Présidentielle 2016 : ce silence des hommes politiques qui inquiète

Les Béninois iront aux urnes le 28 février prochain pour choisir le successeur de Boni Yayi. Mais à six mois de ce scrutin, les citoyens vivent dans l’incertitude. Aucun grand parti ou alliance de partis n’a encore désigné son candidat, ni présenté de projet de société. Sur le terrain des accords politiques aussi, c’est la grande frilosité. Tout se joue à huit clos dans un mutisme révélateur d’un grand malaise au sein de la classe politique.

Hésitante, amorphe, tétanisée la classe politique béninoise ne présente pas un visage rassurant à environ six mois de la prochaine élection présidentielle. Certes, on observe quelques actions éparses de potentiels candidats sur le terrain mais tous le font en dehors des cercles politiques formels. Pour la plupart, il s’agit de Béninois venant de l’extérieur ou d’anciens hauts cadres de l’administration. Chez les hommes politiques, on a du mal à aborder les questions sérieuses comme le choix des candidats pour porter le flambeau des formations politiques, le projet de société à défendre, les accords politiques à nouer semblent être rejetés à demain. Ce qui fait que jusqu’à ce jour aucun parti sérieux n’a réussi à régler une de ces grandes préoccupations. Au sein des Fcbe, le choix du candidat de l’alliance n’a pas encore été fait. C’est maintenant que réveillée d’une longue torpeur- constatée après l’élection du président de l’Assemblée nationale- l’alliance fait agiter dans la presse le choix d’un candidat unique. Aucune voix officielle ne l’a encore dit et la liste des candidats potentiels à la candidature varie selon les jours et les canards. Abiola- Zinsou, Abiola-Zinsou – Aké, Abiola- Aké- Koutché, c’est selon. Au sein du Prd, la situation est similaire. Après la forclusion constitutionnelle de son président Adrien Houngbédji, rien ne semble bouger au sein de ce parti. Le choix d’un candidat du parti n’a pas fait partie des priorités de ce parti. La preuve, aucun leader de ce parti ne semble émerger pour cela. Au sein du parti, on parle de trois options : le choix d’un candidat au sein des responsables du parti, à défaut celui d’un candidat d’une coalition politique dont le parti fera membre et enfin le choix d’un homme ne provenant pas d’un parti politique. C’est d’ailleurs cette dernière option, qui selon des confidences, semble avoir une grande adhésion au sein du parti. A ce jour donc, aucune visibilité ne s’observe sur le choix du candidat et le projet de société que celui-ci doit défendre. A l’Union fait la nation, la situation est plus chaotique. Fort de l’expérience de 2011, l’Union semble déjà penchée pour un candidat unique. Seulement les querelles intestines, le retard stratégique observé dans le choix de ce candidat unique laisse au sein du groupe une ambiance délétère faite de méfiance et de guerre larvée. Dans ce contexte, Eric Houndété et Emmanuel Golou semblent bien avoir affranchi la porte du non retour et le choix de l’un d’entre eux risque non seulement d’être malaisé pour le président Bruno Amoussou – dont le jeune frère est aussi candidat- mais de créer une grande dissidence au sein de l’alliance. Là aussi on n’est pas sorti de l’auberge. A l’alliance Soleil la situation n’est guère reluisante. Le général Robert Gbian qui paraissait dans une bonne posture au début a perdu de sa superbe. Son choix est de moins en moins agité puisque d’autres ambitions naissent au sein de l’alliance avec les velléités de Issa Salifou et celle de Sacca Lafia. Mathurin Nago  a l’air  d’avoir perdu toute ambition tandis que Lehady Soglo joue encore les prolongations le temps de voir clair. En somme, les Béninois ne connaissent pas leurs candidats, les programmes qu’ils vont défendre et il est donc évident qu’ils ne savent rien de celui qui pourra être élu.

L’arrivée des oligarques

A dire vrai, les hommes politiques demeurent perturbés par l’arrivée des oligarques. En effet, pour une première fois depuis 1990 des hommes d’affaires très prospères veulent s’engager dans la course à la présidence de la République. Ils ont même dépassé l’étape de l’hésitation et de la réflexion, ils ont véritablement posé des actes qui prouvent qu’ils ne sont plus dans les ballons d’essai. Et pour cause, ils sont embarrassés parce que ces hommes d’affaires étaient leurs bailleurs de fonds. Il est donc évident que quelqu’un qui est candidat ne peut pas financer son adversaire au cours de cette élection. Qui va alors  financer qui? Beaucoup d’hommes politiques sont contraints à soutenir ces hommes d’affaires qui les soutiennent depuis des années pour ne pas paraître ingrats ou pour ne pas dépenser sans rien avoir en retour. Comme quoi l’argent et l’appât du gain semblent être les seuls moteurs et les motivations réelles de la majorité des candidats. Et comme personne parmi eux n’a envie de se retrouver dans l’opposition, on prend son temps pour surveiller l’autre, voir dans quel camp la majorité va pencher et pour ne pas faire un choix prématuré, hâtif qui va se révéler comme une erreur après. Il y a enfin la donne « Boni Yayi » qui pèse lourdement sur le choix des uns et des autres. Son choix pourrait bien éclaircir l’horizon et fait bouger un peu les lignes. Au finish, dans ce complot du silence, c’est le peuple qui est le gros perdant puisque l’élection ne sera pas hélas basée sur l’analyse approfondie des candidats et de leurs programmes mais sur la base de l’argent

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