Les trois axes clés de la lutte contre le changement climatique

En 1992, au sommet de la terre tenue à Rio de Janeiro, les Nations Unies, sous l´influence des organisations des sociétés civiles et des scientifiques, reconnaissait, pour la première fois, par la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique (CCNUCC) la cause humaine du changement climatique.

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C´est la prise de conscience, nécessaire pour une lutte efficace et consensuelle contre le phénomène en vue de la sauvegarde de notre environnement, patrimoine hérité et que nous avons le devoir et la responsabilité de transmettre en bon état, aux générations futures. Pour les scientifiques, le changement climatique dont la manifestation majeure est l´élévation de la température globale, est due principalement à l´émission des gaz à effet de serre. Parmi ces gaz, le CO2, produit principalement issu de la combustion des énergies fossiles, représente la plus forte proportion. Les principales sources d´émission sont l´industrie, le transport et l´utilisation domestique du bois de chauffe et du charbon de bois.

L´expansion de l´économie mondiale doublée de la croissance démographique font exploser la demande énergétique avec pour conséquence directe une augmentation des émissions. Selon une étude de l´Agence Internationale de l´Energie (AIE), de 1950 à 1980 la demande en énergie primaire a plus que doublée. L’agence projette une augmentation de 85% par rapport au niveau de 2012 d´ici à 2050 si la tendance actuelle persiste. Plus de 83% du mix énergétique est assuré par les énergies fossiles (pétrole brut, gaz naturel, charbon) et le bois-énergie. C´est donc pour enrayer la tendance et sauver l´environnement sans compromettre le développement économique, source de création d´emplois, de bien-être social et de paix civile, que les Nations Unies, sous l´égide de la CCNUCC, a initié la conférence des parties sur le climat connues sous le nom de COP qui regroupent l´ensemble des parties prenantes à la convention cadre. La COP21 s´inscrit strictement dans ce cadre et a deux objectifs majeurs :

  1. Conclure un accord global contraignant pour limiter le réchauffement climatique sous la barre des 2DS
  2. Doter le fonds vert d´assistance aux pays en développement d´un montant annuel de cent (100) milliards de dollars pour lutter contre le dérèglement climatique et ses conséquences

Voilà tels que présentés les objectifs majeurs des pays regroupés à Paris depuis le 30 Novembre 2015. 

Le contexte

Depuis la tenue de la première conférence sur le climat (Sommet de la terre) en 1992, les pays n´ont jamais pu s´entendre pour limiter le réchauffement. Cette divergence persistante, s´explique par deux raisons fondamentales: le risque de décroissance économique et la croyance idéologique.

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D´un côté, il y a les Etats Unis, sous le leadership du parti ´´  Républicain´´ majoritairement climato-sceptique, croit que le réchauffement climatique n´a pas une cause humaine et est un phénomène cyclique et réversible. Ainsi, il s´oppose à toute action contraignante tentant à prendre des mesures de politiques fortes qui pourraient avoir un effet immédiat sur la croissance du pays et menacer sa position dominante dans le monde.

D´un autre côté, il y a les pays émergents avec en tête, la Chine, l´Inde et l´Afrique du Sud, qui estiment que des objectifs contraignants de réduction de CO2 et donc la lutte contre le réchauffement climatique, pourrait entraver leur développement économique, menacer la stabilité économique et la paix sociale.

Enfin, il y a le troisième groupe. Les plus faibles mais les plus nombreux, essentiellement africains. Ils émettent moins de 1% des gaz à effet de serre mais subissent, à contrario,  les conséquences les plus directes.

Pour ces pays, la question qui se pose, n´est pas prioritairement de savoir comment empêcher le changement climatique mais d´abord comment réduire ses conséquences sur leur vie quotidienne. Bref, ces pays sont encore pour la plupart préoccupés par la gestion des conséquences.

Pendant que chaque groupe de pays se bat pour imposer sa volonté, la température globale continue d´augmenter. Selon les scientifiques, trois scenarii sont aujourd´hui envisagés. Ces scenarii sont repris par l´agence internationale de l´énergie (AIE) dans son rapport biennal de 2012 sur les « Energy Technology Perspectives ».

  1. Scenario 1 ou le 6DS

Selon ce dernier, la tendance actuelle des émissions nous emmènerait à une variation moyenne de la température globale d´environ 6 degrés Celsius par rapport à son niveau des années 1800.

