Beaucoup de Béninois s'interrogent aujourd'hui sur la raison d'être des associations de consommateurs que compte le pays. Une interrogation qui n'est pas sans fondement face au sommeil dans lequel sombrent celles-ci depuis des années, et davantage, en ces moments d'augmentations permanentes des prix des produits de grande consommation.
Les associations de consommateurs du Bénin sont elles toujours en activité ou ont cessé de l'être ? La question préoccupe plus d'un. Si nombre de citoyens ont fini par ignorer leur existence, d'autres se disent révoltés de constater qu'elles n'existent que de nom. Et ce n'est pas tout à fait faux. Les raisons qui soutiennent l'amertume des béninois sont bien nombreuses. Les mesures d'augmentations des prix de divers produits, telles qu'elles s'opèrent depuis peu, se passent sans commentaires. Sans la moindre réaction de la part de ces associations dont la vocation première est pourtant de défendre les consommateurs béninois. Le gouvernement se retrouve, du coup, seul maître à bord et fait avaler la pilule à tout le monde. L'argument servi ne varie pas dans le fond : la conjoncture économique internationale. Les nouvelles augmentations des prix des produits comme le ciment et le pétrole s'inscrivent dans cette même contrainte ; ce qu'approuvent visiblement les associations de consommateurs pour justifier leur impuissance. La conséquence en est qu'aucune n'a encore daigné réagir, à la suite de la bien triste nouvelle. Et celles qui ont pu tenter l'exercice l'ont fait de façon plus ou moins tendancieuse. Ainsi, comme on pouvait le lire dans un quotidien paru hier un président d'association de consommateurs déclarait ceci : " Comme tous les consommateurs béninois, j'ai appris la nouvelle sur la révision à la hausse des prix du ciment et des produits pétroliers. C'est très dur pour les consommateurs béninois de supporter cette nouvelle grille, eu égard à leur pouvoir d'achat plutôt moyen. Mais quand on situe ces nouveaux tarifs dans la conjoncture nationale et internationale, on peut dire que c'est un pis-aller…. ". Généralement, le combat de cette association et de bien d'autres, ne dépasse plus l'étape d'interprétation des mesures qui tombent sur les consommateurs comme un coup de massue. A eux de faire face aux affres qui en découlent.
Tout apparaît désormais comme si les associations des consommateurs combinent avec le pouvoir en place dans l'élaboration de certaines mesures sociales. Non seulement, elles se prononcent très peu, mais lorsque l'occasion s'offre à elles, le pouvoir est servi sur un plateau d'or. C'est un fait avéré qui s'illustre dans les propos du Président de cette association, toujours recueillis par le même confrère. Parlant de la fixation du nouveau prix du ciment, il note que celui-ci, à travers un système de péréquation, a veillé à ce que le prix de la tonne soit unique à Cotonou, Parakou, Porto-Novo et à Lokossa. Difficile cependant pour convaincre le commun des Béninois, lorsqu'on sait toute la pagaille qui entoure la vente du ciment sur l'ensemble du territoire national. Une pagaille qui risque de se renforcer avec la nouvelle augmentation. Dire donc que le gouvernement a fait le travail nécessaire est une erreur, ouvrant ainsi les brèches de la complicité tacite dont on taxe souvent les associations de consommateurs avec le pouvoir du changement. Les désapprobations ne sont pas moins perceptibles dans les propos et autres commentaires qui se tiennent rudement depuis peu. " Ces associations se moquent de nous. Elles ne nous représentent plus, elles se représentent elles-mêmes ", " Les consommateurs béninois sont des laissés pour compte, personne ne veut prendre leur défense quant le besoin se fait sentir ", entend-on par ci et par là.
S'il est vrai que la flambée des prix des produits de grande consommation sévit partout en Afrique et sur d'autres continents, les associations des consommateurs des pays touchés, n'ont pas manqué de protester, appelant souvent leurs gouvernants à prendre des mesures qui s'imposent et à les appliquer à la lettre. En Côte-d'Ivoire, au Sénégal, au Mali, ou en Guinée, ils ont battu goudron et pavés pour se faire entendre. Parfois au prix du sang. La lutte n'a pas été vaine dans la plupart des cas. Grâce à ces mouvements de protestation, des gouvernements ont dû prendre des mesures adéquates pour soulager un tant soit peu leurs populations. La veille menée par ces associations sœurs sur le respect des nouveaux prix fixés a permis, par exemple, de limiter les dégâts d'une inflation anarchique et abjecte. Entre autres retombées des luttes menées, des gouvernants ont dû aussi procéder à des augmentations de salaires, pour contenir quelque peu la crise dans leur pays.
Ces exemples, malheureusement ne semblent pas encore émouvoir les associations de consommateurs du Bénin qui se cachent derrières des phraséologies inopportunes. L'histoire est têtue.
Christian Tchanou