Le séjour carcéral au Bénin: De l’entrée à la sortie, une contre-valeur

‘’ Les prisons ne diminuent pas le taux de la Criminalité. La détention provoque la récidive. Et, la prison ne peut manquer de fabriquer des délinquants…’’, Michel Foucault
Pourquoi mettons-nous aujourd’hui un criminel en prison ? Cette question fort simple mais éminemment épineuse de la valeur de la peine est aujourd’hui consubstantielle à toutes  les sociétés humaines. Si de nos jours, les formes de sanctions ont pu différer les objectifs des peines ne manquent pas cependant d’être identiques.

Par la sanction donc, chaque société devrait pouvoir se prémunir contre les injustices personnelles et rétablir l’équilibre social bouleversé du fait des conduites anti sociales nées de la violation de la loi convenue par la société pour la sécurité collective. Toute chose visant à éviter que le poison, telle une épidémie ne se propage.

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Réhabilitation et récupération comme priorités de la détention…

La plupart du temps, la priorité a souvent été de neutraliser le criminel, l’écarter de ses victimes et de la société toute entière, puis utiliser cette sanction comme arme de dissuasion pour que celui qui a commis cette infraction ne la commette plus, et que celui qui envisagerait ou souhaiterait la commettre en soit affaibli et découragé. Cet objectif de la sanction pénale a témoigné de toute sa raideur au point où, à la fin de son séjour carcéral, l’agent pénal est remis en liberté, mieux aguerris, pas pour se réhabiliter mais pour se bonifier dans le désordre social.

Il en est ainsi parce que de mieux en mieux, dans nos sociétés, l’accent est mis sur la sanction au sens strict du terme à savoir la réclusion : Le criminel, ou du moins, l’agent pénal devrait être forcément écarté de la sphère sociale et juste mis hors d’état de nuire. Or, la sanction pénale, au travers même de la détention suscite aussi bien une mesure d’écartement social que de réhabilitation et de récupération de l’agent pénal, lui-même produit social. Délibérément, dans nos systèmes sociaux, l’accent n’est toujours pas mis sur ces deux dernières fonctions de la sanction sociale de telle sorte que le même agent pénal, produit social, ressort des centres de détentions avec deux fois plus de contre valeurs, ceci encore des faits de la société qui l’a forgée en prison.

Une contre-valeur convoi l’agent pénal dans des centres de détention. Et en prison, du fait des facteurs comme la non séparation des deux catégories de criminels : le criminel par nature, et le criminel par contrainte ou par nécessité, cet agent pénal ressort totalement métamorphosé, mais négativement. Cela fait donc deux contre valeurs. Par exemple, un criminel mineur confronté aux criminels par nature ou professionnels ressort souvent de nos centres de détention mieux aguerris et outillé. Cela justifie le taux de récidive au Bénin qui au lieu de diminuer malgré les multiples efforts fournis ces dernières années n’a cessé de croitre.

Cela faisant, la chaîne pénale est-elle encore efficace si tant est qu’à la fin de son séjour carcéral, l’agent pénal ressort avec un double produit de contre valeurs toujours par le fait de la société ? L’univers carcéral doit-il toujours constituer pour les un vivier et un centre de renforcement de potentiel  au crime alors que dans l’esprit de la justice il ne devrait être qu’un centre de réhabilitation et de récupération rendant à la société qui l’avait rejeté, un individu de type nouveau, apuré, totalement transformé et dépouillé des vices l’ayant conduit dans cette mésaventure ?

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La nécessaire refonte du système carcéral pour un réel combat contre les contre valeurs…

Nous pensons que l’accent doit être mis dans nos centres de détention sur l’éducation et non la réclusion au sens stricte du terme pour rester en phase avec Beccaria dans son traité des délits et des peines alors qu’il soulignait que ‘’ la rigueur du châtiment ne devrait pas être l’élément central de la sanction.’’

La prison est aujourd’hui tellement critiquée pour son manque d’efficacité parce que le séjour carcéral aujourd’hui consiste plus en une université de la délinquance qu’en un centre de rééducation et de récupération sociale. Et, c’est justement ce qu’il faudra penser à changer pour que la prison ne soit plus juste un vivier de la délinquance. Il faudra faire de la prison aujourd’hui, un recours nécessaire, mais vraiment nécessaire pour éviter la récidive. Entre autres mesures pour éviter cette contre-valeur produite au sein de nos prisons, il faut prendre des mesures visant à séparer dans nos prisons ceux qui commettent des infractions de survie de ceux qui en commettent de confort, c’est-à-dire les criminels par natures des criminels par nécessité ( ou les délinquants à col blanc des délinquants à col bleu suivant la politique pénale du gouvernement) afin d’empêcher que la même infraction ou pire ne soit commise à nouveau après le temps de la purge par l’agent pénal comme ç’en est souvent le cas.

Par ailleurs, il serait important de prendre des mesures pour que la prison, activement se livre au combat en son sein, des causes qui ont emmenées le criminel dans ses murs et surtout ne pas laisser se créer de nouvelles causes en son sein. Pour cette raison, il faudra d’ores et déjà commencer par régler l’épineux problème de la surpopulation carcérale qui ronge lentement mais sûrement notre système carcéral. Mieux, il faut surtout prendre en considération la situation des femmes qui semblent vivre aujourd’hui une situation de double détention. Comme le suggérait récemment Mme Inès TOFFOUN Directrice de l’administration pénitentiaire et de la protection des droits humains, il faudra envisager à termes, une maison carcérale spécifiquement réservée aux femmes et aux filles.

En outre, il faudra porter un point d’orgue à la situation des enfants en conflit avec la loi. Souvent, du fait de l’irresponsabilité des parents, ces enfants se retrouvent en prison et deviennent des marginaux sociaux. Et, lorsqu’ils finissent de purger leurs peines, ils n’ont personnes pour les récupérer. Leur réinsertion sociale s’avère donc compromise. A l’âge adulte, ils sont malheureusement exposés à un retour en prison parce qu’ils ne bénéficient d’aucun suivi et pire, ils n’ont en référence que le tuteur de circonstance dans la prison. L’administration pénitentiaire devra encore pour éviter la culture de la contre-valeur prendre des mesures de suivi des détenus à la phase post carcérale pour décourager toute velléité de récidive.

D’un autre côté, pour endiguer ces contres valeurs, il faudra adopter au sein de nos centres de détention l’éducation aux droits humains pour leur inculquer de nouvelles valeurs susceptibles de refréner leurs ardeurs et leurs faire adopter des comportements plus responsables.

Pour finir, il est important de faire de la détention non la règle, mais plutôt l’exception en faisant se développer de nouvelles alternatives à la détention comme par exemple les travaux d’intérêt général dont la loi est déjà en vigueur pour que le criminel par nécessité ne soit plus toujours confronté au criminel par nature. Il serait demandé aussi aux acteurs du système judiciaire d’adopter une politique d’aménagement de la peine qui ne sera pas toujours favorable à l’incarcération. Ce n’est que cela faisant que le combat contre les contres valeurs pourra réellement être vaincu dans cette catégorie sociale.

Ralmeg GANDAHO

( Juriste, spécialiste en droits de l’Homme )

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