L’ordonnance de non lieu rendue par le juge du 2è cabinet sur l’affaire Ppea2 continue de faire des vagues.En effet, dans la soirée de ce jour, Mercredi 24 Mai, des organisations de la société civile se sont prononcées sur ce sujet. Lire la déclaration
DECLARATION DES ORGANISATIONS DE LA SOCIETE CIVILE SUR L’AFFAIRE PPEA II
Face aux derniers développements de la nébuleuse affaire PPEA II, nous, Organisations de la Société Civile œuvrant dans le domaine de la reddition des comptes, de la redevabilité, de la promotion et de la défense des droits de l’Homme, crions haut et fort notre indignation quant à la tournure que prennent les choses surtout avec l’ordonnance de non-lieu du 15 mai 2017.
De quoi s’agit-il ?
En 2013, il a été décidé de commun accord avec le Royaume des Pays-Bas, de renouveler le Programme Pluriannuel d’appui au secteur de l’Eau et de l’Assainissement (PPEA II), à la suite de la première édition qui a couru de 2007 à 2012. D’un coût global de 43,65 milliards de FCFA, la grande partie sera financée par les Pays-Bas. Le ministère en charge de l’eau et la direction générale de l’eau seront chargés de gérer les fonds, et d’assurer la mise en œuvre du projet PPEA II. Il va durer de 2013 à 2015.
Courant avril 2015, suite à l’audit annuel prévu pour toutes les opérations exécutées à tous les niveaux central, déconcentré et communal, le cabinet Fudicia Consulting Group (FCG), a révélé à travers le rapport de l’année 2014, de graves irrégularités notamment au ministère de l’eau portant sur un montant de plus de 4.330 milliards.
Le 06 mai 2015, l’Ambassade du Royaume des Pays-Bas a adressé une ‘’notification d’arrêt des activités du PPEA-II/ 2013-2015 et de suspension des autres programmes avec le Gouvernement’’.Il est précisé dans la notification que la reprise de la coopération entre le Bénin et le Royaume des Pays-Bas dépendra de plusieurs conditions dont notamment : « la situation des responsabilités légales à tous les niveaux et la prise des mesures appropriées y inclues juridiques ».
Bien que cela ait eu lieu pendant son quinquennat, le Président Boni Yayi avait affiché sa disponibilité à voir cette affaire aller jusqu’à son terme.
C’est ainsi qu’au cours de la semaine du 7 au 13 mai 2015, le gouvernement va réagir. Des cadres de la Direction Générale de l’Eau sont gardés à vue suite à leur interpellation par la Brigade Economique et Financière. Au même moment, la partie néerlandaise réclame l’audit d’un cabinet international pour faire toute la lumière sur l’affaire, proposition acceptée par le gouvernement béninois.
La démission du ministre de l’eau, Barthélémy Kassa, intervient le 12 mai.
Le gouvernement a réalisé un audit d’investigation conduit par un cabinet de renommée internationale, le cabinet de conseil américain Kroll, en vue de situer les responsabilités, d’appliquer les sanctions correspondantes et d’élaborer un plan d’actions de mesures préventives. Le cabinet a déposé son rapport d’audit sur la gestion du PPEA II au gouvernement le Vendredi 24 juillet 2015. Le rapport révèle que plusieurs milliards des fonds hollandais alloués à ce projet ont été détournés avec l’implication d’un réseau de fraude.
Le rapport indique un détournement de 2,6 milliards dans le PPEA II, et 5 milliards disparus dans d’autres ministères. L’identité des auteurs a été révélée par le rapport. La poursuite judiciaire des mis en causes dont les cadres de l’administration a été ordonnée. Le ministre Barthélémy Kassa a été cité par le rapport. Le document informe qu’il a été au courant des malversations sans réagir. Il devrait être soumis aux procédures de la Haute Cour de Justice.
Le 25 juillet 2015, suite au dépôt du rapport du cabinet Kroll, la partie néerlandaise, par le biais d’un communiqué de presse, salue le travail, mais se dit gênée par l’envergure des faits. Les Pays-Bas demandent au gouvernement des propositions concrètes en plus des mesures prises par le conseil des ministres.
Le communiqué indique que la reprise de la coopération entre le Bénin et les Pays-Bas sera tributaire des propositions et de leur application. C’est seulement sur cette base que peut reprendre l’aide néerlandaise de l’ordre de 95 milliards au Bénin, sur la période 2014-2017.
Le lundi 27 juillet 2015, un conseil extraordinaire des ministres a lieu sur convocation du Président de la République. Il s’agit de statuer sur la suite à donner au rapport du cabinet Kroll, ainsi que du sort à réserver aux mis en cause, dont notamment Barthélémy Kassa. A l’issue du conseil, la ministre de la justice a été instruite de saisir l’Assemblée nationale afin de traduire l’ex ministre de l’eau devant la Haute cour de justice. La procédure de radiation des fonctionnaires impliqués est engagée.
