Depuis plusieurs années, le Bénin a entamé une lutte farouche contre les violences basées sur le genre. Des mesures drastiques ont été prises pour protéger les victimes, sanctionner les auteurs et prévenir les violences sexistes et sexuelles. Cependant, il importe de notifier que toutes les formes de violence basée sur le genre ne sont pas encore prises en compte par les mesures de répression. C’est le cas des Violences gynécologiques et obstétricales qui continuent de faire des victimes. Ces dernières sont abandonnées à elles-mêmes face aux séquelles. Interview avec la sage-femme juriste Annick Nonohou Agani.
Veuillez vous présenter
Je suis Annick Nonohou Agani, sage-femme, juriste, chercheure, spécialiste en Droits humains. Je suis experte en Droit de la santé, Dssr/Jsr, Genre et santé et en Assistance aux victimes de Vbg. Je suis une lanceuse d’alerte sur les Normes Historiques Nuisibles pour la Santé et sur les Violences obstétricales et gynécologiques, Activiste des droits humains en milieu sanitaire, fondatrice du Réseau des soignants zmis des patients (Rsap), Coordonnatrice régionale de l’Initiative Rapienne de Réduction des Violences obstétricales et gynécologiques en Afrique Francophone (IR2-VOGAF).
Que peut-on entendre par Violences obstétricales et gynécologiques ?
Les violences obstétricales et gynécologiques sont une forme de violences basées sur le genre infligées aux cibles en milieu sanitaire ou communautaire par des soignants ou de tierces personnes, durant la périnatalité ou pendant la période gynécologique et qui affectent leur dignité, leur intégrité, leur intimité, leur autonomie et leur santé. Elles constituent une atteinte aux droits sexuels et reproductifs des victimes concernées.Elles n’ont pas été définies dans la législation béninoise.
Mais dans l’article 15 de la loi N 26-485/2009 de la République Bolivarienne du Venezuela relative à la protection intégrale de la femme, la violence obstétricale se définit comme : « l’appropriation du corps et des processus de reproduction des femmes par les professionnels de santé. Cette appropriation s’exprime par le traitement déshumanisé, la surmédicalisation abusive et la transformation des processus naturels en processus pathologiques, engendrant de telle sorte une perte de leur autonomie et de leur capacité à décider en toute liberté en ce qui touche à leur propre corps et sexualité, chose qui retombe négativement sur la qualité de leur vie ».
La législation brésilienne se distingue de celle du Venezuela par la précision relative à « la personne à l’origine de la violence qui peut également être un membre de la famille ou un accompagnant ». Quant à Marie Hélène Lalaye, elle l’a définie comme « Tout comportement, acte, omission ou abstention commis par le professionnel de santé, qui n’est pas justifié médicalement et/ou qui est effectué sans le consentement libre et éclairé de la femme enceinte ou de la parturiente »
Quels sont les différents types de VOG ?
Les VOG sont subdivisées en deux catégories de violences, à savoir, les violences obstétricales et les violences gynécologiques au sein desquelles, il existe plusieurs types de maltraitances matérialisées par l’absence de :
consentement libre et éclairé ; choix et de diversité dans l’offre des soins ;
assistance de la personne de confiance de son choix ;
consentement des actes à des fins d’apprentissage ;
humanisme et de dignité ;
anesthésie efficace ;
utilité médicale avérée ;
exercice de gestes gynécologiques ou obstétricaux légaux ; respect des droits de la patiente ou du naissant ; pratiques conformes aux données scientifiques ;
Que peut-on savoir essentiellement de l’épisiotomie ?
L’épisiotomie est une incision périnéale faite à partir de la commissure vulvaire lors de l’accouchement pour faciliter la sortie du nouveau-né. Elle est souvent réalisée lorsque le périnée est tonique afin d’éviter les déchirures périnéales. Il s’agit d’un traumatisme périnéal qui engendre l’hémorragie et des douleurs en post partum, l’incontinence urinaire, la dyspareunie, et un risque majeur d’infection et de prolapsus génital. Plusieurs études scientifiques ont prouvé que l’épisiotomie crée assez de dommages à la femme et ne prévient pas les déchirures. Elle est désormais considérée comme une mutilation génitale médicale que l’OMS recommande fortement d’éliminer. L’épisiotomie est donc une violence obstétricale à éradiquer.
Comment amoindrir les séquelles de l’épisiotomie ?
