L’école béninoise face au rythme du changement : les hauts et les bas.
En trois ans de mandat, le régime du changement a réussi à bouleverser les donnes au sein de l’école béninoise. Trop de mesures… Mais des sentiments de satisfaction, toujours mitigés. Enseignants, apprenants, parents et divers acteurs se disent encore loin de connaître l’état de grâce, même s’ils ne désespèrent pas pour autant.
En prenant le pouvoir un 6 avril 2006, le Président Boni Yayi avait tout promis, chrono à l’appui, pour redonner une meilleure santé au système éducatif béninois. Tout nouveau. Tout beau. Les différents acteurs et usagers de l’école béninoise, ont cru aux promesses tenues et ont commencé par rêver d’un avenir meilleur. D’importantes mesures tombent sans tarder. La plus inédite est la gratuité des frais de scolarité décrétée au niveau des enseignements primaire et secondaire. Grand soulagement pour les nombreuses familles béninoises qui peinaient jusque-là à assumer les frais de scolarité de leurs enfants quand bien même, ils n’étaient guère onéreux.
Le Dr Boni Yayi venait donc de leur rendre un grand service. Partout dans le pays, la nouvelle mesure a été saluée avec la vivacité nécessaire. Mais très tôt, les mécontentements et les coups de gueule sont apparus au grand jour, notamment du côté du monde enseignant. La raison est toute simple. D’accord par la gratuite, mais, quel sort est réservé à la survie de l’école béninoise ? De quoi doit elle vivre désormais?. Sur ce point, le gouvernement ne semblait pas trop précis à l’époque ; même s’il avait évoqué des subventions complémentaires qui devraient accompagner naturellement cette mesure. Ahouangan Angélo, censeur d’un établissement d’enseignement public de Cotonou, continue de penser, trois ans après, que « le gouvernement a péché en lançant cette mesure de gratuité sans avoir pris les précautions nécessaires».
Pour lui, la gratuité de l’école a été décrétée sans aucune mesure d’accompagnement. « C’est comme si le gouvernement de Boni Yayi avait oublié que l’école béninoise vivait dans une situation scabreuse avec la pénurie d’infrastructures et d’équipements de tous genres » s’interroge ce censeur qui reconnaît que le gouvernement afin par faire des efforts dans ce sens, les mois suivants en lançant d’importants projets de construction des modules de classes dans plusieurs villes et campagnes du Bénin. Les mêmes efforts sont reconnus, par Mme Goudjo, professeur de mathématiques. «On peut dire dans une certaine mesure que le gouvernement fait de son devoir pour que les choses aillent mieux au niveau du système éducatif béninois Elle se dit davantage satisfaite face aux nombreux acquis obtenus dans les revendications syndicales au niveau des enseignants. «Il est à saluer la décision prise par le Chef de l’Etat en ce qui concerne le passage des enseignants contractuels locaux à l’étape d’enseignants contractuels de l’Etat. » se réjouit Mme Goudjo, non sans quelques inquiétudes relatives à la formation de ces enseignants. Il est important , estime-t-elle, de bien les former pour qu’ils puissent être vraiment utiles pour l’Etat, car ce que nous avons observé jusqe-là constitue un vrai désastre.
Le forum sur l’éducation, le déclic
C’était un évènement de taille qu’attendaient impatiemment tous les acteurs du système éducatif depuis des années. Boni Yayi a concrétisé leur rêve, en organisant ce forum sur l’éducation qui a permis à des participants venus de tous les coins du pays, de refléchir ensemble sur les nouvelles orientations à donner à l’école béninoise. La moisson fut bonne, puisqu’au sortir des ces assises qui ont lieu en février 2007, un vrai diagnostic a été fait est des solutions adéquates ont été identifiées. Les recommandations étaient à la hauteur des problèmes posés. Mais le suivi reste un véritable problème. Que sont-elles devenues à la date d’aujourd’hui ? Raouph Affagnon, membre influent d’un syndicat de l’enseignement secondaire, et rapporteur de ces assises, se pose la même question. C’est à croire, dit-il, que ce forum ne sert plus à rien. Puisque le gouvernement du changement donne toujours l’impression d’être en train de chercher des voies et moyens, pour sortir l’école béninoise de son agonie. « Nous sommes toujours à la case du départ, où l’on demande encore de dire ce qui ne va pas et de faire des propositions » s’indigne Mr Affagnon.
L’une des pommes de discorde qui continue de diviser certains syndicats d’enseignants au gouvernement reste le fameux dossier des Nouveaux programmes d’études. La Centrale des syndicats des travailleurs (Cstb) du Bénin reste intraitable sur la question. «Nous disons non à ces nouveaux programmes qui ne font que compromettre l’avenir de nos enseignants, on doit les bannir car ils constituent un frein pour l’instruction des élèves et leur avenir » vocifèrent toujours les responsables de cette centrale dont le bouillant Issè Iko qui a déjà initié plusieurs marches de protestation et géants sit-in pour protester contre « l’entêtement » du gouvernement du changement à poursuivre ces programmes. L’autre question soulevée est celle des aptitudes des enseignants à vite assimiler ces programmes. Agounkpléto Henri, enseignant à l’école primaire publique Gbégamey-Sud, pense que les formations de deux semaines qui y sont généralement consacrées à la veille de chaque rentrée ne comblent pas les attentes.
« C’est ce qui fait que nos élèves ont des lacunes. Pour y arriver, il faut améliorer là où il y a des insuffisances. Et, si, on peut faire recours aux programmes intermédiaires, je crois que la situation peut changer. La chute de niveau des élèves ne fait pas la fierté de nous les enseignants. Il faut que le gouvernement revoie sa politique dans ce sens. » préconise cet enseignant.
Ils sont nombreux à saluer une autre décision importante prise à leur profit. Il s’agit notamment de la prime d’incitation à la fonction enseignante qui s’élève désormais à 25%. « C’est une première, et il faut rendre à César ce qui est à César, car c’est sous Yayi que nous avons atteint un tel taux de ce prime » s’exclame, tout enchanté, un enseignant. C’est un acquis majeur que d’autres enseignants placent sous l’effet des différentes et rudes luttes menées jusque-là et ne le cachent pas. «Je crois que nous nous sommes battus et nous avons eu gain de cause » s’en orgueillit, un autre enseignant qui ajoute qu’il est encore trop tôt de crier à la victoire, car beaucoup restent à faire.
Christian Tchanou, Marius Kpoguè, Simplice Ahouandjinou et Brice Dossou Gouin