Interwiew de RFI : Talon lève un coin de voile sur sa candidature

Il ne s’en cache plus. Patrice Talon est tenté par le pouvoir d’Etat. Une semaine après sa première sortie médiatique sur les télévisions privées du Bénin, l’homme d’affaires béninois exilé depuis trois ans à Paris s’est exprimé ce matin sur les antennes de Radio France international RFI. Au micro de Christophe Boisboubier, le magnat du coton parle de sa probable candidature à la présidentielle de 2016, de ses projets pour le Bénin.

Dans cette interview dont l’intégralité est ici publiée, l’homme d’affaires évoque également ses contacts avec Houngbédji, Amoussou, Gbian, Koupaki, Lionel Zinsou et autres potentiels candidats à la course à la Marina. Lisez plutôt.  

CHRISTOPHE BOISBOUVIER: Patrice Talon bonjour. Un opérateur économique qui se lance dans la politique, ce n’est pas très courant. Qu’est ce que vous pouvez apporter de plus aux béninois?

Patrice TALON : Il faut reconnaître que le Bénin présentement est dans une passe difficile. Toutes les institutions ont perdu la confiance du peuple et le pouvoir exécutif s’est révélé à la fois, surpuissant et décadent. Dans un tel contexte, il n’est pas impertinent de souhaiter qu’un homme, ayant à la fois, les réflexes du management entrepreneurial et la connaissance du milieu politique prenne la main pour rassembler afin d’opérer les mutations qui s’imposent.

Et votre slogan pourrait être donc « ce qui est bon pour mon entreprise peut être bon pour le Bénin ». Mais l’italien Silvio Berlusconi ou le malgache Marc Ravalomanane ont fait campagne sur le même thème et ça ne s’est pas très bien terminé pour eux.

Oui, il n’y a pas de vérité absolue, mais j’estime tout de même que l’entreprise est à l’image de la République. Les galons visibles d’un chef d’entreprise sont plutôt un atout pour la gestion du pays.

Afin de consolider la démocratie au Bénin, vous dites qu’il faut instaurer un mandat unique pour le futur président.

 Oui !

Mais quand un chef d’état réussi, pourquoi ne pas lui permettre de faire un second mandat à la façon d’un Barack Obama ?

C’est vrai, mais le paradoxe est ceci: C’est en effet la quête du deuxième mandat qui empêche la réussite du premier. Mieux vaut une succession de mandat unique, réussi même moyennement que des doubles mandats calamiteux en général.

Ce projet économique et politique que vous défendez, est-ce que vous ne pourriez pas le porter vous-même en étant candidat à la prochaine élection présidentielle?

Vous savez, si votre idéal n’est pas une fiction et ne relève pas du miracle, pourquoi s’obstiner à rechercher indéfiniment un porteur. Pourquoi ne pas aller au charbon soi-même?

C’est une tentation !

Parfois, quand on a envie de partir de cette terre avec ses illusions intactes, il faut pouvoir aller au charbon.

Pendant 2 ans, Patrice Talon, de 2012 à 2014, vous avez été accusé de tentative d’empoisonnement par le président Boni YAYI. Aujourd’hui, l’affaire est classée. Est-ce que ce bras de fer ne vous a pas transformé? Si cette histoire ne vous était pas tombée dessus, est-ce que vous serez aussi impliqué aujourd’hui en politique ?

Ce n’est pas l’affaire dite de tentative d’empoisonnement et celle dite de tentative de coup d’état qui ont été à l’origine de la brouille entre le président Yayi Boni et moi. C’est bien l’affaire de la révision de la Constitution.

À laquelle vous vous êtes opposé.

Tout à fait ! J’avoue que ce différent m’a effectivement plongé dans le cœur de l’action politique. Quatre ans durant, j’ai eu le temps de constater, d’examiner à la loupe les travers du pouvoir et les faiblesses d’un système devenu dangereux pour les siens. Cela m’a transformé, c’est vrai.

Être candidat ou pas, à quel moment vous prendrez votre décision ?

