’en conséquence, il échet pour la Cour de dire que les élections… doivent pouvoir se tenir le 31 mai 2015 … ». Visiblement, en la cause la Cour procède par supputation et par décision hypothétique. Ainsi, incontestablement le caractère impératif plus tard vigoureusement affirmé de la tenue effective des consultations visées à cette date est juridiquement superflu. Cette légèreté de la Cour doit interpeller tout citoyen épris de l’important rôle de cette institution dans la résolution civilisée des conflits d’ordre politique dans la nation. Objectivement, une telle décision doit faire pâlir les plus crédules sur la qualité de notre justice constitutionnelle depuis peu. Pourtant, plusieurs de ces zélateurs sont loin d’être les plus naïfs ou les abrutis de notre cité. Ils savent tout comme nous que la Cour Constitutionnelle est avant et après tout un organe juridictionnel républicain soumis à la primauté de la Constitution. Mieux, ils n’ignorent pas que le juge constitutionnel ne dispose pas de compétences ou d’attributions, voire de pouvoirs supra-constitutionnels, l’érigeant en un substitut du souverain national. Du moins, la Cour Constitutionnelle en vertu des dispositions de notre Loi Fondamentale du 11 décembre 1990 ne doit se substituer, hormis les cas expressément et limitativement énoncés par cette dernière à un quelconque des pouvoirs institués.
Sans conteste et d’aucune manière, le juge constitutionnel n’a jamais été établi comme un autre législateur, sinon comme un législateur en second dans notre Etat de droit démocratique. Par conséquent, ni ses compétences de contrôle de constitutionnalité, ou celles de contrôle de la régularité électorale, s’agissant des élections majeures (les présidentielles et les législatives), ni sa fonction de régulation ne l’autorisent à s’instituer en chef de l’exécutif, encore moins en législateur, même pas en période de crise. La Constitution ! Seule la Constitution, en ses dispositions appliquées avec fermeté, rigueur, probité, intégrité, professionnalisme et patriotisme, légalise et légitime la juridiction et ses œuvres ou activités. C’est le seul gage de la survie de l’Etat de droit démocratique. Pour le reste, l’arbitre ne peut se transformer en joueur sur l’aire de jeu ou en acteur sur le théâtre sans perdre sa qualité ou compromettre sa mission. La suite n’est qu’affabulation de sachants aux intérêts égoïstes inavouables, ou les masturbations juridiques de tribuns obligés aux discours emphatiques; de la fumée seulement.
Cela étant, au détour d’un examen sans complaisance de son articulation littérale et juridique, que lire et retenir à de cette énième bourde jurisprudentielle du gouverneur-juge obstinément résolu à défendre bec et ongle les causes régimistes. Pour ce faire notre réflexion sera développée ainsi qu’il suit :
A) En la forme
Le recours aurait été introduit par un citoyen dénommé Polycarpe TOGNON d’un patronyme par ailleurs “significatif” dans certaines de nos langues nationales.
D’entrée, il convient de noter que la Cour a péché en s’abstenant de s’assurer et/ ou de compléter l’identité du requérant par son adresse, ainsi que l’exigent les dispositions de l’article 120 de la Constitution et 24 de la Loi Organique sur la Cour Constitutionnelle. Et dans le cas présent, il eut fallu connaître ses références sur la liste électorale en cours d’établissement à défaut celles de la liste de 2011, afin de s’assurer de l’intérêt de ce dernier à entreprendre cette action et sa qualité de national béninois inscrit sur une liste électorale. Loin de toute polémique sur l’existence ou non du sieur TOGNON, la Cour va nous enseigner que tout recours devrait être examiné d’abord en la forme. Cela lui permettrait et c’est la règle de se prononcer non seulement sur sa compétence à connaître valablement le contentieux et juger sa recevabilité.
Préalablement, elle avait à vérifier la qualité, la capacité et l’intérêt du requérant à la saisir. L’adage enseigne “Pas d’intérêt, Pas d’action” et la procédure devant la haute juridiction ne fait pas abstraction à ce principe cardinal du droit.
Dans ces conditions, l’absence de cet examen préalable fait douter de l’origine de cette requête et entache irrémédiablement la décision, surtout que la haute juridiction s’est obligée de formuler elle-même l’objet du recours. Par conséquent, la décision est muette sur l’intérêt du requérant à saisir valablement la Cour pour cet objet. Egalement, silence radio sur la qualité du requérant. Ces graves irrégularités procédurales et de prononcé de décision font peser le délit d’initié sur la saisine de la Cour dans cette cause. Le contenu de la requête et la série des diktats de la Cour en réponse laissent apercevoir la satisfaction d’une attente du juge constitutionnel. Tout se jouait dans un mouchoir de poche, où sous le prétexte “de siffler la fin d’une récréation” la Cour a décidé d’imposer au peuple la liste électorale de 2011 sans aucune forme de procès. Oui! La Cour jupitérienne vient de frapper l’un de ses sordides coups au nom du droit et de la démocratie, alors que rien de cette décision ne transpire le droit. Comme il sera démontré très succinctement que cette jurisprudence au fond est tout sauf du droit. Sous un autre angle cette décision suggère le mépris du peuple par une élite et une classe politicienne jouisseuse, obligées par le captage des aisances et gains du pouvoir étatique.