Ceci aurait des conséquences graves et des réactions de chaine. Elle se traduit déjà dans la fréquence et la violence des inondations de par le monde, la fonte des glaciers, l´irrégularité de la pluviométrie, la chute des rendements agricoles, les températures caniculaires, la déforestation, les déplacements de populations, les extinctions d´espèces, etc…

Cette situation, presque chaotique, ajoutée au changement de régime aux Etats Unis, ont fini par faire prendre conscience aux décideurs mondiaux, qui ont compris qu´ils ne pourront plus continuer à ignorer le problème car plus tard serait trop tard. Cette prise de conscience a permis d´engager des discussions de fond sur la question. Ces discussions ont conduit au scenario intermédiaire.

  1. Scenario 2 ou le 4DS

On l´appelle scenario intermédiaire car ce serait déjà mieux que la catastrophe vers laquelle nous courrons avec le 6DS même s´il ne pourra pas, à terme, nous épargner du pire.

En effet, l´application effective des accords et des engagements internationaux obtenus sur le climat, même à l’exception de l´accord bilatéral Etats Unis – Chine conclu le 12 Novembre 2014,  permettrait de contenir l´augmentation de la température sous la barre des 4 degrés Celsius (4DS). Rappelons par ailleurs, que la Chine et les USA représentent près de 42% des émissions mondiales de CO2. Par exemple, en 2013, la Chine a émis 9,9 milliards de tonnes et les Etats Unis ont émis 5,2 milliards de tonnes sur un total mondial de 36, 1 milliards de tonnes. Ces nations, les deux plus grands pollueurs au monde, ont conclu en 2014, un accord bilatéral sur un objectif commun de réduction des émissions de CO2. Cet accord, une première du genre depuis 1992 a, en outre relancé l´optimisme d´un accord possible à Paris.

Mais selon les scientifiques et les ONG, le 4DS n´est pas la panacée. Pour sauver le climat, nous devons faire plus. Plus dans les promesses mais surtout plus dans les actes. Ils estiment qu´une augmentation de la température globale, au-delà des 2 degrés Celsius, serait dommageable, déjà pour les générations actuelles et compromettantes pour les générations futures. D´où le dernier scenario.

  1. Scenario 3 ou le 2 DS

Il ne s´agit plus ici des bonnes déclarations ou des intentions. Il s´agit d´agir pour réduire effectivement les émissions de CO2 afin de ne pas dépasser une hausse de 2 degrés des températures. Cela exige de chaque pays, notamment des pays riches des efforts pour changer de modèle économique, d´où la nécessité d´une transition économique vers un modèle productif plus respectueux des normes environnementales.

Cette dernière option est bien évidemment celle choisie par les Nations Unies pour contrer la montée des températures. Ainsi, les dirigeants du monde ont pris l´option des défis. Cet engagement oblige à des décisions courageuses et contraignantes mais également des politiques ambitieuses et un investissement adéquat pour accompagner les pays pauvres dans la gestion des conséquences et la limitation des effets et promouvoir des technologies innovantes. Et c´est bien là le problème.

Pourquoi c´est si difficile d´aboutir à un accord ?

Pour atteindre les objectifs du 2DS, la part des énergies fossiles dans l´offre globale d´énergie primaire doit baisser de moitié environ pour passer de son niveau de 80% en 2011 à 40% en 2050. Même avec cette baisse, son importance dans le système énergétique mondial resterait telle qu´il faut équiper les centrales à énergie fossiles de technologies de captation et de stockage du carbone afin de réduire les émissions directes dans l´atmosphère.

Toute la problématique se résume donc en une réduction drastique de la part des énergies fossiles dans l´offre globale accompagnée d´un investissement élevée dans des technologies innovantes et compétitives dans un contexte d´accroissement de la population mondiale de plus en plus exigeante en matière de qualité de vie.

En d´autres termes, la problématique s´articule autour de quelques questions.

  1. Comment réduire l´offre énergétique fossile sans compromettre la croissance et le développement économique?
  2. Comment augmenter les investissements pour la recherche, le développement et la démonstration (RD&D) de nouvelles technologies énergétiques dans un contexte de ralentissement économique et de compétitivité accrue ?
  3. Enfin, comment découpler l´augmentation de la population mondiale de la demande énergétique?