Cette question est l’objet de mes échanges actuels avec la classe politique. La question de ma candidature éventuelle ou de ma candidature relèvera d’une décision concertée avec la classe politique. Je ne peux pas vous en dire plus.

Depuis 03 ans, vous vivez en exil à Paris. Prendrez-vous votre décision avant ou après votre retour au Bénin ?

Après mon retour au Bénin

D’ici combien de temps donc ?

Je pense dans quelques jours, quelques semaines au plus tard.

Les poursuites contre vous ont été abandonnées, mais est-ce que vous ne craignez pas pour votre sécurité le jour où vous rentrerez ?

Oui, comme je viens de vous dire, je rentre bientôt, d’autant plus que les autorités de mon pays m’ont délivré il y a quelques heures, un laissez passer en bonne et due forme en raison de la non validité de mon passeport périmé. Je peux vous avouer que je n’ai aucune crainte pour ma sécurité chez moi. Mon pays est une terre de non violence.

Et vous avez la garantie qu’il ne vous arrivera rien ?

Je ne crains rien du tout.

Au fond, Patrice TALON, est-ce que vous attendez de voir, quel rassemblement politique peut se faire autour de votre personne avant de sauter le pas ?

On ne peut pas être candidat aux élections présidentielles comme ça, tout seul contre la classe politique. J’ai des amis de longues dates et je compte, d’une manière ou d’une autre contribuer à la renaissance de mon pays.

On ne peut pas être candidat contre les partis.

Ce n’est pas souhaitable, d’autant qu’il s’agira d’opérer des réformes majeures. Ça ne peut se faire sans la classe politique.

D’autant où vous même, vous n’avez pas de parti pour l’instant.

Non !

Donc il vous faut un minimum de soutien.

Il faudra rassembler.

Et c’est ce à quoi vous vous employez, en ce moment.

Tout à fait!

Et alors, ces discussions avec ces hommes politiques, est-ce que ça veut dire que vous êtes dans une stratégie de ralliement de plusieurs hommes politiques vers vous?

C’est vrai que je suis dans une démarche de rassemblement, mais il n’y a pas une stratégie de ralliement. Quand on est sincère et transparent, il faut exposer sa vision et espérer qu’elle suffit à elle seule pour susciter l’adhésion.

Dans l’opposition, il y a deux poids lourds, Adrien HOUNGBÉDJI et Bruno AMOUSSOU qui n’ont pas le droit de se présenter à cause de leur âge, où en êtes vous dans vos contacts avec eux?

Je continue d’échanger avec tout le monde, y compris des leaders du camp de Yayi Boni. Il faut rassembler.

Alors, parmi les favoris, à cette élection dans 6 mois, il y a le banquier international Abdoulaye Bio TCHANÉ, l’ancien directeur du cabinet militaire, Robert GBIAN, l’ancien premier ministre Pascal KOUKPAKI, l’actuel premier ministre Lionel ZINSOU. Parmi ces 4 hommes, quel est à votre avis, le candidat le plus sérieux?

Ceux sont tous des amis ou des connaissances que je respecte et qui ont un rôle à jouer. Ce sont des candidats ou des potentiels candidats majeurs.

Quand vous dites « Je suis arrivé à un âge où on a envie de tout donner ». Qu’est ce que ça veut dire?

Je suis un homme passionné dans tout ce que j’entreprends et dans le domaine qui est le mien, le commerce et l’industrie. Au stade d’aujourd’hui, je n’ai plus beaucoup de motivations parce que j’ai observé combien tout ça est très fragile, quand les fondamentaux de la république, de la démocratie ne sont pas solides. Quand on a vraiment envie de laisser des traces, quand on a envie de voir son œuvre durer, perpétuer, il faut contribuer à consolider les fondements de la République, de la démocratie.

Et ça, ça passe par la politique ?

Ça passe malheureusement, sinon exclusivement par la politique, la gouvernance de la cité, parce que toutes les républiques, toutes les nations qui se sont effondrées, se sont effondrées à cause de la décadence de la cour.

En fait, vous êtes tenté hein?

Oui, monsieur BOISBOUVIER.

Source : Rfi.fr

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