Premier pays producteur de coton en Afrique depuis trois ans, pays à revenu intermédiaire depuis juillet 2020, une croissance soutenue de 7% malgré l’effet covid…le Bénin a de quoi séduire sur le plan économique au regard de ses statistiques depuis 2016 et du discours qu’en tiennent les membres du gouvernement. Mais ses nombreuses prouesses économiques n’emballent pas trop Richard Boni Ouorou. Le politologue y émet des réserves et trouve que « le président Talon agit comme son prédécesseur Yayi et ne fait aucune innovation » sur le plan économique et que toutes les fameuses avancées agitées ça et là sont précaires et ne permettent pas d’avoir une performance économique durable.
Au détour d’une interview qu’il nous a accordée à Lomé où il séjournait, Richard Boni Ouorou a abordé la question de la performance économique du Bénin. Pour le politologue qui analyse les politiques économiques du gouvernement, « Talon ne fait aucune innovation. Il fait exactement comme Yayi pendant les dix ans. Il emprunte de l’argent, construit des routes et collecte les taxes, à la différence même que Yayi a fait des prêts aux femmes ». Il dénonce le fait, pour beaucoup de leaders politiques africains, de se focaliser sur les agrégats macroéconomiques en l’occurrence le taux de croissance du PIB qu’ils brandissent comme la meilleure prouesse économique. « Le PIB est illusoire sur les questions de chômage et de prospérité. La valeur du PIB n’exprime pas fidèlement les croissances individuelles », dénonce Richard Boni Ouorou. A l’en croire, la supposée réussite de Talon dans les affaires ne se ressent pas dans certains choix économiques du gouvernement. Il prend l’exemple de Bénin Taxi qui pour lui est un vrai fiasco économique. « Prenez le plan d’affaire, qui était la cible ? Une course coûte en moyenne 2000F. Ceux qui ont le pouvoir économique pour prendre Bénin Taxi sont les populations de la classe moyenne qui ont des revenus mensuelles stables. Ceux là font à peine 2 ou 3% de la population et pour la plupart, ils ont déjà une ou plusieurs voitures. Ce qui fait qu’aujourd’hui ces jeunes chauffeurs chôment et ne trouvent leurs saluts qu’avec quelques rares touristes. Idem pour le choix du coton. « Selon plusieurs études, la production de coton appauvrit les sols. Lorsqu’on nous parle de tonnes de coton, on oublie souvent les tonnes d’engrais qu’on utilise et qui vont directement dans le sol et le tue. L’innovation c’est de penser en même temps à un programme de formation alternatif à ces milliers de producteurs de coton avant qu’ils ne commencent à migrer dans les villes une fois que les sols vont s’appauvrir », propose le consultant.
Une précarité qui tue l’économie
Analysant en profondeur les réformes économiques actuelles de notre économie, Richard Boni Ouorou affirme que la principale faiblesse de notre économie c’est la précarité dans laquelle le système politique de Talon a plongé les Béninois. « La plupart des Béninois sont dans la précarité et Talon ne fait rien de social. Il pense qu’on ne peut pas donner de l’argent aux populations alors qu’on peut le faire. C’est ce qu’on appelle le revenu de transfert. L’argent qu’on donne à ceux qui ont les revenus modestes ne leur permet pas d’épargner mais de consommer pour faire tourner l’économie. Et j’ai l’habitude de dire que l’économie est la somme des transactions », clarifie-t-il avant d’ajouter : « C’est une erreur grave de croire que la construction d’infrastructures, l’asphaltage suffit pour amorcer le développement économique. C’est précaire car c’est au plus deux ans et après les bénéficiaires retournent à leurs conditions sociales d’avant et ceci crée un vrai déséquilibre du système économique. C’est d’ailleurs l’une des raisons de l’inflation actuelle au Bénin.
Pour lui, le dynamisme de notre économie est à rechercher dans des filières stables et dans la production. Et lorsqu’on parle du tourisme, il pense que le Bénin ne saurait être compétitif dans ce domaine où la concurrence est très forte. Mais lorsqu’on lui parle des agences de notation qui ont affublé l’économie béninoise de bonnes notes, sa réponse est claire : « Ce n’est pas parce que l’économie n’est pas prospère au profit de tous qu’elle ne l’est pas pour quelques entreprises ». Il fait ainsi allusion aux inégalités, à la misère du plus grand nombre, toutes choses que le taux de croissance du PIB ne permet pas souvent de percevoir. « Avez-vous les chiffres sur les inégalités ? Quel est le taux de chômage ? », se demande-t-il. Pour lui, le chômage et l’inégalité sociale demeurent les faiblesses de notre économie qui a besoin de restructuration profonde.
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