Une sérieuse menace à la croissance économique
Tout le monde se souvient encore du Projet de la mise en valeur de la Vallée de l’Ouémé, de la construction de la Route des Pêches, de l’érection d’une tour administrative à Cotonou et des complexes hôteliers à construire à Porto-Novo. De grands projets dont la réalisation aurait pu donner un autre visage au Bénin avec des dividendes économiques majeurs. Aujourd’hui, il n’en n’est encore rien, en raison entre autres, du manque de garanties foncières.
«Parcelle litigieuse, à ne pas vendre », « Litige, affaire au tribunal », « Danger de mort à l’acquéreur ». Au pire des cas, c’est des batailles rangées entre familles ou collectivités avec le plus souvent de lourds dégâts matériels et parfois des pertes en vies humaines qu’on enregistre. Nous sommes au Bénin et toutes ces crises sont révélatrices de la fréquence des litiges fonciers, notamment dans le milieu urbain où subsiste une spéculation foncière sans précédent. Les exploits d’huissier avec itératif commandement de déguerpir sans délai sont légion et la plupart des conflits enrôlés dans nos juridictions sont relatifs au foncier. Pendant ce temps, l’arsenal juridique en vigueur est difficile d’application du fait même de sa complexité
Un dualisme juridique bientôt corrigé
Devant les tribunaux, les conflits domaniaux qui font plus de 80% des plaintes durent parfois dans le meilleur des cas, plus de dix ans avant de connaître ou non leur dénouement. Cet état de chose n’est pas rassurant pour les opérateurs économiques qui, en cas de conflits fonciers estiment pouvoir compter avec la diligence de la justice, à défaut d’instance d’arbitrage approprié. C’est dire que l’un des obstacles majeurs à l’émergence économique en matière foncière est la dualité du droit foncier béninois.
En effet, alors que le droit coutumier constitué de normes issues des us et coutumes séculaires se fonde sur l’oralité, le témoignage et des pratiques traditionnelles de règlement des conflits fonciers, le droit moderne quant à lu se fonde principalement sur la loi n°65-25 du 14 Août 1965 portant régime de la propriété foncière au Dahomey et la loi 60-20 du 13 juillet 1960 fixant le régime du Permis d’Habiter au Dahomey. De ces deux régimes, seul le régime de l’immatriculation permet au détenteur de la terre d’en devenir réellement propriétaire avec un Titre Foncier qui lui offre une plus grande sécurité foncière. Le Permis d’Habiter ne constituant qu’une sureté réelle, les banques ne se pressent plus depuis l’entrée en vigueur des actes uniformes OHADA qui ne reconnaissent que le Titre foncier comme constitutif de garantie de prêts auprès des instituions bancaires. Toutes choses qui freinent les opportunités d’investissement. La multiplicité des textes régissant le foncier est non seulement une source d’insécurité pour les investisseurs, mais aussi pour l’Etat béninois qui voit partir des capitaux dont il a pourtant besoin pour asseoir une économie compétitive.
La proposition de MCA-Bénin
Faute de garantie foncière, de nombreux projets dont la mise en œuvre générerait à l’Etat béninois des plus values et permettrait de juguler le récurrent problème du chômage n’ont pu voir le jour. Comme l’explique Bio Séidou Baguiri, Directeur du projet « Accès au foncier » du Millennium Challenge Account (MCA), « pour un pays à vocation agricole comme le Bénin, l’objectif de la croissance économique et donc de la réduction de la pauvreté, passe par celui de la croissance agricole qui est tributaire de la disponibilité de la terre ». A l’en croire, il est impossible aujourd’hui sans une réforme courageuse, de disposer de larges domaines pour y entreprendre une agriculture intensive, donc motorisée. C’est pourquoi, poursuit-il, « le MCA veille à doter notre pays d’une politique nationale en matière foncière pour mettre fin au dualisme qui a cours actuellement du fait de la cohabitation des régimes fonciers rural et moderne ».
