Soupçons de corruption dans le drame de Tori-Avamè

La farine de blé avariée déversée sur le site de la société Ama Sarl  à Avamè dans la commune de Tori-Bossito pour être détruite a provoqué jeudi 8 septembre dernier un drame. Les victimes se comptent par dizaines. Ce drame, dont on n’a pas fini de dénombrer les morts, risque d’emporter des têtes. Comme une vague de mer.

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Les premiers éléments d’enquête de La Nouvelle Tribune mettent en cause la société d’incinération. Le patron de Ama Sarl, Janvier Aïzoun fait savoir que le site est situé à 4,6 km des dernières habitations. Pourtant, «tout emplacement de décharge contrôlée doit se situer à 5 kilomètres au moins des dernières habitations (…) », stipule l’article 8 de la loi portant code d’hygiène publique. Le rapport définitif de l’audit interne de conformité environnementale commanditée par la société Ama Sarl elle-même datant de décembre 2015, révèle également que le « site (est) mal entretenu : présence de hautes herbes cachant même les fosses et alvéoles non exploitées ». «site de décharge non sécurisé », lit-on.  Le document souligne, par ailleurs, un « aménagement du site inadapté : mauvaise disposition des fosses réalisées pour les opérations d’élimination ». Mieux, le conseil des ministres de ce mercredi 14 septembre 2016 avance que « le promoteur n’a pas reçu au préalable l’agrément nécessaire pour l’exercice de cette activité de destruction de produits avariés. »

Malgré ces insuffisances, la société exerce depuis environ cinq ans sans aucune inquiétude.

Largesse ou complicité ?

Les autorités locales et environnementales, les forces de sécurité sont-elles informées de la tenue de cette activité irrégulière qui, en 2014, avait déjà fait plusieurs victimes ? Tout laisse croire que oui. Le promoteur, M. Aïzoun Janvier, indique qu’en fonction des produits à détruire, la douane, la police sanitaire et environnementale, la police nationale, la gendarmerie nationale et le port autonome de Cotonou sont associés aux opérations de destruction. « Toutes les fois, précise-t-il, on envoie une correspondance au Ca (Chef d’arrondissement) » pour l’autorisation. Un document dont La Nouvelle Tribune a copie révèle que le 17 juin dernier, il y a été procédé à l’incinération de mèches contrefaits. L’opération a été autorisée par le Chef d’arrondissement d’Avamè, M. Augustin Vianou. Ce dernier reconnaît avoir autorisé deux autres opérations.  Il nuance : « Les deux autres autorisations ont été sollicitées par la Police sanitaire»

Comment l’autorité locale a-t-elle pu autoriser une telle opération alors qu’elle n’en a pas le pouvoir ?

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« Il (le promoteur Ndlr) a envoyé un courrier qui impliquait la police sanitaire, la douane et la police », s’est défendu M. Vianou.  « Je ne voulais pas qu’on m’accuse d’avoir bloqué une opération autorisée au haut niveau », a-t-il poursuivi.

Par ailleurs, il confie que pour l’autorisation de destruction de saucisses avariées le 3 août dernier, le promoteur était venu dans son bureau accompagné du chef de la brigade de la police sanitaire.

Mais, en dehors du Ca, d’autres autorités ont avalisé des opérations d’incinération sur ce site de la mort. Une source anonyme cite le directeur départemental de l’environnement, qui a autorisé, courant juin dernier, une opération d’incinération de riz avarié. Toutes nos tentatives pour confirmer ou infirmer l’implication du directeur départemental de l’environnement se sont pour l’instant avérées infructueuses.

Pot-de-vin

Dans ce dossier, se trouve une question de billets de banque. « Il y a des sous dedans », a révélé une source au parfum du dossier qui assure que de «l’argent circule». Sans infirmer la thèse de pot-de-vin, le promoteur du site, Janvier Aïzoun, fait savoir que « toute opération a un coût ». « De la première étape au Port jusqu’à la dernière à Avamè, tout le monde prend de l’argent, explique-t-il. Même le manœuvre».  

« Je n’ai jamais rien reçu dans le cadre des opérations de destruction de produits avariés », rejette catégoriquement le Ca Vianou.

Toutes les responsabilités n’ont pas encore été situées. Cependant, tout laisse croire que des gens haut placés, tout comme ceux du bas de l’échelle de responsabilité, s’abreuvent à cette source d’eau empoisonnée. Trois têtes, notamment celles du commissaire de police de Tori-Bossito, du chef de Brigade de gendarmerie de la localité et du chef dépôt douane, sont déjà tombées.  Il pourrait en avoir d’autres à l’issue des enquêtes administratives et judiciaires diligentées par le gouvernement

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