Armement : pourquoi la Turquie redoute l’arrivée du système israélien à Chypre

La Turquie a exprimé son inquiétude face à l’installation présumée d’un système israélien de défense aérienne à Chypre. Des responsables militaires turcs estiment que cette acquisition pourrait rompre l’équilibre fragile qui prévaut sur l’île divisée depuis près de cinquante ans. Selon Ankara, la militarisation croissante de la République de Chypre comporte des risques pour la stabilité régionale et pourrait avoir des conséquences imprévisibles. L’annonce a suscité de nouvelles interrogations sur l’avenir des relations entre Ankara, Nicosie et Tel-Aviv. Les observateurs y voient également une illustration des rivalités persistantes en Méditerranée orientale.

Un système israélien qui inquiète Ankara

Des responsables du ministère de la Défense de Turquie ont confirmé qu’ils suivaient de près l’arrivée annoncée du système Barak MX, conçu en Israël. Cet équipement intégré, capable d’intercepter aussi bien des drones que des avions ou des missiles, renforce notablement les capacités de défense de Chypre. Ankara estime que de telles acquisitions risquent de provoquer des « conséquences dangereuses » en cas de crise. Pour les autorités chypriotes, il s’agit au contraire d’un moyen de consolider leur souveraineté et d’assurer la protection d’un espace aérien exposé. La portée avancée de ce dispositif suscite des interrogations, notamment sur sa compatibilité avec les équilibres militaires dans la zone.

L’île méditerranéenne reste partagée depuis 1974, après une intervention militaire turque consécutive à un coup d’État soutenu par Athènes. La partie nord, autoproclamée République turque de Chypre du Nord en 1983, n’est reconnue que par Ankara, qui y stationne plus de 35 000 soldats. Ce statu quo alimente une méfiance réciproque, chaque initiative en matière d’armement étant perçue comme une provocation. Plusieurs analystes considèrent que l’arrivée du système israélien s’inscrit dans une tendance plus large de renforcement sécuritaire de Nicosie. Cet épisode pourrait aussi influer sur des coopérations régionales en matière d’énergie et de défense, un dossier régulièrement évoqué par des experts et susceptible de nourrir de futurs liens économiques.

Un contentieux ancien et des enjeux géopolitiques

Les relations entre Chypre et Turquie s’inscrivent dans une histoire de tensions militaires et diplomatiques. Depuis la division de l’île, Ankara maintient une présence armée au nord, tandis que Nicosie consolide ses partenariats avec la Grèce, l’Union européenne et, plus récemment, Israël. L’épisode de la crise des S-300 dans les années 1990 illustre cette rivalité : face à l’achat par Chypre de missiles russes, Ankara avait menacé d’intervenir, ce qui avait conduit au transfert des systèmes en Crète. Depuis, chaque renforcement de la défense chypriote est suivi d’avertissements turcs. Ce cadre explique la sensibilité particulière de l’annonce liée au Barak MX.

La Méditerranée orientale concentre également des enjeux énergétiques importants, avec la découverte de gisements de gaz au large de l’île. Ces ressources attisent les divergences sur la délimitation des zones économiques exclusives. Les autorités chypriotes considèrent que la protection de ces infrastructures justifie un accroissement des moyens militaires. Ankara, de son côté, juge que cela menace son influence et ses intérêts. Cette dualité continue de peser sur l’équilibre régional et sur les discussions de paix régulièrement relancées mais rarement abouties.

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