Cette impérative nécessité de sécurisation des terres conduit le projet « Accès au foncier » du MCA, à envisager très sérieusement l’élaboration d’un code foncier unique qui sera un recueil de l’ensemble des textes législatifs et même réglementaires qui régissent le foncier au Bénin.
Plans Fonciers Ruraux : Quels intérêts pour les populations ?
Classé en 2003 162ème sur 177 pays avec un indice de développement de 0,431, le Bénin est un pays à faible niveau de développement humain. Malgré un taux de croissance économique de 5 % dans les années 2000, la pauvreté, souligne le rapport du programme des Nations Unies pour le Développement (Pnud-2005) demeure un phénomène préoccupant. Parmi les 14 causes de la pauvreté identifiées par les populations elles-mêmes, on peut citer entre autres, les problèmes fonciers, plus accentués dans les départements du Sud. Le foncier apparaît comme un élément capital dont il faut obligatoirement tenir compte dans les actions visant la réduction de la pauvreté. C’est pourquoi le Document stratégique de Réduction de la Pauvreté (DSRP) validé par les Institutions de Brettons Wood en mars 2003 met un accent particulier sur la sécurisation des terres en vue d’un essor économique à partir de l’exploitation foncière.
Aussi, la détermination de MCA-Bénin de doter 300 villages de Plans Fonciers Ruraux (PFR) aura-t-elle d’énormes conséquences sur le mode de gestion des terres dans les localités rurales du Bénin. Les premiers avantages que les populations pourront directement tirer de cette sécurisation foncière est entre autres, la réduction sensible des conflits fonciers, la facilitation de l’investissement, l’accès aux micros crédits, le renforcement de la cohésion sociale entre les familles propriétaires terriens, l’accroissement des enclos d’élevage et autres pâturages d’animaux domestiques.
Par ailleurs, l’établissement des PFR est un facteur déterminant dans la protection et la gestion des ressources naturelles. Le cas le plus édifiant est celui du village Fô-Bourré (Sinendé, Nord Bénin) où 21 hectares de forêt sont actuellement protégés parce que mis sous aménagement. Aujourd’hui, cet espace forestier sécurisé par des PFR a permis le développement de l’apiculture, une activité qui génère plus de 162.000 CFA par an aux apiculteurs de Fô-Bouré.
Pour M. Bio Baguiri, Directeur du Projet « Accès au Foncier » du MCA-Bénin, la sécurisation foncière induite par l’établissement des PFR est un facteur incitatif à l’investissement. « Il s’agit d’un facteur de développement du marché foncier qui entraîne le développement du droit de propriété privé et individuel, condition déterminante pour la marchandisation du foncier » estime-t-il.
Mais le risque, prévient Noël GBAGUIDI, chercheur et Pr. de Droit à l’Université de d’Abomey-Calavi, c’est que la sécurisation foncière et le développement du marché foncier inciteraient les riches qui disposent de moyens financiers conséquents à faire plus de spéculations que d’investir sur les terres acquises. La conséquence, c’est que beaucoup de producteurs, si l’on n’y prend garde, pourraient se retrouver sans terre. Les surfaces cultivables seront ainsi sécurisées et disponibles mais inexploitées. Puisque les producteurs ne disposeront pas suffisamment de ressources pour louer de grandes surfaces auprès des grands acquéreurs qui au finish, se révéleront piètres exploitants agricoles.
‘’Accès au foncier’’ de MCA-Bénin : Deux ans après
En instituant le projet « Accès au service foncier », le Millénium challenge Account-Bénin voudrait assurer aux Béninois un accès sécurisé à la terre. Ceci à travers une administration foncière efficace en vue de faciliter l’investissement et la création d’un marché immobilier utilisant la propriété foncière comme actif monnayable.
Le Programme MCA-BENIN est entré en vigueur en octobre 2006. Depuis lors, beaucoup d’acquis ont été enregistrés au niveau du projet « Accès au Foncier». D’abord, les documents fondamentaux du projet notamment les études sur la politique et les réformes juridiques en matière foncière, documents sans lesquels aucun progrès n’était possible dans ce domaine au Bénin. Ces études ont débouché sur l’élaboration de la stratégie, des outils et du Plan de Travail devant concourir aux différents objectifs que s’est assignés le Projet ‘’Accès au Foncier’’.