Pour répondre à ces questions, plusieurs pistes existent et sont en cours d´exploitation depuis des années. Mais trois particulièrement retiennent notre attention. Il s´agit de :

  1. L´efficacité énergétique
  2. Les énergies renouvelables.
  3. La recherche & développement et la coopération

Comment arriver au 2DS?

Selon les données statistiques de 2013,si on intègre toutes les formes d´énergies utilisées dans la production économique à savoir le gaz naturel, le pétrole, le charbon fossile, le nucléaire et les énergies renouvelables, le système énergétique mondial utilise environ de 0,17 tep (tonnes équivalent pétrole) pour chaque USD 1000 (parité du dollar de 2011) de produit intérieur brut (soit 170 kgep/$1,000 de PIB). La variation de cette intensité énergétique dans le temps est un indicateur d´appréciation de la performance de réalisation des objectifs de réduction des émissions de CO2.

En 2014, en tenant compte de la part de chaque source d´énergies dans le mix énergétique mondial, on est arrivé à une valeur moyenne d´émission de 2,4 kg de CO2 pour 1 kgep d´énergie consommée par l´économie mondiale. Avec une économie mondiale estimée à environ 78.000 milliards de dollars US dans un rapport de la banque mondiale, il s´ensuit que la quantité totale de CO2 émise dans l´atmosphère en 2014 s´élève à environ 31,5 milliards de tonnes.

Au regard des prévisions énergétiques réalisées par l´Agence Internationale de l´Energie, l´Agence Américaine de l´Energie et autres parties prenantes, il ressort que les émissions de CO2 à l´horizon 2050 s´élèveraient environ à 50 milliards de tonnes si ce n´est plus. Une telle émission serait dévastatrice pour l´environnement. Nous sommes donc tous concernées.

Pour réaliser l´objectif du 2DS, il faut inverser la courbe d´augmentation des émissions du CO2 pour ne pas dépasser 14 milliards de tonnes en 2050.

En somme quitter 32 milliards de tonnes de CO2 aujourd´hui à moins de 14 milliards en 2050 avec un produit intérieur brut global attendu à plus de 240.000 milliards de dollars US contre 78.000 milliards en 2014. Tout ceci avec une population mondiale prévisionnelle, en 2050, de plus de 9,3 milliards de personnes contre 7,2 milliards en 2014.

Dans un scenario où le statut quo est adopté, en 2050, la quantité de CO2 émise serait de 112 milliards de tonnes. Pour donc ramener ce taux, sous la barre des 14 milliards de tonnes, il faut réduire de huit (8) fois les émissions.

L´efficacité énergétique ou l´introduction massive des énergies propres ne pourra permettre isolement d´atteindre cet objectif. Il faudra une combinaison des deux et même plus, à savoir :

  1. Améliorer l´intensité énergétique c´est à dire l´efficacité énergétique
  2. Réduire considérablement la part des énergies fossiles dans le mix énergétique global afin de baisser de moitié l´intensité des émissions qui est actuellement à 1,2 kg de CO2 pour 1 kg ep
  3. Promouvoir des équipements économes en énergies (efficacité énergétique) à travers l´introduction de normes universelles
  4. Financer la recherche et le développement (R&DD) de technologies nouvelles permettant de réduire la dépendance de l’économie vis-à-vis des énergies fossiles
  5. Promouvoir les technologies de captation et de stockage du CO2 et en équiper les nouvelles centrales thermiques à charbon et à gaz
  6. Promouvoir le développement des villes vertes et la sensibilisation des
  7. Eviter de faire des continents pauvres comme l´Afrique un ‘’Waste Dumping Site’’ (cas des véhicules d´occasion, des appareils électroménagers usagers importés d´Europe ou d´Amérique et des déchets toxiques)
  8. Favoriser le transfert de technologie pour ainsi encourager la création locale d´emplois écologiques nouveaux
  9. Financer le Fonds Vert pour accompagner les pays à faibles revenus à faire face aux effets du changement climatique

Ces mesures doivent être énoncées dans le cadre d´un accord engageant toutes les parties. La Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique à travers la Conférence des Parties (COP) doit être dotée d´un organe de contrôle ayant le pouvoir de faire des rapports annuels au conseil de sécurité en vue de la prise de sanctions contre des pays qui n´auraient pas respectés leurs engagements

Alain Sèdjro Houha, ingénieur en électrotechnique

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