Les acteurs du secteur privé et propriétaires de sociétés impliqués dans le scandale ont été exclus de toutes les procédures d’acquisition de marchés publics. La ministre de la justice a été instruite à l’effet d’engager des poursuites contre toutes ces personnes, et de leur faire rembourser les fonds soustraits de manière frauduleuse. Le conseil des ministres a également décidé de notifier cette décision aux commissions de l’Uemoa et de la Cedeao. La décision de lancer un mandat d’arrêt international contre toutes les personnes citées dans l’affaire a été également prise.
Le 14 septembre 2015, le gouvernement du président Boni Yayi annonce par un communiqué la décision de la partie néerlandaise de reprendre la coopération. Cette dernière a estimé qu’avec les mesures prises par le gouvernement, un pas avait été franchi.
Le 28 juin 2016, le gouvernement du président Talon dépose un collectif budgétaire dans lequel le gouvernement a inscrit une ligne de crédit de plus de 2 milliards, pour rembourser la dette envers le gouvernement néerlandais.
Le vendredi 16 septembre 2016, un nouvel accord de financement a été signé pour amener de l’eau potable dans 21 communes. Et pour éviter que la fraude ne se reproduise, un nouveau mécanisme a été instauré : avant les ressources financières étaient gérées directement par la Direction générale de l’Eau au ministère de l’Energie. Désormais, il le sera par la Caisse autonome d’amortissement, la SONEB et les 21 communes, sélectionnées. Pour décaisser les fonds, les Pays-Bas feront plus de contrôle, afin qu’il n’y ait pas de marché fictif.
Considérant la gravité et les conséquences désastreuses de cette affaire pour notre économie et pour l’image de notre pays ;
Considérant les résultats du cabinet Kroll qui confirment l’existence de graves irrégularités révélées par le rapport de l’audit annuel de la gestion 2014 ;
Considérant la détermination de l’ancien régime de tirer l’affaire au clair ;
Considérant la démarche de plaidoyer de la société civile, à travers Social Watch Bénin en direction du parlement hollandais, pour que les relations entre les Pays-Bas et le Bénin ne soient pas rompues ;
Considérant les engagements de l’actuel chef de l’Etat lors des campagnes électorales, lesquels engagements ont été repris plusieurs fois dans ses discours une fois devenu Président, de lutter contre la corruption et l’impunité sous toutes ses formes ;
Considérant la volonté manifeste des dirigeants politiques actuels alors dans l’opposition de lutter contre les crimes économiques et l’impunité dont l’interview avec le journal le « MONDE » du 20 mai 2016 du Président Patrice Talon qui disait pour répondre à la question : Allez-vous rouvrir des dossiers de corruption, comme l’affaire Kassa ?
« A mon sens, il n’y a pas de dossier Barthélemy Kassa, il y a un dossier sur les détournements de l’aide des Pays-Bas dans le domaine de l’eau. Et ce dossier n’est pas fermé. Je regrette la décision du Parlement, qui met M. Kassa à l’abri de poursuites judiciaires. Cela montre bien le besoin urgent de réformes. L’eau est vitale pour le pays, toute la lumière doit être faite. J’ai dit aux Néerlandais que nous ferons tous les efforts possibles pour déterminer où est passé leur argent. Et les responsables devront comparaître »
Nous, Organisations de la Société Civile, de promotion et de défense des droits de l’Homme :
réaffirmons notre attachement à la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire ;
réaffirmons notre attachement au respect des décisions de justice ;
réaffirmons notre foi au principe de double degré de juridiction ;
Nous demandons au Gouvernement, en l’occurrence le Garde des sceaux de donner des instructions au Procureur Général près la cour d’Appel de Cotonou, au nom de l’intérêt public et de l’ordre public, d’interjeter le plus tôt possible appel conformément à l’article 200 de la loi n° 2012-15 portant code de procédure pénale en République du Bénin contre l’ordonnance du 15 mai 2017 du juge d’Instruction Rodolphe Yaovi AZO relativement au dossier CAB2/2015/00011, COTO/2015/RP/01955 ;
Tout en réaffirmant derechef notre disponibilité à accompagner le Gouvernement dans un engagement de lutter contre l’impunité, gage d’un développement réel ;
Cela est d’autant plus nécessaire qu’il participe des bonnes relations entre le Bénin et ses partenaires et en particulier entre le Bénin et le Royaume des Pays Bas.
Nous appelons tout le peuple béninois, les militants des droits de l’homme à maintenir la veille citoyenne et à croire à la bonne foi des acteurs de notre système judiciaire.
Cotonou le 24 mai 2017, les OSC, Social Watch Bénin, Changement Social Bénin, Amnesty International Bénin, Afrique Performance Bénin, Maison de la Société Civile.
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