Les Plans fonciers ruraux (PFR)
L’Agence allemande pour le développement (GTZ ) a signé un contrat avec MCA-Bénin pour la réalisation de 300 Plans fonciers ruraux(PFR) dans une quarantaine de communes. Ces communes ont été sélectionnées sur la base de critères qui ont été définis lors d’un atelier national en décembre 2007. Les activités d’établissement des PFR ont démarré par les campagnes d’information générale à travers les départements, les communes et les Villages. Ces activités ont été menées aux fins de renforcer les capacités cartographique et topographique de ces localités en vue de faciliter l’enregistrement rapide des droits de propriété et la réalisation d’une base de données fiable et moderne sur le foncier. Quant aux activités liées aux travaux d’installation des Stations Permanentes (le réseau CORSjGNSS) pour renforcer les capacités géodésiques et cartographiques de l’Institut géographique national (IGN), elles sont en cours.
Il s’agit de la sélection et de la signature d’un contrat de livraison des équipements par la firme Trimble sur la base d’un processus d’appel à concurrence international. La livraison desdits équipements s’est effectuée au trimestre de l’année 2 du projet. Les sites devant abriter les Stations permanentes sont identifiés avec l’appui technique d’une Agence publique américaine (NOAA/NGS) et de l’IGN. Ces sites, Sept (07) au total ont été retenus sur la base des critères de la bonne couverture nationale et de la viabilité des normes techniques. Il s’agit de Cotonou, Abomey, Savalou, Parakou, Nikki, Natitingou et Kandi. Les travaux de construction de ces Stations permanentes sont très avancés et seront réceptionnés sous peu.
En œuvrant pour l’installation des Stations permanentes, MCA-Bénin poursuit des objectifs à court terme. Ces objectifs visent à définir un système de référence du Bénin, à procéder à la transformation des données, à utiliser les données pour les activités du projet, à former le personnel du secteur public et privé, à assurer et entretenir la stabilité du système, à contraindre tous les experts à travailler dans un système unique de référence: le système ITRF 00. Quant aux objectifs à long terme, ils visent à définir la verticale, à définir le modèle de géoïde et à travailler en 3 dimensions, toutes choses qui propulseront le Bénin dans la haute technologie géodésique. Il est prévu l’acquisition de restituteurs numériques. Tout comme celle des images Satellitales pour les activités de la 1ère et de la 2è année incluse dans le contrat avec la GTZ, opérateur commis à la réalisation des PFR.
Perspectives 2009
En 2008, il s’est essentiellement agi pour le Programme de formuler la politique foncière du Bénin et de rédiger les rapports de sept études commanditées, validées et adoptées. Un livre blanc de politique foncière est rendu disponible et est en passe d’être validé. La nouvelle structure PH-TF est mise en place. Pour la formalisation des droits de propriété foncière, 80 villages disposeront bientôt de leur PFR. Quant à la stratégie d’appui aux communes pour la mise en œuvre des mesures transitoires visant à protéger les droits des présumés propriétaires détenteurs d’attestations non prises en compte par le processus de transformation des permis des PH en TF, elle devra également connaître sa réalisation cette année. Il en sera de même pour l’élaboration de la stratégie d’appui aux communes pour la fourniture de prestation de service para juridique, d’information sur l’accès au foncier et la sécurité foncière. Au titre des perspectives, il y a l’amélioration des services d’enregistrement qui intègre la création de 03 bureaux déconcentrés d’enregistrement foncier et la mise en place des 9 cadastres techniques. Les capacités cartographiques seront renforcées à travers l’Installation des sept stations permanentes, le lancement officiel du réseau CORS/GNSS et la formation des 50 professionnels du secteur privé et public à l’utilisation du GPS/GNSS.
Dossier réalisé par la Direction de la Communication
et de la Documentation du MCA-Bénin – Septembre 2008
(Source : MCA-Bénin)