Nigeria : les menaces de Trump ont-elles transformé les chrétiens en cibles lucratives ?

Depuis que Donald Trump a menacé début novembre d’intervenir militairement au Nigeria pour protéger les chrétiens, les attaques contre les églises et écoles chrétiennes se succèdent. Une coïncidence troublante qui soulève une question : en mettant la pression sur Abuja, Washington n’aurait-il pas involontairement créé une opportunité pour les groupes criminels ?

Des églises et écoles chrétiennes frappées en série

Les semaines qui ont suivi les déclarations fracassantes du président américain ont été marquées par une vague d’attaques contre des lieux de culte et d’enseignement chrétiens. Dans l’État de Kogi, des bandits armés ont fait irruption dans une église Cherubim and Seraphim à Ejiba pendant l’office dominical, enlevant le pasteur connu sous le nom d’Orlando ainsi que son épouse et plusieurs fidèles. Le 18 novembre, c’est la Christ Apostolic Church d’Eruku, dans l’État de Kwara, qui a été visée : deux personnes tuées, le pasteur et des fidèles emmenés par les assaillants. Trois jours plus tard, l’école catholique St Mary’s à Papiri, dans l’État de Niger, subissait l’un des plus importants enlèvements de masse de l’histoire du pays, avec 303 élèves et 12 enseignants kidnappés.

Ces attaques interviennent alors que le locataire de la Maison-Blanche avait ordonné au Pentagone de préparer d’éventuelles frappes contre le Nigeria, accusant les autorités de laisser des groupes armés massacrer les chrétiens. Le président Bola Ahmed Tinubu avait rejeté ces accusations, affirmant que la violence touchait les Nigérians de toutes confessions.

Sous pression internationale, le gouvernement nigérian multiplie les efforts pour récupérer les personnes enlevées. Une mobilisation qui pourrait toutefois ouvrir des opportunités inattendues pour les groupes criminels, notamment si des rançons sont versées pour accélérer les libérations.

Le spectre des rançons et la stratégie ambiguë d’Abuja

Face à cette série d’enlèvements, la réponse des autorités soulève des interrogations. Interrogé sur les circonstances des libérations d’otages, le porte-parole présidentiel Sunday Dare a refusé de confirmer si des paiements de rançon avaient facilité le retour de certains captifs, se contentant d’évoquer un mélange de « mesures cinétiques et non cinétiques, y compris des négociations ». Une formulation qui ne dissipe pas les soupçons sur d’éventuelles transactions financières avec les ravisseurs.

Or, si le gouvernement paie effectivement pour libérer rapidement les otages chrétiens — sous la pression des menaces américaines —, le signal envoyé aux groupes criminels serait désastreux. L’industrie du kidnapping au Nigeria représente déjà un marché colossal : entre juillet 2024 et juin 2025, près de 4 722 personnes ont été enlevées et 2,57 milliards de nairas versés en rançons, selon le cabinet SBM Intelligence. Dans ce contexte, les bandits pourraient avoir compris que cibler des chrétiens — églises, écoles catholiques, pasteurs — garantit désormais une attention internationale et, potentiellement, des négociations plus rapides et plus généreuses.

La question se pose alors : Donald Trump n’aurait-il pas été mieux inspiré de s’entretenir directement avec son homologue nigérian plutôt que de transformer ce dossier en spectacle médiatique ? En brandissant publiquement la menace militaire, le président américain a peut-être involontairement désigné les communautés chrétiennes comme des cibles de choix pour des criminels motivés avant tout par l’appât du gain.

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