Culture démocratique : des hauts et des bas

Il n’est point d’université qui délivre des diplômes en démocratie. Seule une expérience de la vie démocratique fait croître et grandir en démocratie. La fonction fait l’organe. La vie démocratique secrète des démocrates.

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Au choix fait par le Bénin d’être un Etat démocratique doit s’ajouter une évaluation périodique de son expérience démocratique. Où allons-nous ? Où en sommes-nous ?

Depuis vingt-cinq ans, le Bénin honore et à bonne date ses rendez-vous électoraux. C’est un bon point. Un calendrier électoral ainsi formellement respecté augure d’un avenir démocratique maîtrisé. La régularité fixe une habitude, faisant de l’opération la plus complexe un reflexe.

Appeler son adversaire, le féliciter de sa victoire, participe, en Afrique, d’un exploit herculéen. La plupart de nos graves crises politiques ont leur source dans les contentieux postélectoraux. Deux candidats, tels deux zébus en furie, entraînent leurs militants et sympathisants dans la tourmente d’une guerre civile.

En 2006, le Bénin, à travers l’exemple de Me Adrien Houngbédji, enregistre l’inédit. Il appelle au téléphone Boni Yayi, salue sa victoire et le félicite. Ce fut le cessez-le feu immédiat sur tous les fronts. Les démons de la guerre sont retournés en enfer. Les tensions et les pressions sont retombées. Les flèches assassines du drame qui se nouait sont rangées dans leurs carquois. Une page se tourne. La paix règne. La vie continue.

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Rebelote en 2016. Lionel Zinsou, défait par son adversaire Patrice Talon, ne tira pas moins, de fort belle manière, son épingle du jeu. Il a su s’auréoler de la couronne du perdant magnifique. Un coup de fil y a suffi. Il a appelé son adversaire pour le féliciter de sa victoire. Comme on le voit, d’une élection à l’autre, une tradition démocratique se met en place.

Une autre tradition que le Bénin est en train de mettre au compte de son expérience démocratique : le respect du mandat présidentiel renouvelé une seule fois. Sauf les réformes projetées par le régime du « Nouveau départ », avec l’idée de plus en plus caressée d’un mandat unique, il n’est point exagéré, en Afrique, de parler d’une exception béninoise. Nicéphore Soglo, Mathieu Kérékou, Yayi Boni ont su quitter les choses avant que les choses ne les quittent.

Mais, « Celui qui n’a pas encore gagné l’autre rive ne doit pas se moquer de celui qui se noie ». Pour dire que le Bénin, malgré tout, se doit d’avoir le succès modeste. Le Bénin doit surtout se convaincre qu’en dépit de réels progrès, tout n’est pas encore pour le mieux dans le meilleur des mondes. Sur le ton de l’interpellation, posons-nous quelques questions ?

Pourquoi en sommes-nous encore, plus 48 heures après la fermeture des bureaux de vote, à attendre les résultats de nos différents scrutins ? Nous ne sommes plus autorisés, nous Béninois, à dormir du sommeil du juste, depuis que le Nigeria voisin, 170 millions d’habitants, a donné les résultats d’une élection présidentielle, le soir même du jour du scrutin.

Pourquoi manque-t-il à nos consultations électorales tant de moyens et d’outils modernes d’accompagnement ? Nous pensons aux sondages d’opinion, aux mesures de l’audience des médias et de leurs animateurs. Si c’était le cas, beaucoup de candidats ne s’aventureraient plus à amuser la galerie. Nombre d’organes de presse se seraient bien gardés de s’ériger en « phénix des hôtes de ces bois ». Plus possible de s’autoproclamer « faiseur de rois ». Plus possible de régenter à sa guise la manne publicitaire.

Pourquoi, avec l’arrivée d’une nouvelle administration, l’on n’enregistre point des démissions dans les rangs des cadres de l’administration centrale ? Beaucoup ont pourtant fait campagne, au vu et au su de tous. Beaucoup ont marqué publiquement leurs désaccords avec le nouveau Président élu, parfois avec une rare violence. Suivez notre regard. Pour le principe, c’est suffisant pour rendre son tablier. Quitte à se voir reconduit dans ses fonctions par le nouveau venu.

L’absence de telles réactions nous situe : nous sommes et demeurons encore une démocratie largement alimentaire. Plutôt le ventre que la tête. Une démocratie de complaisance. On cherche à être dans les bonnes grâces de l’autorité en place. Une démocratie d’aplatissement et d’agenouillement. Cela donne des cadres problématiques, pour parler ainsi et pour ne pas dire plus. Pas de panique, malgré tout. Qui a diagnostiqué les maux dont il souffre est à moitié guéri.

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