Crédits au Maghreb: des complications en vue pour ces ressortissants

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Les prêts bancaires représentent un pilier fondamental de toute économie moderne, agissant comme un levier de croissance indispensable tant pour les particuliers que pour les entreprises. Ils permettent aux ménages d’acquérir des biens immobiliers, de financer des projets personnels ou de faire face à des dépenses imprévues, tandis qu’ils offrent aux entreprises les moyens d’investir, d’innover et de se développer. Pour les économies nationales, particulièrement celles en développement comme au Maghreb, ces mécanismes de crédit constituent la colonne vertébrale du système financier. La santé du secteur bancaire et sa capacité à octroyer des prêts à des conditions accessibles déterminent en grande partie le dynamisme économique d’un pays, influencent le marché immobilier et conditionnent même la stabilité sociale en facilitant l’accès à la propriété pour les classes moyennes.

Des banques tunisiennes face à un dilemme réglementaire

Un vent de changement souffle sur le paysage bancaire tunisien, mettant en péril l’équilibre précaire entre profits des institutions financières et accessibilité du crédit pour les citoyens. Les établissements bancaires privés du pays ont récemment adopté une position défensive en cessant d’accorder des prêts de longue durée, spécifiquement ceux dépassant 15 ans. Cette décision, communiquée verbalement aux équipes pour éviter toute trace écrite susceptible d’entraîner des sanctions, constitue une réponse directe aux nouvelles réglementations instaurées sous l’impulsion du président Saïed.

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La législation entrée en vigueur en janvier dernier visait initialement à soutenir les ménages tunisiens confrontés à une crise économique grandissante. Elle prévoit notamment des réductions substantielles de taux d’intérêt, pouvant atteindre 50% sur certains prêts à taux fixe, et impose aux banques l’octroi de prêts sans intérêt pour des montants déterminés. Comparable à une médaille à double face, cette intervention présidentielle qui se voulait bénéfique pour les citoyens ordinaires a provoqué un effet boomerang, les institutions financières cherchant désormais à protéger leurs marges bénéficiaires par tous les moyens possibles.

Ce paradoxe réglementaire ressemble à un médecin qui, voulant réduire la fièvre d’un patient, prescrirait un médicament dont les effets secondaires aggraveraient finalement son état général. La volonté politique de rendre le crédit plus accessible se heurte frontalement aux réalités économiques du secteur bancaire, créant un nœud gordien difficile à trancher.

Impact financier et conséquences pour les emprunteurs

L’onde de choc de ces mesures commence déjà à se faire sentir tant pour les institutions financières que pour les particuliers. D’après les projections de Fitch Ratings, la nouvelle réglementation pourrait amputer le bénéfice annuel combiné des banques tunisiennes d’environ 11%. Cette pression sur les profits s’intensifiera davantage avec l’augmentation du taux d’imposition des sociétés sur les bénéfices bancaires, qui passera de 35% à 40% dès janvier 2025.

Pour les citoyens tunisiens, les conséquences risquent d’être particulièrement sévères dans le domaine immobilier. Comme le souligne Mohamed Souilem, analyste financier et ancien directeur de la politique budgétaire à la Banque centrale de Tunisie, cette décision « pourrait affecter la notation de crédit des banques, et les Tunisiens auront de réelles difficultés à obtenir des prêts immobiliers maintenant ». L’acquisition d’un logement, déjà complexe dans un contexte économique tendu, pourrait ainsi devenir un rêve inaccessible pour de nombreux ménages.

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Cette situation rappelle la fable de l’ours maladroit qui, voulant chasser une mouche sur le front de son ami endormi, l’assomme avec une pierre. Les mesures destinées à alléger le fardeau financier des emprunteurs finissent par tarir la source même du crédit, transformant une intention louable en obstacle supplémentaire.

Perspectives et équilibre économique fragilisé

L’avenir du crédit en Tunisie se dessine sous le signe de l’incertitude et des ajustements douloureux. Les banques, coincées entre des exigences réglementaires contraignantes et la nécessité de maintenir leur rentabilité, risquent de devenir plus sélectives et restrictives dans leurs politiques d’octroi de prêts. Cette prudence accrue pourrait se traduire par des critères d’éligibilité plus stricts, des montants accordés plus faibles ou des durées de remboursement raccourcies.

Pour l’économie tunisienne dans son ensemble, ces bouleversements interviennent à un moment critique. Le pays, déjà fragilisé par diverses turbulences économiques et sociales, voit l’un des rouages essentiels de sa machine économique – le crédit bancaire – se gripper. À l’instar d’un jardinier qui, craignant la sécheresse, réduirait drastiquement l’arrosage au point de compromettre la croissance de ses plantes, les autorités tunisiennes pourraient avoir provoqué involontairement un assèchement du crédit en voulant le rendre plus abordable.

Cette situation illustre la délicate alchimie nécessaire dans toute politique économique, où chaque intervention doit être soigneusement calibrée pour éviter que les effets secondaires ne surpassent les bénéfices attendus. Pour les Tunisiens ordinaires, le rêve d’accéder à la propriété pourrait désormais ressembler à une course d’obstacles où les barrières, loin de s’abaisser comme promis, semblent au contraire s’élever.

Le défi pour les autorités tunisiennes sera donc de trouver un équilibre viable entre la protection des emprunteurs et la préservation d’un système bancaire fonctionnel, sans quoi les mesures bien intentionnées d’aujourd’hui risquent de se transformer en crise du crédit de demain, avec des répercussions profondes sur l’ensemble du tissu économique et social du pays.

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