Le politologue Richard Boni Ouorou s’interroge sur la pertinence et les objectifs du cadre de concertation récemment instauré par l’opposition béninoise sous la direction du parti Les Démocrates. Bien qu’il reconnaisse l’importance d’un tel espace, il estime que son rôle ne saurait se limiter à des discussions politiciennes ou à une critique du système électoral, mais devrait viser à élaborer une vision commune pour le développement du pays.
Pour Richard Boni Ouorou, un cadre de concertation idéal serait un mécanisme permettant aux partis de débattre et de construire un projet de société alternatif, en opposition claire et structurée aux propositions du gouvernement. Cependant, il désapprouve la version actuelle, qu’il perçoit comme une initiative sans véritable profondeur idéologique, davantage motivée par des considérations politiciennes.
Le politologue insiste sur le rôle fondamental des idéologies dans l’organisation politique. Dans les démocraties classiques, les partis se répartissent entre conservateurs, progressistes et centristes, chacun défendant une vision spécifique de la société. Malheureusement, cette structuration idéologique est quasi absente au Bénin, où les partis sont difficilement classifiables selon ces critères.
Un déficit d’idéologies politiques
Historiquement, quelques partis béninois comme le PCB (communiste), le PSD (socialiste) ou la RB (droite) se distinguaient par des identités idéologiques précises. Cependant, ces distinctions se sont estompées avec le temps. Richard Boni Ouorou note également une influence culturelle et anthropologique dans ces orientations : par exemple, le PCB et le PSD, issus de la région adja, s’inscrivaient dans une dynamique segmentaire et collégiale, prédisposée à des idéaux de gauche. À l’inverse, la RB, associée aux traditions monarchiques du royaume d’Abomey, tendait vers des valeurs plus conservatrices.
Aujourd’hui, cette diversité idéologique a laissé place à des alliances opportunistes, motivées par la conquête du pouvoir plutôt que par la défense de projets de société clairs. Depuis la Conférence nationale, l’histoire politique du Bénin révèle que les coalitions ont souvent été des regroupements circonstanciels, sans véritable ancrage idéologique. De Nicéphore Soglo en 1991 à Patrice Talon en 2016, les victoires électorales ont été portées par des alliances hétéroclites, loin de débats sur des visions alternatives de développement. Cette dynamique politicienne réduit les antagonismes à une simple opposition entre mouvance et opposition, reléguant les préoccupations citoyennes et les projets de société au second plan.
Quel rôle pour le cadre de concertation ?
Richard Boni Ouorou prévient : un cadre de concertation ne doit pas être un espace de discours sans impact réel sur le bien-être des populations. Il rappelle que les grands leaders de l’ère démocratique – Soglo, Kérékou, Yayi, Talon – n’ont jamais fait de la contestation du système électoral leur principal levier de succès, mais ont su mobiliser efficacement leurs soutiens pour remporter les élections. Le politologue plaide pour un cadre qui permette aux acteurs politiques de confronter leurs visions, d’identifier des convergences, de définir des priorités communes et de communiquer efficacement avec les populations. Ce cadre pourrait ainsi offrir une image d’hommes d’État responsables, à la hauteur des enjeux nationaux.
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