Algérie: nouvel avertissement de la France après une accalmie

Jean-Noël Barrot (source photo: AFP)

La relation franco-algérienne traverse une nouvelle zone de turbulence après une brève période d’apaisement. Les tensions entre Paris et Alger, qui avaient commencé à s’apaiser en mars dernier, connaissent un rebondissement spectaculaire. La crise initiale avait éclaté fin juillet 2024, lorsque le président français avait manifesté son appui sans réserve au plan d’autonomie proposé par le Maroc pour le Sahara occidental, un territoire revendiqué par les indépendantistes du Front Polisario, soutenus par Alger. Cette prise de position avait provoqué le rappel immédiat de l’ambassadeur algérien en France. La situation s’était ensuite aggravée avec d’autres contentieux, notamment sur la question migratoire et l’arrestation de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal.

Un incident diplomatique aux conséquences immédiates

L’étincelle qui a ravivé les tensions est l’arrestation en France d’un agent consulaire algérien, mis en examen avec deux autres personnes pour des faits graves liés à une affaire impliquant l’opposant au régime algérien Amir Boukhors, plus connu sous le pseudonyme « Amir DZ« . Les charges retenues sont particulièrement lourdes : arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire en relation avec une entreprise terroriste, ainsi qu’association de malfaiteurs terroriste criminelle. Les trois individus ont été placés en détention provisoire.

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La réaction d’Alger ne s’est pas fait attendre. Les autorités algériennes ont d’abord exprimé « une vive protestation » contre cette arrestation qu’elles qualifient de « spectaculaire et ostentatoire« , jugeant qu’il s’agissait d’un « acte indigne« . Puis, dans un geste sans précédent, elles ont déclaré persona non grata douze fonctionnaires français travaillant au sein de l’ambassade et des consulats de France en Algérie, leur donnant quarante-huit heures pour quitter le territoire national.

Le gouvernement algérien a explicitement désigné le ministre de l’Intérieur français, Bruno Retailleau, comme responsable de cette détérioration des relations bilatérales. Selon Alger, cette arrestation visait délibérément à « rabaisser » l’Algérie, à un moment où les deux pays venaient justement d’amorcer une phase de « décrispation » suite à un entretien téléphonique entre les présidents algérien et français.

Paris hausse le ton face à l’escalade algérienne

Face à cette décision jugée disproportionnée, la France a rapidement réagi par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. Lors d’une intervention sur France 2 ce mardi 15 avril, il a qualifié la mesure algérienne de « regrettable« , tout en avertissant qu’elle « ne sera pas sans conséquence« . Le chef de la diplomatie française a lancé un message clair : « Si l’Algérie fait le choix de l’escalade, nous répondrons avec la plus grande fermeté. »

Jean-Noël Barrot a également tenu à séparer clairement les dimensions judiciaire et diplomatique de cette affaire, soulignant que « Bruno Retailleau n’a rien à voir avec cette affaire judiciaire » et que « la justice est indépendante ». Il a précisé qu’il s’agissait d’une « procédure judiciaire engagée depuis des mois » qui n’avait « rien à voir avec le dialogue diplomatique » réinitialisé en mars avec Alger. Malgré ces explications, le ministre a indiqué que si les autorités algériennes persistaient dans leur décision, la France n’aurait « d’autre choix que de prendre des mesures similaires ».

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Ce langage diplomatique, habituellement mesuré, laisse transparaître l’irritation française face à ce qu’elle considère comme une instrumentalisation politique d’une affaire judiciaire. La France semble déterminée à ne pas laisser cette décision sans réponse, tout en appelant au maintien du dialogue : « Ma responsabilité, c’est de maintenir le contact », a précisé Jean-Noël Barrot.

Des relations bilatérales au rythme des crises

Cette nouvelle crise illustre la fragilité persistante des relations franco-algériennes, qui oscillent entre périodes de rapprochement et phases de tension aiguë. Comme deux danseurs désynchronisés, Paris et Alger peinent à trouver un rythme commun, malgré des intérêts partagés considérables en matière économique, migratoire et sécuritaire.

La menace algérienne de répondre avec « fermeté et adéquation » à toute « nouvelle action attentatoire » du ministre de l’Intérieur français laisse présager un possible engrenage de mesures de rétorsion qui pourrait compromettre durablement les efforts de normalisation entrepris ces derniers mois. Le gouvernement algérien, en qualifiant sa décision de « souveraine« , semble particulièrement désireux d’affirmer son indépendance face à l’ancienne puissance coloniale.

Pour l’heure, l’expulsion des fonctionnaires français devrait être effective dans les heures à venir. Jean-Noël Barrot a appelé les autorités algériennes à revenir sur leur décision, tout en réaffirmant la volonté française de « revenir à des relations normales » et de « sortir des tensions » qui ne servent ni les intérêts de la France ni ceux de l’Algérie. Mais la balle est désormais dans le camp algérien : « C’est évidemment à l’Algérie aujourd’hui de prendre ses dispositions », a conclu le ministre français.

Cette nouvelle passe d’armes diplomatique survient à un moment où les deux nations auraient tout intérêt à coopérer sur de nombreux dossiers régionaux. La question du Sahel, les enjeux énergétiques et les défis migratoires constituent autant de domaines où une collaboration étroite entre Paris et Alger serait mutuellement bénéfique. Mais les cicatrices de l’histoire et les susceptibilités nationales continuent de perturber cette relation complexe, symbolisant les difficultés persistantes à construire un partenariat apaisé entre les deux rives de la Méditerranée.

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