La loi sur le partenariat public-privé votée par le parlement et rejetée par la Cour constitutionnelle, continue de susciter des réactions. La dernière en date est celle du consultant international Stanislas Danfongnon. Ici, il revient sur les conséquences que l’application d’une telle loi pourrait avoir sur le Pvi et le contrat de l’aéroport de Glo Djigbé.
Conséquences de l’inconstitutionnalité de la loi n° 2016-24 du 24 octobre 2016 portant cadre juridique du partenariat public-privé en République du Bénin
- Le Texte est inapplicable.
- En conséquence, le droit antérieur s’applique [à savoir le Code des marchés publics qui traite également des DSP c’est-à-dire des concessions de service publique, affermages et régies intéressées].
- Les PPP concessifs signés sur la base de la loi déclarée inconstitutionnelle doivent, pour être réguliers, être conformes au CMP.
- Il en irait de même pour les PPP à paiement public.
-En droit français, par exemple, les «partenariat public-privé» ont été renommés «Marché de partenariat public-privé» par l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et appartiennent à la catégorie des marchés publics.
-Le CMP du Bénin n’interdit ni le paiement différé , ni les marchés publics globaux , aussi, les PPP à paiement public peuvent s’analyser en marchés de partenariat public-privé relevant du champ d’application du CMP.
- Le CMP du Bénin ne traite pas, par exemple, d’offres spontanées, aussi tous les PPP (concessifs ou à paiement public) signés dans le cadre d’offres spontanées sont irréguliers.
- Il n’existerait pas en l’état de nos recherches, de recours direct des tiers en contestation de validité d’un contrat. En effet, l’article 145 du CMP n’ouvre les recours contre la décision d’attribution d’un marché public ou d’une DSP qu’avant la signature du contrat et aux seuls candidats ou soumissionnaires.
- En conséquence, seule l’une des parties au contrat pourrait saisir le juge pour faire constater la nullité du contrat irrégulier
- Cette situation introduit une insécurité juridique susceptible de décourager les investisseurs. En effet, ces derniers peuvent craindre que les autorités publiques cocontractantes puissent à tout moment se désengager de leurs obligations contractuelles en résiliant le contrat ou en saisissant le juge du contrat pour faire constater sa nullité (Cf. le développement ci-après «Sur la loyauté des relations contractuelles»).
– Cette situation n’est pas sans incidence financière pour les autorités contractantes.
- Sur le terrain de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle l’opérateur peut prétendre à une indemnisation pour préjudice su bien se fondant sur la faute de l’autorité contractante [l’Etat] ayant signé un contrat sur la base d’une loi qui, avant sa promulgation, n’a pas été déférée au Conseil Constitutionnel, pour contrôle de conformité à la Constitution, conformément aux articles 121 à 124 de la Constitution de la République du Bénin.
- Toutefois, les conséquences sur l’indemnisation due par les autorités publiques sont susceptibles de varier :
Dans l’hypothèse où le contrat signé avant la déclaration d’inconstitutionnalité de la loi, serait résilié par l’Etat, la faute de l’Etat, en tant qu’autorité contractante pourrait être invoquée par l’opérateur. L’Etat verrait sa responsabilité engagée en tant qu’autorité contractante. L’opérateur pourrait ainsi prétendre, en l’absence de toute faute de sa part, à la réparation intégrale du préjudice résultant pour lui de la résiliation anticipée du contrat.L’indemnité due devant couvrir l’intégralité du dommage subi par le titulaire du contrat, les dépenses engagées ainsi que son manque à gagner .
Dans l’hypothèse où le contrat signé après la déclaration d’inconstitutionnalité de la loi, serait résilié par l’Etat, les parties étant supposées ne pas ignorer l’état du droit, le montant de l’indemnisation de l’opérateur devrait être réduit à due concurrence de sa responsabilité.
Dans l’hypothèse d’une déclaration de nullité du contrat par le juge, l’opérateur ne devrait avoir droit qu’au remboursement des dépenses utiles à l’Etatenvers lequel il s’était engagé .
Exemple français sur la loyauté des relations contractuelles
Le Conseil d’État français a redéfini l’office du juge du contrat saisi par les parties à un contrat administratif d’une contestation portant sur la validité de ce contrat. Une telle contestation peut se présenter soit dans le cadre d’un recours de plein contentieux dirigé directement contre le contrat, soit dans le cadre d’un litige opposant les parties sur les conditions d’exécution du contrat (CE, Ass, 28 décembre 2009, Commune de Béziers, n° 304802, dit «Béziers I»).
En vertu de cette nouvelle jurisprudence, le juge ne décide pas mécaniquement, en présence d’irrégularités, d’annuler le contrat ou de l’écarter pour résoudre le litige d’exécution sur un terrain extracontractuel.
Ainsi, lorsque le juge est saisi par une partie au contrat d’un recours de plein contentieux directement dirigé contre le contrat, il vérifiera tout d’abord que la partie qui se prévaut d’une irrégularité est, compte tenu de l’exigence de loyauté des relations contractuelles, recevable à le faire – ce qui peut par exemple ne pas être le cas si la partie est l’auteur de l’irrégularité en cause. Si tel est le cas, le juge pourra ensuite, en fonction de la nature et de l’importance de l’irrégularité, décider que la poursuite de l’exécution du contrat est possible,éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues entre les parties. Il peut également prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général, la résiliation du contrat pour l’avenir. S’il peut enfin prononcer l’annulation rétroactive du contrat, ce ne peut être qu’en raison d’une irrégularité, invoquée par une partie ou relevée d’office par lui, tenant au caractère illicite du contenu même du contrat ou à un vice d’une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement.
Lorsqu’il est saisi d’un litige relatif à l’exécution du contrat, dans le cadre, par exemple, d’un recours indemnitaire introduit par une partie pour obtenir la réparation du préjudice que lui aurait causé la mauvaise exécution du contrat par l’autre partie, il appartient en principe au juge, eu égard à l’exigence de loyauté des relations contractuelles, de régler le litige sur le terrain contractuel, quand bien même le contrat serait entaché d’irrégularités dont une partie se prévaudrait pour se soustraire aux obligations contractuelles. Ce n’est que pour les irrégularités les plus importantes, celles qui tiennent au caractère illicite du contenu même du contrat ou à un vice d’une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, que le juge doit, au besoin d’office, écarter le contrat et régler le litige sur un terrain extracontractuel.
Remarques conclusives
Sur la base de ce qui précède :
– La relance du PVI intervenue après la suspension des PPP par la cour constitutionnelle doit être examinée sur la base du code des marchés Publics (en France Marché des partenariats Publics Privés) qui prévalaient. Or le PVI a été annulé par les institutions légales (Autorité de Régulation des Marchés Publics, Direction Nation de Passation des Marchés Publics). La relance du PVI est donc illégale.
– La signature du contrat de l’aéroport de Glodjigbé relève du code des marchés Publics car, le financement des travaux est assuré par l’Etat Béninois sur endettement auprès de EXIM BANK Chine. Cependant le choix de l’entrepreneur doit se faire après un appel d’offre international à lancer par le Benin et dépouillé par le Benin sur la base d’une compétition entre les chinois (ligne de crédit lié). Ce qui n’a pas été le cas. La signature de ce contrat est aussi irrégulière.
Rémi Stanislas B. DANFONGNON,
Consultant international en Partenariat Public-Privé
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