Dans une Afrique où les centres de santé peinent encore à couvrir la densité des populations, le numérique s’impose progressivement comme un levier essentiel pour rapprocher les soins des citoyens. « Nous n’avons pas suffisamment d’hôpitaux ni de centres de santé par rapport à notre démographie. Le numérique permet de combler ce gap », a déclaré la ministre. Invitée d’un talk consacré au thème « Le numérique au service de l’équité en santé », dans le cadre de la Semaine du numérique (Senum 2025), la ministre du Numérique et de la Digitalisation du Bénin, Aurelie Adam Soulé Zoumarou, a livré la vision du gouvernement concernant le numérique et la santé.
Pour elle, inutile d’attendre des dispositifs sophistiqués pour amorcer cette transformation. Un simple téléphone suffit parfois pour créer la proximité entre les populations et les acteurs du secteur de la santé et sauver des vies. Mais le numérique va plus loin. Les plateformes de e-santé offrent désormais la possibilité de prendre rendez-vous, de transmettre ses symptômes et de constituer un historique sécurisé. « Le médecin a plus d’informations en amont pour établir un meilleur diagnostic », explique-t-elle. Une manière de fluidifier les consultations et de compenser l’insuffisance de structures physiques.
La santé communautaire, clé de l’inclusion
Au Bénin, la transformation numérique s’enracine aussi dans les villages. La ministre cite la plateforme Alafia.com, récemment lancée avec le ministère de la Santé. Elle permet aux agents de santé communautaires, munis de tablettes, de recueillir directement dans les foyers des informations sanitaires, les symptômes, les cas suspects et de répondre aux besoins d’orientation.
Ces données, centralisées en temps réel, deviennent un outil puissant d’alerte précoce. « Imaginez 30 ou 50 agents qui enregistrent les mêmes symptômes en quelques jours : le gouvernement sait immédiatement qu’une épidémie se prépare et peut réagir », a illustré Aurelie Adam Soulé Zoumarou.
Ce système offre également une réponse à la crainte d’exclusion numérique. « Pour nos grands-parents ou les personnes peu instruites, l’adoption ne passe pas forcément par l’usage direct d’un téléphone. Ils peuvent consommer le service numérique à travers leurs proches ou un agent de santé. L’essentiel est que le service leur parvienne », a indiqué la ministre.
L’IA pour éclairer les décisions publiques
Au-delà de la proximité, les données deviennent un moteur pour les politiques publiques. La ministre évoque un exemple venu de Guinée où l’analyse par IA des données de consultation a révélé une baisse récurrente des visites médicales au mois de juillet. La raison ? L’expiration annuelle de l’assurance maladie publique. Cette simple découverte a permis au gouvernement d’adapter le mécanisme de renouvellement pour éviter toute rupture de couverture.
Le Bénin ambitionne également d’exploiter ses propres données, notamment grâce à la création d’un centre de traitement des données de santé et à l’interconnexion des hôpitaux, centres et pharmacies. La fibre optique au Cnhu, les solutions pour la lecture centralisée de scanners, les mini-centres numériques dans des zones enclavées comme Sinandé sont autant d’initiatives déjà en cours pour une meilleure utilisation du numérique en faveur de la santé.
Inclure par la langue et par la culture
L’inclusion passe aussi par la compréhension. La ministre annonce que des contenus de sensibilisation sur le paludisme, la mortalité infantile ou d’autres sujets de santé publique seront traduits dans les langues locales grâce à l’IA. Pour cela, des initiatives comme « J’aime ma langue » visent à constituer de larges bases de données linguistiques en vue d’entraîner des modèles adaptés aux réalités béninoises. « Le numérique inclut. Il ramène en ligne ceux qui n’y étaient pas », a-t-elle ajouté.
Co-construction avec les acteurs du terrain
Face aux nombreuses questions du public, la ministre rappelle que l’État fixe la vision mais que les innovations viennent aussi du terrain. « Nous devons co-créer les solutions. Les entreprises de la health-tech, les porteurs de projets, les communautés : chacun a un rôle », estime Aurelie Adam Soulé Zoumarou.
D’après la ministre béninoise du Numérique et de la Digitalisation, le numérique, loin d’être un luxe, devient un pont essentiel entre les populations et les soins. Un pont déjà en construction, pierre par pierre, tablette par tablette, donnée par donnée.
Brunelle Tchobo, La Nouvelle Tribune, Bénin
