Les relations entre la France et l’Afrique traversent une zone de fortes turbulences en ce début d’année 2025. Par une succession de déclarations controversées en moins de 48 heures, Emmanuel Macron creuse davantage le fossé avec de nombreux pays africains, du Maghreb au Sahel.
Diplomatie du mépris : de l’Algérie au Sahel
La nouvelle crise éclate le 7 janvier avec l’Algérie, lorsque le président français déclare que le pays « se déshonore » en maintenant en prison l’écrivain Boualem Sansal. Le ministère des Affaires étrangères algérien dénonce aussitôt « une immixtion éhontée et inacceptable dans une affaire interne algérienne ». La réponse d’Alger est particulièrement cinglante : « Ce que le président français présente indûment et faussement comme une affaire de liberté d’expression relève essentiellement d’une mise en cause de l’intégrité territoriale du pays, un délit punissable par la loi algérienne. »
Cette confrontation avec Alger suit de près une autre polémique née la veille, lors de la conférence des ambassadeurs. Évoquant le retrait des troupes françaises d’Afrique, Macron avait lancé : « Je crois qu’on a oublié de nous dire merci« . Une remarque qui a immédiatement provoqué l’indignation des dirigeants africains, à commencer par le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko qui a fustigé ces propos « totalement erronés« .
Un déclin accéléré par les maladresses diplomatiques
L’affaire Sansal révèle la profondeur des tensions entre Paris et Alger, exacerbées depuis le soutien français au plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental. Cette prise de position, perçue comme un alignement sur Rabat dans ce conflit sensible, avait déjà suscité la colère d’Alger, soutien historique du Front Polisario. Les propos présidentiels sur « le déshonneur » de l’Algérie ne font qu’envenimer une relation déjà empoisonnée par les questions territoriales.
Ces tensions diplomatiques s’inscrivent dans un contexte plus large de retrait forcé de l’armée française du continent. Le Tchad, dernier bastion de l’influence militaire française au Sahel avec environ mille soldats, vient de rompre ses accords de défense. La Côte d’Ivoire a également annoncé la rétrocession de la base militaire de Port-Bouet près d’Abidjan. Face à ces départs en cascade, les déclarations de Macron sur l’ingratitude africaine sonnent comme un aveu d’impuissance.
Cette accumulation de crises diplomatiques révèle une incapacité française à repenser ses relations avec l’Afrique. Alors que Macron affirme que « la France n’est pas en recul en Afrique, elle est simplement lucide et se réorganise », les faits démontrent le contraire. Entre l’affaire Sansal qui ravive les tensions avec Alger et la crise au Sahel, la présidence française semble avoir perdu toute crédibilité diplomatique sur le continent africain.
En quelques jours à peine, par une succession de déclarations maladroites et condescendantes, Emmanuel Macron aura réussi l’exploit de froisser simultanément le Maghreb et l’Afrique subsaharienne. Ce qui apparaît comme une incapacité chronique à adapter le discours diplomatique français aux réalités du XXIe siècle pourrait bien marquer un tournant irréversible dans les relations franco-africaines. La page de la « Françafrique » se tourne, non pas dans la concertation et le respect mutuel comme Paris aurait pu l’espérer, mais dans l’amertume et la confrontation. Une situation dont le président français porte, par ses propos répétés, une part significative de responsabilité.
Laisser un commentaire