La coopération migratoire entre le Sénégal et l’Espagne prend un nouveau tournant. À Dakar, lors de l’ouverture du deuxième colloque international sur les migrations, les mots du secrétaire d’État aux Sénégalais de l’Extérieur, Amadou Chérif Diouf, ont suscité un vif intérêt : le quota de travailleurs saisonniers sénégalais en Espagne pourrait bientôt connaître une augmentation significative. De 370 actuellement prévus pour 2025, ce chiffre pourrait grimper à 1 000, porté par une demande accrue d’entreprises espagnoles en quête de main-d’œuvre fiable et qualifiée.
Ce projet n’est pas anodin. Il s’inscrit dans une vision plus large du Sénégal, qui cherche à faire de la migration un levier de développement plutôt qu’un exutoire au chômage. La stratégie consiste à encadrer les départs, en les intégrant dans des programmes bilatéraux sécurisés, avec des contrats clairs, un retour prévu et une protection des droits des travailleurs. Dans cette optique, la migration devient circulaire, bénéfique aux deux parties, et non une fuite irréversible des compétences.
Le regain d’intérêt espagnol, lui, est tout sauf fortuit. Face à une pénurie persistante de main-d’œuvre dans certains secteurs agricoles, l’Espagne regarde désormais vers l’Afrique de l’Ouest avec un œil plus pragmatique. Et le Sénégal, avec son capital humain jeune, formé et motivé, apparaît comme un partenaire de choix. Plus de 500 candidats ont déjà été présélectionnés dans le cadre du dispositif, preuve de l’enthousiasme que suscite cette opportunité dans un contexte de chômage endémique chez les jeunes.
Mais au-delà des chiffres, c’est la méthode qui retient l’attention. Contrairement aux départs irréguliers qui continuent de faire la une par leur tragédie, ce modèle de migration légale repose sur la transparence, l’accompagnement et la formation préalable. Il incarne un virage stratégique : plutôt que de subir la migration, le Sénégal veut désormais la gouverner.
À travers cette ouverture, c’est aussi un message politique que l’Espagne envoie : il est possible d’établir des partenariats migratoires vertueux, loin des discours anxiogènes sur l’« invasion » migratoire. C’est une manière de reconnaître la valeur des travailleurs africains, non pas comme menace, mais comme contribution essentielle aux économies européennes.
Reste à voir si ce modèle pourra s’élargir à d’autres secteurs et à d’autres pays. Pour l’heure, le Sénégal veut en faire un cas d’école. Et peut-être, à terme, un exemple de coopération migratoire réussie, où les frontières ne sont plus des murs, mais des passerelles vers des opportunités partagées.
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