Les séquelles de l’épisiotomie sont presque irréversibles, donc difficiles à amoindrir et c’est pour cela qu’il est conseiller de l’éviter. Toutefois, il est important de rappeler qu’il faut éviter les toilettes vulvaires avec de l’eau chaude, car la chaleur provoque le relâchement des fils de suture et entraîne une béance vulvaire avec une mauvaise cicatrisation de la plaie périnéale. La victime sera alors sujette à un inconfort sexuel
Quels sont les autres moyens par lesquels la sage-femme pourrait se passer de l’épisiotomie ?
Les accoucheurs en général et les sages-femmes en particulier peuvent se passer de l’épisiotomie lorsque, durant la grossesse, la gestante bénéficie d’une éducation prénatale naturelle et d’une préparation à la naissance et à la parentalité. Il existe une panoplie de pratiques obstétricales alternatives et humanistes très efficaces qui favorisent non seulement l’assouplissement du périnée, mais aussi le raccourcissement de la durée du travail d’accouchement et l’atténuation de la douleur des contractions utérines. Nous pouvons citer entre autres : le chant prénatal, l’haptonomie, le massage périnéal, le bain de dilatation, la sexualité thérapeutique, la thérapie du rire, la thérapie du miroir, l’hydrothérapie, la musicothérapie et l’aromathérapie.
Quelle est la procédure que peut suivre une victime de VOG pour avoir gain de cause ?
Les victimes doivent briser le silence, procéder au signalement par tous moyens des VOG subies afin de faire entendre leurs voix, d’exiger la justice et la réparation des préjudices subis. Elles doivent aussi déposer leurs plaintes contre décharge à l’Institut National de la Femme dont l’une des missions est de lutter contre toutes les formes de violences et de discrimination à l’égard des femmes et des filles, afin de bénéficier d’une prise en charge psychosociale, médicale et d’une assistance juridique et judiciaire.
Quel message avez-vous à l’endroit des gynécologues et sages-femmes relativement aux VOG ?
Les gynécologues et sages-femmes doivent prendre conscience de l’avalanche de VGO qu’ils infligent au quotidien aux femmes, aux conjoints et aux naissants. Ils ont l’obligation d’offrir des soins et services fondés sur les droits humains et basées sur l’évidence. Ils doivent éduquer les individus familles et communautés sur les pratiques alternatives humanistes fondées sur les droits humains, renforcer la capacité des soignants en humanisation des soins et en protection des droits des patients et prévenir les VGO en respectant les droits des patientes et des usagers des services de santé. Ils ont aussi l’obligation de :
Veiller à l’actualisation des protocoles de prise en charge en vue de la suppression des normes historiques nuisibles pour la santé ; Identifier la typologie des VGO faites aux patients et aux familles en milieu sanitaire ; Documenter les données quantitatives et qualitatives afférentes aux VGO subies par les victimes en milieu sanitaire ; Promouvoir le parajuridisme en droit de la santé et l’animation des classes communautaires ; Riposter contre les violences obstétricales à travers des dénonciations et des plaidoyers à l’endroit des autorités politico-administratives, des défenseurs des droits humains.
Qu’avez-vous à dire aux autorités politiques et sanitaires ?
Elles doivent assurer la lutte contre les VGO à travers la prise de textes législatifs et réglementaires spécifiques, la mise en place d’un cadre institutionnel humanisant, le financement des activités de riposte, le renforcement de capacité des différents acteurs, la prévention des abus, la facilitation de la prise en charge, la notification des cas et la répression des infractions de VGO.
Qu’avez-vous à dire pour conclure cette interview ?
Les violences gynécologiques et obstétricales sont aussi des violences basées sur le Genre. Elles ne doivent plus être invisibilisées au Bénin et les victimes de VGO ont aussi le droit d’être assistées et d’ester en justice. Les auteurs de VGO doivent être sanctionnés et les victimes doivent obtenir la réparation des préjudices subis. Les VGO doivent être spécifiquement prises en compte dans les établissements de soins, de formation des professionnels de la santé et de la justice, puis par la Cbdh, l’Inf, l’Offe, les Cipec Vbg et les Organismes et Ong défenseurs des droits humains en matière de stratégies de lutte contre les Vbg et dans leurs données quantitatives et qualitatives pour être éradiquées. Aussi est-il impérieux que les Vgo soient obligatoirement prises en compte dans le SIDoFFE NG, le SNIGS et les notifications de décès maternels et néonatals.
Laisser un commentaire