B) Au fond
En résumé, La Cour dans sa décision affirme sans ambages que le COS-Lépi n’a pas repris la confection d’une nouvelle liste en dépit des constantes déclarations et explications du Président du Cos-Lépi et de certains de membres. Alors qu’elle-même a prescrit sans aucune réserve dans ces circonstances, la publication d’une liste provisoire en faisant abstraction du fait qu’il ne saurait avoir une liste provisoire au sens des dispositions du Code électoral, si ce n’est pas à l’occasion de l’établissement de la liste. En réalité, l’actualisation d’une liste au sens du terme et de son opérationnalisation selon le code en vigueur n’est synonyme du mot établissement, encore moins de matérialisation de l’établissement d’une liste. Mieux, nul ne saurait confondre les opérations en cours de vie d’une liste définitivement établie avec celles de son établissement, génératrices de son cycle de vie. Par conséquent, l’actualisation, opération finale du processus d’amélioration périodique de la liste en cours de vie n’autorise guère la publication d’une liste provisoire. Le Code en la matière a prévu un cycle annuel. De sorte que les activités techniques d’amélioration annuelle de la liste au cours de sa durée de vie sont limitativement énoncées (apurement, mis à jour et actualisation) et se déroulent courant septembre à décembre, en vue de rendre disponible la liste actualisée au plus le 15 janvier de chaque année.
La Cour ne reste pas sans le savoir, pourtant dans sa décision du 9 janvier 2015, elle exige du COS-Lépi à la fois la disponibilité d’une la liste actualisée et la publication d’une liste provisoire. Il s’agit en ces espèces de deux opérations distinctes et d’exécution incompatibles qui aux termes du Code électoral enfermées dans deux processus radicalement différents, à savoir : d’une part, le processus d’établissement et celui de l’actualisation annuelle d’une liste définitivement établie, d’autre part. C’est l’une des raisons qui ont contraint le juge constitutionnel à déclarer, sans motif, caduques les dispositions de l’article 319 et 328 al. 1 et à aussitôt prescrire la mise en application des articles 264 al. 2 et 274 du code, balisant la voie pour le recours à l’inexistante liste de 2011. Dans un cas comme dans l’autre, le juge constitutionnel engage l’organisation des élections sur la base d’une liste électorale inexistante, illégale irrémédiablement entachée au sens de la loi et des normes techniques et technologiques.
Il ne s’agit pas d’avoir une liste pour aller aux diverses élections, mais il est question d’établir une liste électorale fiable conforme aux normes législatives et techniques. C’est de cela que dépend un scrutin libre, transparent, crédible et aux résultats fiables. C’est à cela que devrait veiller le juge constitutionnel et non se complaire de cette dangereuse fatalité “allons aux élections avec une liste” fût-elle de 2011. Du reste, la liste électorale, indispensable outil d’organisation de consultation apaisée et de peu de contestations, ne peut souffrir de légèreté.
En outre, la Cour constate et censure la défaillance du COS-Lépi à mettre en œuvre conséquemment les dispositions transitoires des articles 319 et suivants du Code électoral, en ce qu’il n’a pu rendre disponible une version optimale de la Lépi de 2011 en vue des tenues des communales, municipales et locales de 2013, jusqu’à la date du prononcé de sa décision. Quelle audace jurisprudentielle ? Car, la haute juridiction en rendant responsable le COS-Lépi dans ce cas précis, a brutalement oublié, qu’elle avait déclaré conforme à la Constitution, la loi dérogatoire, portant prorogation sine die les mandats desdits élus, soit un mois après l’installation du COS-Lépi. Quelle pirouette juridictionnelle? En effet, en quoi le COS-Lépi est-il responsable de l’ajournement de la tenue des élections incriminées, dont la date avait été constitutionnellement prorogée sine die? Si oui, quelle avait été l’échéance fixée et non respectée du fait des tergiversations du COS-Lépi qui par ailleurs sont vérifiées? Les réponses à ces interrogations sont nettes et illustratives. La Cour use d’une dictature juridictionnelle inqualifiable au soutien de la satisfaction d’une cause inavouable.
