Le chef d’État syrien par intérim, Ahmad al-Chareh, s’est rendu à Moscou pour rencontrer Vladimir Poutine. Cette visite, la première depuis la fin du régime de Bachar al-Assad, ouvre une phase diplomatique inédite entre les deux pays, marquée par la volonté de réévaluer des liens forgés au cours de la dernière décennie.
La fin d’une alliance figée
Pendant de longues années, la Syrie avait été l’un des partenaires les plus proches de la Russie au Moyen-Orient. Le Kremlin avait soutenu militairement Damas dès 2015, notamment à travers ses bases de Tartous et de Hmeimim, situées sur le littoral méditerranéen. Ces points d’appui avaient permis à Moscou de jouer un rôle militaire majeur lors du conflit syrien, en appuyant les forces fidèles à Bachar al-Assad contre les factions rebelles. La coopération s’était alors traduite par de nombreuses opérations aériennes, parmi les plus intenses du conflit.
Aujourd’hui, la dynamique a changé. Le nouveau pouvoir syrien cherche à rompre avec l’image d’un pays sous tutelle pour bâtir une relation plus équilibrée avec la Russie. Ahmad al-Chareh souhaite que cette coopération prenne une dimension plus économique et technique, tout en affirmant l’indépendance politique de Damas. Il a mis en avant la nécessité d’un partenariat respectueux de la souveraineté syrienne et axé sur la reconstruction du pays, rappelant la dépendance actuelle de la Syrie à certaines importations et compétences russes, notamment dans l’énergie et l’agriculture.
Un dialogue prudent mais nécessaire
Vladimir Poutine a accueilli Ahmad al-Chareh au Kremlin dans une atmosphère officielle marquée par les symboles de continuité. Le président russe a souligné les relations anciennes entre les deux peuples et évoqué la présence de milliers d’étudiants syriens en Russie. Derrière les échanges cordiaux, des questions sensibles demeurent, comme la situation de Bachar al-Assad, réfugié en Russie depuis sa fuite du pays fin 2024.
La rencontre montre la volonté des deux capitales de maintenir un canal de dialogue, tout en redéfinissant la nature de leur coopération. Moscou cherche à préserver sa position stratégique au Moyen-Orient, tandis que Damas tente de retrouver une marge d’autonomie après des années de dépendance militaire.
Cette nouvelle phase entre la Syrie et la Russie repose sur un équilibre délicat : consolider les liens existants sans revenir à une relation de domination. Pour Ahmad al-Chareh, il s’agit d’un test diplomatique décisif qui pourrait déterminer la place future de la Syrie dans la région et le rôle que Moscou acceptera encore d’y jouer.



