BOILEAU dans sa Poétique recommandait ceci aux nombreuses personnes qui sous LOUIS XIV, le Roi soleil, étaient tentées par l'écriture : " Soyez maçon si tel est votre talent qu'ouvrier du commun et poète vulgaire. " Il faut des syndicalistes pour défendre contre vents et marées nos intérêts matériels et moraux face à nos employeurs, surtout l'Etat ; même si quelquefois ces avocats irritent les mêmes ronds-de-cuir bien calés dans leur rente de situation. Il faut en effet une bonne dose de courage et de cuirasse caractérielle coriace pour braver et irriter à tout bout de champ le pouvoir en place par des revendications par définition sans fin. Mais ces hommes doués pour la " chicane " ne sont malheureusement bons qu'à ça.
Nous avons eu l'expérience de deux syndicalistes à la tête de CENA. Le premier fut feu Léopold DOSSOU. Que Dieu reçoive son âme pour l'eucharistie éternelle ; il est peu séant d'avoir à mal parler d'un homme qui a fini sa mission terrestre et qui est désormais seul face à son Dieu pour le jugement post-mortem et dernier. Cependant, force est de reconnaître qu'il fut un très mauvais président de CENA lors donc que les dysfonctionnements de la CENA96 ont permis au Vice-président de se substituer carrément à lui ; ce qui a permis à l'Etat-major de campagne du Général Mathieu KEREKOU de faire prospérer la stratégie (avec un recours sans précédent à ce qu'on appelle pudiquement de nos jours technologie électorale) mise au point pour renverser coûte que coûte le premier Président de la République de l'ère du Renouveau démocratique. Certains faucons de l'équipe du Président SOGLO voulaient qu'on n'avalisât pas les fraudes massives favorisées par les dysfonctionnements de la CENA96 où les commissaires de la mouvance bien qu'au nombre de 9 contre 8 pour l'opposition (opposition politique plus société civile) étaient totalement dominés par leurs congénères. Surtout, ils étaient choqués par la complicité évidente de la Cour Constitutionnelle que le régime SOGLO s'était mis à dos par des maladresses qu'on aurait pu éviter ! Parmi ces jusqu'au-boutistes, il y avait l'impétueux Georges GUEDOU nommé Ministre de la Défense Nationale le vendredi 22 mars 1996 alors que le second tour de l'élection présidentielle avait eu lieu le lundi 18 mars 1996. Finalement, le Président SOGLO pencha pour les conseils de sagesse des colombes dont son beau-frère et son épouse et n'excipa pas des dysfonctionnements de la CENA96 et de la complicité de la Cour Constitutionnelle d'alors pour rejeter les résultats de cette élection sous le prétexte – défendable absolument – qu'elle était entachée par des irrégularités rédhibitoires ! Nous imaginons facilement le rififi qui s'en serait suivi et qui aurait secoué dangereusement le Pays tout entier s'il avait choisi la voie du refus de ce que la Constitution et la loi électorale prescrivaient en l'occurrence. Parce que, n'ayons pas peur des mots, cette attitude aurait été un coup d'Etat pur et simple.
Mutatis mutandis, la CENA de cette année 2008 chargée de l'organisation des élections locales, CENA dirigée de même par un syndicaliste, a commis beaucoup d'erreurs dans le dépouillement des résultats et l'attribution des sièges de conseiller d'arrondissement. A sa décharge, nous dirons que ce mode de scrutin est tellement compliqué que peu de Béninois, même les spécialistes des élections, ont du mal à s'y retrouver. Que faire face à ces dysfonctionnements manifestes ? Refuser d'appliquer la loi électorale qui ordonne l'installation des conseillers communaux quinze jours après la publication des résultats ? Procéder ainsi tel que certains faucons ont persuadé le Chef de l'Etat de le faire en soulevant en cachette certaines populations, c'est ni plus ni moins un coup d'Etat sur une petite échelle. D'où le ramdam et le tintouin actuels dont nous devons sortir très vite au risque de discréditer à jamais nos efforts pour construire une démocratie fondée sur l'Etat de droit. Voudrons-nous être classés dans la catégorie infamante des Etats voyous qui piétinent allègrement les lois en vigueur chez eux ? La conséquence immédiate sera d'effrayer les investisseurs et nos partenaires au développement.
Je dirai à certains de mes collègues conseillers du Chef de l'Etat qu'ils n'ont pas le droit d'oublier qu'ils constituent la fine fleur des élites de ce pays et qu'ils doivent de ce fait faire leurs les conseils de Max WEBER dans son célèbre ouvrage Le savant et le politique. Ils ont le devoir d'oublier leur espoir égoïste de devenir un jour ministre pour ne penser qu'aux intérêts supérieurs du pays, en n'hésitant pas quoiqu'il puisse leur en coûter dans cette arène de gladiateurs qu'est la scène politique, à dire la vérité au Premier Magistrat de ce pays. Le vrai patriotisme se mesure à cette aune.
Chronique de Dénis Amoussou-Yéyé Professeur à l’Uac
/food/ichronique.jpg » hspace= »6″ alt= » » title= » » » />Quelle attitude adopter face aux Cena de la honte ?