En février 2025, un simple passage à la douane à Istanbul change radicalement la trajectoire de deux jeunes Françaises. En transit pour rejoindre la Belgique, elles ont été interpellées suite à la découverte de stupéfiants dissimulés dans leurs affaires. À ce moment-là, ni l’une ni l’autre ne semble comprendre la gravité de ce qu’on leur reproche. Pourtant, elles encourent désormais une peine pouvant aller jusqu’à 16 ans et huit mois de prison pour trafic de stupéfiants.
L’enquête menée par France Inter et relayée par Franceinfo révèle que ce voyage, qui avait commencé par une promesse de vacances luxueuses en Thaïlande, aurait été organisé par un homme incarcéré dans une prison du nord de la France. Celui-ci leur aurait remis les bagages via des intermédiaires, en leur assurant qu’ils contenaient des biens sans danger, comme des articles de marque contrefaits.
Une opération coordonnée depuis la maison d’arrêt d’Amiens ?
Le rôle central de ce détenu, présenté comme proche de l’une des deux jeunes femmes, est désormais au cœur des accusations. Carole-Olivia Montenot, avocate de la famille d’une des détenues, affirme toujours selon la source qu’il aurait planifié l’ensemble du voyage depuis la prison à l’aide d’un téléphone portable. Il aurait organisé les billets, l’hébergement dans un hôtel haut de gamme, et donné des instructions précises sur les bagages à emporter.
Pour la famille, l’existence même de ce réseau, initié depuis une prison, démontre une faille majeure dans la gestion de l’administration pénitentiaire. Elle exige que des poursuites soient engagées contre le détenu responsable, estimant que les autorités françaises ont une part de responsabilité dans l’issue dramatique de cette affaire.
Une demande d’enquête en France et de report du procès en Turquie
Une plainte a été déposée auprès du parquet d’Amiens. L’objectif est double : documenter les actions du détenu et établir si les autorités pénitentiaires ont manqué à leurs obligations de surveillance. L’avocate souhaite également que ces éléments puissent être versés au dossier turc, où le procès des deux Françaises doit s’ouvrir en septembre à Istanbul.
Elle réclame, dans l’intervalle, l’ouverture d’investigations urgentes en France afin que la juridiction turque puisse accéder à une vision complète des faits, et envisage un report de l’audience, en attendant les résultats de cette instruction parallèle.
Des jeunes femmes décrites comme vulnérables
Ibtissem (21 ans), l’une des accusées, est décrite par ses proches comme une étudiante sans moyens, attirée par une opportunité de voyage qu’elle croyait sans risque. La proposition de séjour émanait d’un ami de longue date, dont elle ignorait la détention. Le récit familial évoque une forme de dépendance émotionnelle et une confiance aveugle dans cet homme, qui lui promettait un voyage de rêve tout en gardant le contrôle à distance.
Selon ses proches, elle n’a jamais envisagé que les valises pouvaient contenir autre chose que des produits inoffensifs. C’est ce point que la défense souhaite faire valoir auprès de la justice turque : l’absence d’intentionnalité dans l’acte, et la manipulation exercée sur de jeunes femmes peu conscientes des risques qu’elles couraient.
Une affaire révélatrice de failles structurelles
Au-delà du drame personnel, cette affaire soulève des questions plus larges sur la capacité de l’administration pénitentiaire française à contrôler les communications de certains détenus, y compris ceux impliqués dans des délits à fort potentiel de nuisance. La possibilité pour un prisonnier de diriger une opération depuis sa cellule, jusqu’à impliquer des citoyens dans un trafic international, interpelle.
Elle met également en lumière les limites de la coopération judiciaire entre la France et des pays tiers comme la Turquie, notamment lorsqu’il s’agit de fournir des éléments probants à des juridictions étrangères, dans des délais compatibles avec des procès à venir.
À l’approche du jugement, prévu pour le 11 septembre, l’attention reste focalisée sur l’évolution des procédures engagées en France. Car de leur issue pourrait dépendre, en grande partie, l’avenir judiciaire des deux jeunes Françaises détenues à Istanbul.
