Le Maghreb entretient depuis des siècles une relation complexe avec les pratiques mystiques et la sorcellerie. Des rituels traditionnels comme le « bkhour » (encens) aux amulettes protectrices, ces croyances demeurent ancrées dans certaines communautés malgré l’influence de l’islam orthodoxe qui les condamne. Au Maroc particulièrement, le phénomène de « shour » (sorcellerie) alimente régulièrement des controverses publiques. Des affaires similaires ont défrayé la chronique ces dernières années, notamment à Marrakech et Fès, où des accusations de pratiques occultes ont parfois mené à des poursuites judiciaires. L’affaire de Tanger s’inscrit dans cette continuité tout en révélant les tensions commerciales qui peuvent s’exprimer à travers ces croyances populaires.
Une pincée de sel et beaucoup de discorde
Dans le quartier animé de Merkala à Tanger, une affaire pour le moins inhabituelle a récemment ébranlé la communauté locale des restaurateurs. Un employé d’un restaurant de poissons a été surpris en flagrant délit alors qu’il répandait du sel à l’intérieur d’un établissement concurrent. Ce geste, apparemment anodin pour certains, a été interprété comme une pratique de sorcellerie par le gérant du restaurant « victime ».
Le sel, élément purificateur dans de nombreuses cultures, prend ici une dimension bien différente. Selon les croyances locales, certaines substances peuvent être utilisées pour détourner la clientèle d’un commerce vers un autre. Le gérant n’a pas hésité à porter l’affaire devant les autorités, convaincu que cette pratique visait à nuire délibérément à son commerce.
« Les pratiques occultes pour attirer la fortune sont malheureusement encore monnaie courante dans certains milieux commerciaux« , confie un sociologue marocain spécialiste des croyances populaires. « Ce qui est frappant ici, c’est la transposition de ces croyances dans un cadre urbain et commercial moderne. »
Aveux salés et enquête épicée
Face aux accusations, l’employé n’a pas tardé à reconnaître les faits lors de son interrogatoire par les services de sécurité. Il a toutefois tenu à préciser qu’il avait agi de sa propre initiative, sans que son employeur ne soit au courant de ses agissements.
Sa confession révèle une croyance sincère en l’efficacité du sel comme agent d’attraction de la clientèle. Un mélange troublant de superstition et de stratégie commerciale qui témoigne de la persistance de certaines croyances, même dans un contexte urbain et contemporain.
L’enquête menée par les autorités devra déterminer si d’autres personnes sont impliquées dans cette affaire. Selon les premières informations, le propriétaire du restaurant employant le « jeteur de sel » nie catégoriquement toute connaissance ou implication dans ces pratiques.
Quand la concurrence commerciale flirte avec l’irrationnel
Cette affaire singulière met en lumière les tensions qui peuvent exister entre commerçants dans un secteur aussi concurrentiel que la restauration. À Tanger, ville touristique par excellence, la compétition pour attirer les clients est particulièrement féroce.
« Ce qui est remarquable, c’est comment des méthodes archaïques peuvent côtoyer des stratégies marketing modernes« , analyse un économiste local. « Plutôt que d’investir dans la qualité du service ou la promotion sur les réseaux sociaux, certains se tournent vers des solutions relevant de la pensée magique. »
L’affaire a rapidement enflammé les réseaux sociaux marocains, suscitant des réactions oscillant entre amusement et consternation. Certains internautes rappellent d’ailleurs qu’une controverse similaire avait éclaté il y a quelques années à la mairie même de Tanger, où des rumeurs de pratiques occultes avaient circulé.
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