Wole Soyinka, figure majeure de la littérature africaine, dénonce fermement les récentes déclarations de Donald Trump sur des violences prétendument ciblées contre les chrétiens au Nigeria.. Pour l’écrivain contacté par RFI, ces prises de position étrangères aggravent une situation déjà fragile. La réaction de Soyinka éclaire un débat qui ne cesse de s’amplifier.
Trump – Nigeria : tensions politiques et débat sur les violences internes
Soyinka reproche à Donald Trump de présenter les difficultés du Nigeria comme un conflit religieux unique, alors que les facteurs sont multiples. Il rappelle que les affrontements entre éleveurs et agriculteurs ont coûté la vie à des centaines de personnes, un conflit lié aux terres et aux ressources plus qu’à la foi. Il estime également que les enlèvements d’enfants contre rançon sont avant tout des actes criminels, et que réduire ce paysage complexe à une hostilité contre les chrétiens relève d’une vision dangereusement simplifiée.
Trump avait menacé le Nigeria après avoir affirmé que les chrétiens y seraient victimes d’attaques ciblées. Il avait évoqué la possibilité d’une action militaire américaine si les massacres de chrétiens continuent, promettant une intervention « rapide » et « vicieuse ». Abuja avait rejeté ces accusations, soulignant que plusieurs communautés, indépendamment de leur religion, subissent les violences de groupes armés. Les autorités nigérianes avaient dénoncé des propos susceptibles d’alimenter des tensions déjà présentes. Ce désaccord avait ravivé la polémique, à laquelle s’ajoute désormais l’annulation du visa américain de Soyinka, annoncée fin octobre.
Avertissement contre la simplification et critique de la méthode Trump
Pour Soyinka, un chef d’État ne peut se permettre de creuser les divisions d’un pays en recourant à des formules agressives. Il juge profondément irresponsables les menaces de Trump, notamment lorsqu’il affirme que les États-Unis pourraient intervenir « armes à la main ». Selon lui, un dirigeant doit faire preuve de retenue et éviter de transformer un problème réel en argument politique.
L’écrivain admet pourtant l’existence d’extrémistes religieux, notamment des islamistes radicaux ayant commis des crimes choquants. Il mentionne avoir consacré une pièce de théâtre au meurtre brutal d’une étudiante accusée de blasphème. Mais il considère qu’exagérer ces réalités depuis l’étranger constitue un geste hostile, car cela renforce les fractures internes et empêche une compréhension précise de la situation.



