Le pétrolier « Aïn Aker » a accosté mardi dernier au port de Tripoli, apportant avec lui une cargaison de pétrole algérien destinée à atténuer la crise énergétique qui frappe le Liban. Cette aide, présentée comme un geste de solidarité, soulève pourtant de nombreuses interrogations au sein du pays du cèdre.
La livraison de 30 000 tonnes de fuel, censée soulager le secteur électrique libanais en proie à de graves difficultés, ne sera pas directement acheminée vers les centrales. Le ministère libanais de l’Énergie et de l’Eau a pris la décision de la mettre aux enchères, le carburant s’avérant incompatible avec les installations locales. Cette situation inattendue met en lumière les complexités sous-jacentes de cette aide algérienne.
Les experts libanais, tout en reconnaissant l’importance de l’intervention algérienne pour soutenir le secteur énergétique, expriment leurs réserves. Marwan Abdullah, directeur exécutif de l’Association pour la Durabilité du Pétrole et de l’Énergie au Liban, évoque la possibilité d’un accord tacite. Il suggère que cette aide pourrait être conditionnée à l’abandon par le Liban de son action en justice contre Sonatrach, la compagnie pétrolière algérienne, impliquée dans une affaire de carburant frelaté en 2020.
Cette transaction ravive le souvenir d’un contentieux qui avait conduit à l’interruption des livraisons de carburant algérien au Liban fin 2020. La justice libanaise avait alors condamné 12 personnes pour des accusations de manquements professionnels, pots-de-vin et falsifications de rapports, une affaire dans laquelle l’Algérie nie toute implication.
Le spectre du pétrole frelaté plane toujours sur les esprits, malgré les assurances de Sonatrach quant à la qualité du carburant livré. La compagnie algérienne affirme que ce dernier se distingue par son efficacité énergétique et sa faible teneur en soufre, des caractéristiques essentielles pour la production d’électricité.
Au-delà des considérations techniques, des craintes émergent quant à d’éventuelles pressions politiques. Certains redoutent que l’Algérie ne cherche à influencer les positions du Liban sur des sujets controversés, à l’instar de ce qui s’est produit en Tunisie. L’invitation du chef du Front Polisario, Brahim Ghali, au sommet Japon-Afrique (TICAD 8) à Tunis est citée comme exemple d’une potentielle contrepartie à l’aide algérienne.
Cette situation complexe a été débattue lors d’une émission du programme « Energy Insights » sur la plateforme X, animée par l’expert en économie de l’énergie Anas Al Hajji. L’émission, intitulée « Panne d’électricité au Liban : pourquoi la crise s’est-elle aggravée et quelles sont les solutions ? », a mis en lumière les multiples facettes de cette crise énergétique.
Il est à noter que cette livraison intervient dans un contexte tendu, l’Algérie ayant menacé il y a trois ans de recourir à l’arbitrage international contre le ministère libanais de l’Énergie pour le paiement de cargaisons antérieures à 2020.
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