L’enseignement supérieur sénégalais entre dans une nouvelle phase d’évaluation et de résultats. Au-delà des budgets annuels déjà affectés à ses établissements, l’État vient de poser un jalon important en signant avec les huit universités publiques des contrats de performance, engageant sur trois ans un financement additionnel de 13,76 milliards de francs CFA. Ce mécanisme vise à exiger plus de rigueur, de transparence et de résultats mesurables au sein de structures souvent critiquées pour leur lenteur académique et leur instabilité.
Des objectifs chiffrés, des financements conditionnés
Le projet, déployé sous le label ESPOIR Jeunes, bénéficie de l’appui de la Banque mondiale, de l’Agence française de développement (AFD) et du fonds Early Learning Partnership. Chaque université a reçu une enveloppe proportionnelle à son poids institutionnel et à ses besoins. Ainsi, l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD), la plus peuplée et la plus ancienne, a bénéficié d’un montant de 3 milliards, tandis que d’autres structures, plus récentes ou moins étendues, comme l’Université de Ziguinchor, ont reçu environ 1,1 milliard.
Mais cette manne financière ne sera pas un chèque en blanc. Les universités devront démontrer leur capacité à tenir leurs engagements. Parmi les attentes formulées par les autorités figurent la mise à jour du calendrier universitaire, souvent perturbé par les grèves ou des lenteurs administratives, ainsi que l’amélioration des résultats pédagogiques et la gestion des ressources humaines. L’objectif est clair : transformer chaque franc investi en amélioration visible dans les amphithéâtres, les laboratoires et les structures d’accueil.
Une nouvelle ère de gestion axée sur les résultats
Le recours aux contrats de performance introduit une dynamique nouvelle dans la relation entre l’État et les universités. Jusque-là, le financement de l’enseignement supérieur obéissait principalement à une logique de reconduction budgétaire. Désormais, les établissements seront incités à justifier leurs résultats sur des indicateurs précis : taux de réussite, respect du calendrier académique, insertion des diplômés ou encore impact de la recherche.
Cette logique de contractualisation, fréquente dans les systèmes éducatifs nordiques ou asiatiques, permet de rompre avec une certaine culture de l’autosuffisance institutionnelle. Il s’agit de créer un cercle vertueux dans lequel performance et financement se nourrissent mutuellement. « Nous donnons de l’argent et nous attendons de la qualité », affirme le Ministre de l’Enseignement supérieur, qui voit dans ce virage une forme de responsabilisation attendue depuis longtemps.
Au-delà des chiffres, une pression utile pour le changement
Même si le montant global de 13,76 milliards peut sembler important, il ne représente qu’une fraction du financement structurel nécessaire pour moderniser en profondeur les universités sénégalaises. Mais en ciblant directement les dysfonctionnements récurrents, ce mécanisme de soutien conditionné agit comme une pression positive. Les recteurs, les doyens et les directeurs administratifs devront faire preuve d’efficacité, non seulement pour répondre aux objectifs fixés, mais aussi pour rester éligibles aux tranches de financement à venir.
Si le projet tient ses promesses, il pourrait devenir un levier durable de transformation. À condition, bien sûr, que les engagements pris aujourd’hui ne se perdent pas dans la complexité des structures ou dans les sables mouvants des pratiques anciennes.


