Le commencement de la politique

Ne consulte pas non plus une femme sur sa rivale, ni un poltron sur la guerre, ni un négociant sur le commerce, ni un acheteur sur une vente, ni un envieux sur la reconnaissance, ni un égoïste sur la bienfaisance, ni un paresseux sur un travail quelconque, ni un mercenaire saisonnier sur l'achèvement d'une tâche, ni un domestique nonchalant sur un grand travail; ne t'appuie sur ces gens pour aucun conseil.
Siracide 37.11 Je reviens de Dassa Zoumé où j’ai eu la chance de prendre part aux journées citoyennes sur les antennes de Radio Ilema. Plusieurs personnalités du monde scientifique, administratif ou de l’animation rurale y ont été également conviées. J’ai noté, entre autres, la présence du directeur de l’Institut national de la recherche agronomique, d’un ancien ministre de l’agriculture, d’un haut cadre chargé des filières alimentaires à la SONAPRA, du représentant du directeur de cette même société, du préfet des départements du Zou et des collines, des cadres actifs locaux tels que Pierre Sèdégan, Léandre Onikpo…, de journalistes d’artistes… ainsi que l’absence, jusqu’à mon retour, de tous les élus locaux.
Qu’il s’agisse du préfet ou des scientifiques présents, j’ai été frappé par la densité des connaissances, la simplicité de la relation, la franchise des discussions, l’engagement citoyen des individus et leur sens de l’écoute, leur humilité. C’est source d’espérance et de bonheur de remarquer, en un même lieu et à un même moment un tel vivier de sagesses. Et que tous ces hommes se terrent et se taisent au point de faire supposer leur propre inexistence, je ne me sens pas autorisé à le leur reprocher. En quittant Cotonou, de bonheur, pour la plupart d’entre eux, pour être à l’heure au rendez-vous du débat, loin de l’exhibitionnisme ringard auquel on nous habitue au point d’en faire la norme, ces messieurs nous ont prouvé qu’ils ne marchandent pas leur disponibilité. Ils l’ont fait, parce qu’on le leur a demandé et, parce qu’ayant quelque chose à dire, ils ont choisi de le dire à l’endroit qu’il faut, sans attente particulière.
Dans quelle mesure la recherche agronomique permet-elle la promotion de l’agriculture au Bénin ? Faut-il ou non mécaniser l’agriculture ? Si oui, quel type de mécanisation ? Quel est l’intérêt de la décentralisation actuellement ? La place du tourisme dans le département des collines, les impôts et taxes dans le développement communal… Voilà autant de questions sur lesquelles les uns et les autres ont apporté leur expertise, parfois contradictoire, mais toujours courtoise et convaincue, qu’elle vienne des institutions à l’échelle nationale ou des hommes de terrain.
En un mot, il a été question de poser les vrais problèmes de la cité, chacun avec une argumentation liée à son profil, sans que personne soit là pour trancher, sinon les auditeurs de Radio Ilèma. François Sourou Okioh, promoteur de ladite radio peut donc se frotter les mains de satisfaction. Pour ma part, je trouve dans cette initiative, une illustration de ce que j’ai toujours défendu dans la présente colonne : l’engagement citoyen. Je persiste et je signe que le débat politique doit être un débat sur l’activité de la cité ou ne doit pas être ; que si la question avait été perçue comme telle, nous n’en serions pas à ce niveau de déconfiture ; que ce qui peut distinguer deux partis politiques, normalement, c’est la divergence entre les réponses que chacun d’eux propose à ce genre de questions ; et donc, il est facile au citoyen de se positionner ainsi, en dehors de toutes autres considérations. Voilà pourquoi je suggérais au gouvernement, dans cette même colonne, de s’élever, fort de la marge de manœuvre qu’il avait encore parce que l’action ne l’avait pas encore obligé à exhiber ses limites, en suscitant ce débat par la présentation claire et nette d’un véritable projet de société. L’histoire nous rattrape malheureusement et les marchandages et autres blocages dont le peuple est aujourd’hui otage sont incontournables sans cette élévation d’esprit qui, somme toute, me semble plus judicieuse que des matraquages dilatoires à l’endroit de ceux qui osent le dire.

Camille Amouro

Laisser un commentaire