Révision de la constitution : Nécessité de rendre public le projet de texte avant tout vote

Annoncée comme une réforme urgente et fondamentale du quinquennat de Talon, la révision de la constitution est pourtant en stand-by. En dehors de ce jour du 28 juin 2016 où la commission Djogbénou a présenté le fruit de ses travaux au Chef de l’Etat, on n’a curieusement plus parlé du projet. Cette étrange attitude ouvre la voie à toutes sortes de soupçons et d’appréhensions.

Où en est-on avec le projet révision de la constitution si cher au Chef de l’Etat ? Depuis le 28 juin 2016  où la commission Djogbénou a présenté son rapport, on n’a plus jamais entendu parler de ce projet. Huit mois déjà de passés sans que le projet de texte ne sorte de la Marina. Pourtant, ce 28 juin, le Chef de l’Etat faisait la promesse aux membres de la commission qu’il ferait tout pour « saisir l’Assemblée nationale dans les plus brefs délais ».

Si donc rien ne bouge, on peut comprendre que c’est dû à la curieuse nonchalance du président Patrice Talon, qui avait pourtant claironné pendant toute la période de campagne et de début de quinquennat, qu’il ferait la révision de la constitution dans la première année de son mandat. Mais alors qu’est ce qui pourrait bloquer le Chef de l’Etat ? Si l’on s’en tient à la procédure décrite à l’article 155 de la constitution du 11 décembre 1990, l’étape du parlement est incontournable.

Passé le temps de la tergiversation – où on pensait et agitait que le président soumettrait directement le texte au référendum -, le Chef de l’Etat s’est résolu à s’y conformer. Et c’est justement cette nouvelle donne qui pourrait expliquer les trainées de pas du Chef de l’Etat. Selon des indiscrétions, Patrice Talon ne s’aventurerait pas à envoyer ce projet à l’hémicycle s’il n’a pas les assurances qu’il passerait comme une lettre à la poste, comme la loi des finances 2017.

« Il tient trop à son image et à ce projet pour l’envoyer à l’Assemblée nationale sans être sûr de son vote à la majorité requise », affirme l’un de ses alliés politiques.

Le temps passé à traîner sur le projet n’aurait donc pas été inutile. Pendant ces huit mois, les lignes ont bougé un peu à l’Assemblée nationale. La grande majorité des députés Fcbe lui ont fait allégeance, de même que ceux du Prd, de l’Union fait la nation (Un) et des autres forces politiques satellites. Tout récemment, quatre députés de la Rb dont le groupe parlementaire semble tenir tête au gouvernement, ont rejoint la majorité présidentielle. A l’allure où vont les choses, la révision de la constitution passera comme le budget de l’Etat.

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Sans faire de bruit sur le projet, on sent que le président de la république abat dans la discrétion et le silence un travail efficace pour faire passer son projet par les mailles parlementaires. Une certaine presse a d’ailleurs trahi cette discrétion, annonçant plusieurs fois cette semaine que l’Assemblée nationale est prête pour la révision, et que plus des quatre cinquièmes (4/5) des députés étaient acquis à la cause.

Inquiétudes

Le seul hic de ce projet politique est qu’il est entouré de mystères et de mutisme. Aucune communication n’est faite sur le projet, sur l’étape à laquelle il se trouve. Des tabloïds ayant annoncé que les 4/5 des députés sont acquis à cette cause, on pense bien que l’Assemblée nationale pourrait être saisie dans les semaines à venir. Mais à quel prix ? La majorité des béninois n’aura aucune connaissance du contenu exact de la constitution jusqu’au vote. Plusieurs personnes craignent que le Chef de l’Etat opère exactement comme il l’a fait lorsqu’il voulait mettre en application la nouvelle carte administrative, un peu comme un commando. Or, la sensibilité du projet, son caractère hautement politique et sa portée historique, ne militent pas en faveur de cette démarche. La révision de la constitution surtout sur les options fondamentales qui seront touchées, affecte l’architecture et le fonctionnement de l’Etat et notre environnement politique. En un mot, cette révision touche à tous les béninois et les intéresse d’emblée! C’est pourquoi, il est urgent de vulgariser le projet de texte (si texte il y en a déjà), à soumettre aux députés, afin que les citoyens soient aussi informés des amendements intervenus par rapport au texte actuel. Ceci est d’autant plus important que les travaux de la Commission n’ont pas tranché certaines réformes majeures, comme la durée du mandat et son nombre. Tout a été laissé à la discrétion du Chef de l’Etat, il a fait ses choix à partir des orientations du rapport. Et tout l’intérêt d’ouvrir un débat national sur la question est là. Ne pas le faire, donnerait l’impression à beaucoup de Béninois que le Chef veut imposer « sa révision constitutionnelle » au peuple, ce qui pourrait susciter des remous dans le futur

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