Sénégal : Quel est l'impact du rebasing sur l’économie ?

L’actualisation opérée par l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD) a profondément modifié la lecture des équilibres macroéconomiques du Sénégal. En adoptant 2021 comme nouvelle année de référence pour mesurer l’activité nationale, le pays adopte une photographie économique plus récente, intégrant des transformations majeures dans les services, l’industrie et les usages numériques. Ce changement méthodologique provoque un ajustement automatique de plusieurs indicateurs clés et redessine la perception de la solidité financière de l’État.

Effets directs sur le PIB et les ratios nationaux

Le passage de 2014 à 2021 modifie les pondérations sectorielles utilisées pour évaluer le poids des différentes branches de l’économie. Le secteur tertiaire, qui représentait un peu plus de la moitié de la richesse nationale avec l’ancienne base, voit désormais son importance renforcée. L’actualisation inclut de manière plus précise des activités dont l’expansion a été rapide au cours des dernières années, ce qui tend à élargir le périmètre de calcul du produit intérieur brut.

La première conséquence observée est l’augmentation de la taille nominale du PIB pour l’année 2021. Cet élargissement mathématique entraîne automatiquement une réduction des ratios exprimés en pourcentage du PIB. Ainsi, l’endettement public passe d’un niveau supérieur à 90 % à 80 %. Le déficit budgétaire global diminue également lorsqu’il est rapporté à la nouvelle valeur du PIB, passant de 13,3 % à 11 %. Le même mécanisme agit sur le déficit courant, qui recule de 12,1 % à 10,7 %. Les indicateurs de pression fiscale suivent la même trajectoire, avec un taux ramené à 15,9 %, contre 18 % auparavant.

Ces évolutions ne traduisent pas une variation réelle et immédiate des finances publiques, mais plutôt une mise en cohérence des calculs avec la configuration économique actuelle. Ce réajustement améliore toutefois l’apparence des équilibres macroéconomiques, ce qui peut être pris en compte par les observateurs internationaux, notamment dans l’évaluation de la solvabilité du pays. Les indicateurs associés au risque de liquidité affichent eux aussi une meilleure allure, le déficit global et le solde courant apparaissant plus contenus.

Interactions entre rebasing et notation souveraine

Plus tôt en novembre, l’agence de notation S&P a abaissé la note souveraine du Sénégal à long terme, désormais classée « CCC+ ». L’annonce est justifiée par les difficultés persistantes liées à la gestion des finances publiques et par les interrogations entourant les capacités de refinancement prévues pour 2026. Ce nouveau positionnement accentue les préoccupations concernant les relations entre l’État, ses créanciers et les marchés financiers. Parallèlement, les discussions engagées avec le Fonds monétaire international se poursuivent mais n’ont pas encore abouti.

Dans ce contexte institutionnel tendu, le rebasing modifie la manière dont les partenaires internationaux lisent les principaux ratios macroéconomiques. La baisse mécanique du ratio dette/PIB, du déficit rapporté à la richesse nationale et des indicateurs de pression budgétaire peut être interprétée comme un facteur atténuant certaines inquiétudes liées à la capacité de remboursement. Le recalibrage statistique offre une image plus conforme à la structure économique actuelle et pourrait influer sur l’analyse des agences chargées d’évaluer le risque pays, même si les fondamentaux des finances publiques restent inchangés.

La mise à jour opérée par l’ANSD ne constitue pas un instrument de correction des déséquilibres financiers, mais elle fournit un cadre de mesure plus réaliste et plus précis de l’activité économique. Elle rappelle également que de nombreux indicateurs utilisés dans l’évaluation du risque souverain dépendent directement du niveau du PIB. Une amélioration statistique peut donc réduire temporairement la pression perçue, sans garantir une stabilisation durable si les défis structurels ne sont pas pris en charge.

Le rebasage arrive à un moment où la notation souveraine du Sénégal a été revue à la baisse, ce qui renforce l’intérêt pour toute donnée permettant de mieux saisir la dynamique réelle du pays. La révision de l’année de référence éclaire ainsi les débats financiers en cours, sans résoudre les fragilités soulignées par les institutions internationales, mais en offrant un tableau statistique plus fidèle à l’économie de ces dernières années.

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