En vérité, il est indiscutable que la Cour dans les conditions actuelles est radicalement mal venue pour déclarer caduques les dispositions transitoires du Code électoral sur le fondement duquel le COS-Lépi agissait, sans prononcer de conséquence, l’annulation pure et simple de l’ensemble des travaux du COS-Lépi. Ne pas le faire est tout simplement du non droit. C’est suspect et troublant pour l’intelligence d’une décision impartiale de justice. La prescription de la publication d’une liste provisoire dans ces conditions n’est qu’un manège. La Cour, ce faisant, expose l’exécution d’une mission qui n’est pas la sienne. La caducité déclarée n’est qu’un subterfuge en ce que juridiquement elle est sans objet et de plus le juge constitutionnel s’est refusé, sans motif, de tirer toutes les conséquences de la censure. Toutefois, elle est restée sournoisement dans sa position de rejet d’une, par ailleurs impossible, correction ou actualisation de liste électorale dans l’objectif affirmé de la réhabilitation de la liste 2011, dont la maîtrise semble assurée par certains des compétiteurs.
Evidemment cette position du juge constitutionnel a été confirmée par l’article 5 de la décision. En clair, la lecture combinée des articles 1, 2, 3,4 et 5 permet de constater que l’article 5 balaye d’un seul trait les insidieux préalables, ou généreuses conditions prévus aux articles précédents. En effet, comment matériellement, techniquement et légalement le COS-Lépi peut-il rendre disponible le 15 janvier une liste actualisée, pendant qu’il est autorisé à poursuivre le processus d’établissement de la liste et d’actualisation de la même liste ? Le cas échéant, sa magie le mettrait hors la loi et sa liste fournie sera frappée d’une nullité absolue, donc inexploitable par la CENA, qui au demeurant ne dispose d’aucune compétence légale pour améliorer une quelconque liste. Au sens littéral ainsi que de l’esprit des articles sus-indiqués, la poursuite des travaux du COS-Lépi jusqu’au 25 janvier 2015 n’engage nullement la CENA, puisque le 15 janvier 2015, déjà et conformément aux prescriptions de l’article 5 de la décision, le défaut de la disponibilité de la liste actualisée sera constaté et de conséquence l’autorisation de la CENA pour organiser les consultations programmées d’autorité par la Cour prend effet du coup.
Du reste, la cause est entendue et contrairement à ce que soutiennent certaines personnes plus ou moins éclairées, ou de mauvaise foi, la date du 15 janvier mentionnée à l’article 5 est bien pensée et tient bien sa place. Donc, il ne s’agit pas d’une erreur matérielle de date. L’excuse est irrecevable, les dates prescrites sont révélatrices de la mise en exécution d’un diktat juridictionnel mal ficelé. Lisons bien la décision !
A ce titre, il se suffit de s’interroger sur la valeur juridique de la caducité prononcée par la Cour à l’article 1 de la décision, à l’aulne des fumeux considérants, allant du numéro 7 à la fin de la motivation pour se rendre compte que le juge constitutionnel s’était proposé de rejeter pour cause la correction actuelle de la liste de 2011, qu’elle avait d’ailleurs cautionnée par la validation des lois correctives y compris le code électoral. Au passage, ces considérants sont embrouillés par des considérations, hypothèses, conjectures, supputations, soupçons et arguments légaux des plus contradictoires aux plus indigestes confusions juridiques.
Il est tout aussi indicatif que la Cour ne cache nullement sa préférence à la liste de 2011 qu’elle n’a jamais utilisée pour proclamer les résultats des élections de 2011. Il est à souligner que le juge constitutionnel ne peut convaincre personne sur l’existence de cette liste en dépit de ses vaseuses démonstrations sans contester la réalité selon laquelle les résultats de 2011 ont été proclamés en dehors de la Lépi ayant servi aux tenues de ces élections. Par ailleurs, dans sa détermination effrénée, la Cour s’est arrogé les compétences de la Cour Suprême pour fixer la date des tenues des élections de proximité.
Enfin, de quel blocage institutionnel se prévaut la Cour pour réguler le fonctionnement à date les élections de proximité, lesquelles avec son actif concours ont été reportées sine die depuis bientôt deux ans ? Quant aux législatives en vue, de quoi s’inquiète-t-elle au moment où la classe politique se préparait à engager un dialogue politique aux fins de leurs tenues à bonne date? L’on doit s’interroger sur l’objectivité et l’impartialité d’une Cour, dont l’opportunité des décisions se confirme au fil des jours. C’est bien regrettable pour le peuple qui fuit le canon arbitraire des militaires pour tomber sous la plume partisane d’un juge constitutionnel militant.
Oladé O. Moïse LALEYE
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