Chronique

Les députés s’amusent!
 « Le multipartisme est forcément synonyme d’antagonisme. On ne peut feindre d’ignorer cette vérité que pour mieux préparer en sous-main des hégémonismes opportunistes. »
Huenumadji Afan Les Chinois ont oublié que les Béninois ont élu des représentants qui veulent manger à tous les râteliers, prendre part à tout sans jamais se priver de rien. Et ayant oublié cela, ils n’ont tout simplement pas invité nos députés aux Jeux Olympiques qui se déroulent en ce moment dans leur capitale. S’ils avaient espéré que les nôtres baisseraient les bras pour si peu, les faits nous indiquent qu’ils se sont trompés. Nos « honorables » députés ont purement et simplement invité ces jeux au sein de l’Hémicycle en entamant un combat de lutte traditionnelle, malheureusement interrompu dès le premier round pour vice de forme. Raté ! Le spectacle. On s’en serait réjoui, c’est sûr. A défaut de se mêler de nos vrais problèmes, ils peuvent au moins nous divertir. C’est fait. Et cela continue.
Dans cette fameuse histoire, il convient de se rappeler d’où nous venons, qui sont ces combattants et pourquoi ils en arrivent à présent aux mains.
Premièrement, ce sont des élus du peuple et nul n’a le droit de le leur contester. La seule question qu’on peut se poser, c’est pourquoi le peuple les a choisis, eux. Je réponds : parce qu’ils ressemblent au peuple, qu’ils incarnent ses aspirations, qu’ils en sont un échantillon représentatif. C’est dit : « le peuple a les gouvernants qu’il mérite. »
Sans remettre en cause cette concordance entre le peuple et ses élus, il me plaît cependant d’ajouter que la loi, dans sa forme actuelle, permet au peuple de choisir même des individus qu’il ne connaît pas, qu’il n’a jamais vu à l’œuvre et dont il ne soupçonne même pas les qualités et les défauts. Et il faut croire que cette loi arrange certains individus parmi les plus corrompus, les plus moralement et mentalement défectueux, qui se battent pour la maintenir telle quelle, profitant de la léthargie générale et du système de contribution nationale qui cache aux citoyens qu’ils demeurent les seuls et uniques contribuables.
Deuxièmement, les « honorables » députés n’ont jamais convaincu personne que le gouvernement gérait mal. Ils n’ont jamais démontré par exemple, ce qui est évident, que si les autres ressources de l’Etat ont été gérées comme l’a été le fameux « milliard culturel », il y a de quoi courir à la catastrophe car en terme de gâchis, l’esprit humain ne peut imaginer pis. Ce qu’ils adoptent comme attitude, au contraire, c’est de soutenir le gouvernement dans ses gaspillages en le suppliant presque de les y impliquer. C’est normal. Pour des individus dont le premier acte en tant que représentants du peuple est de mentir à ce même peuple en signant des procurations qui signifient qu’ils n’étaient point là où on les avait vus, on ne saurait espérer meilleur altruisme qu’un regard de mépris à ceux qu’ils considèrent comme au bas de l’échelle.
Troisièmement, dans cette assemblée de lutteurs, il y a une petite dizaine à qui j’ai envie de demander : « que diable allait-il faire à cette galère ? » En dehors de ceux-là, je vois face à face, sans que la moindre qualité morale les distingue, une horde d’égoïstes et d’illettrés dont certains se croient cultivés pour avoir compilé une thèse, qui, non seulement ignorent (aux deux sens) la réalité de la vie du peuple, mais encore, se servent de cette ignorance comme une prérogative universelle.
Et je ne vois aucun débat citoyen. C’est-à-dire que rien ne distingue un député x d’un député y sur les grandes questions de la production et de la construction nationale. Les seules batailles qui les mettent en scène sont des batailles de postes.
Il était donc proprement envisageable que l’on en arrive aux mains puisqu’il s’agit d’intérêts individuels et qu’en face le gouvernement ne fait rien pour élever le débat. Par exemple, sur l’histoire des conseils municipaux non installés, le gouvernement avait tout simplement à constater sa faille, à les installer et à nous coller la paix. A l’inverse, il a préféré nous donner l’illusion que les députés servaient à quelque chose puisque sur ce point précis, c’est leur position qui était seule défendable.
 

Camille Amouro

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