Sénégal : Affaire des carrières de Soussoung, 7 personnes placées sous mandat de dépôt

À Soussoung, petit village rattaché à la commune de Ndiaganiao dans le département de Mbour, la contestation gronde depuis des mois. Au cœur de la discorde : des terres que les habitants disent avoir cultivées pendant des générations, aujourd’hui menacées par l’appétit de sociétés minières. Face à ce qu’ils perçoivent comme une dépossession programmée, les habitants se sont organisés autour du Collectif pour la défense des terres de Soussoung. Leur mot d’ordre est sans détour : « Nous ne laisserons pas nos terres partir entre d’autres mains. »

Une contestation enracinée dans l’histoire locale

Ndiaganiao n’est pas une localité comme les autres. Elle est chargée d’un poids symbolique fort : c’est là que le président Bassirou Diomaye Faye accomplit régulièrement son devoir civique. L’octroi en 2023 de deux autorisations minières – 40 hectares à Transfavo et 43 hectares à Elikane, signées par l’ancien ministre des Mines Omar Sarr – a été vécu localement comme un acte unilatéral, voire un mépris des aspirations communautaires. La population affirme ne pas avoir été consultée, et voit dans ce projet un danger pour son équilibre économique et social. Le terrain de la colère était prêt ; il a suffi d’une étincelle pour que les tensions éclatent.

Heurts, interpellations et décision de justice

Lors des manifestations survenues ces derniers jours, 24 personnes ont été interpellées. Si 17 d’entre elles ont été relâchées, leurs dossiers classés sans suite, 7 manifestants demeurent en détention. Le juge du deuxième cabinet du Tribunal de Grande Instance de Mbour a ordonné leur placement sous mandat de dépôt, les accusant notamment de troubles à l’ordre public et d’actes de violence. Cette décision a ravivé la colère du collectif, qui dénonce une répression ciblée et une tentative de faire taire une mobilisation pacifique. Pour Ndiome Thiaw, porte-parole du mouvement, ces arrestations sont une injustice flagrante contre des citoyens qui défendent leur patrimoine ancestral. Le collectif exige leur libération immédiate et inconditionnelle, arguant que les inculpés n’ont fait qu’exprimer une opposition légitime à un projet imposé.

Une fracture révélatrice des tensions foncières

Au-delà de l’aspect juridique, l’affaire Soussoung met en lumière une problématique plus large : celle de l’accès à la terre dans les zones rurales confrontées aux ambitions extractives. Entre logique de développement industriel et ancrage communautaire, le dialogue reste souvent déséquilibré. Les habitants dénoncent des procédures opaques, des décisions prises à Dakar sans concertation, et l’absence de garanties sur l’impact environnemental et social des carrières.

Ce dossier pourrait devenir un test politique pour le nouveau pouvoir, dont plusieurs figures sont issues de la région. Entre attentes de justice, pressions économiques et enjeux de gouvernance, l’issue de la crise de Soussoung pourrait marquer un tournant dans la manière dont l’État articule développement et respect des territoires.

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