Des ministres à la recherche des terres agricoles

Une balade de santé à visée électoraliste

Sur les instructions du Chef de l’Etat, plusieurs ministres sont descendus ces derniers jours  dans diverses régions du  Bénin pour aller recenser  des terres agricoles disponibles et susceptibles accueillir de jeunes entrepreneurs agricoles soutenus par le gouvernement. Si  l’acte en soi même n’est pas mauvais, il suscite toutefois des interrogations quant à l’efficacité de la méthode utilisée et les résultats attendus.
Sos : des ministres de Yayi  à la recherche des terres agricoles !!! C’est  le message qui transparaît dans  les tournées effectuées par plusieurs membres du gouvernement, ces  derniers jours, sur l’ensemble du territoire national. Ils ont été déployés partout dans le pays, parcourant monts et  vaux, plateaux et plaines,  à la quête des espaces cultivables et non exploités à ce jour. Tout le monde a été mis dans la danse. Ministre de  la justice,  ministre des sports, ministre de la santé, ministre des  petites et moyennes entreprises, ministre du commerce……. ont  couru vers la même cible. On   les a vus dans  les reportages à la télé, tout en sueur,  traversant forêts et brousses, bottes aux pieds, derrières des motos  « Zém »   ronflant  sur des pistes rurales.  Engagement et  détermination. Ils en donnaient vraiment l’air, car le Président les attend certainement au prochain conseil des ministres pour lui rendre compte. La moisson  a-t-elle  été bonne  et dense ? Pas de doute. En échangeant avec   les autorités locales des régions parcourues  et  les acteurs du développement rural,  ils ont pu  noter que beaucoup de surfaces agricoles existent, et qu’il ne reste qu’à les utiliser. Mission accomplie donc.

L’incompétence des ministres

Seulement voilà : cette démarche  pose problème à plusieurs égards. Problème du point de vue de la méthode ainsi mise en exécution avec une précipitation inégalable. Problème également en ce qui concerne les compétences sollicitées pour faire  le travail. Qu’est-ce qui fait tant courir  le gouvernement du changement pour qu’on prenne de telles initiatives, qui au lieu d’apporter un plus aux programmes de développement en cours, leur tordent plutôt  le cou ? Que vient chercher un ministre de la justice dans les affaires agricoles,  alors qu’il existe bel et bien un ministère qui a toutes les ressources nécessaires pour faire ce travail ?. Pourquoi doit-on forcement mobiliser toute l’équipe gouvernementale autour d’une question spécifique, au moment où d’autres problèmes importants restent sans solutions ? Mystère.  Le vrai débat se pose même  en ce qui concerne les  données recherchées. Les terres agricoles dont regorge  le Bénin, ont fait l’objet d’une multitude d’études, de rapports de mémoires, de projets et de thèses disponibles dans plusieurs centres de recherche à  vocation    agricole   et universitaires du Bénin. Des spécialistes en la matière existent en grand nombre et ne cherchent qu’à être sollicités pour mettre leur savoir faire au profit du développement de ce secteur tant prisé. En lieu et place des délégations ministérielles, le Chef de l’Etat aurait pensé, par exemple,  à mettre sur pied une commission technique nationale composée d’experts et de compétences avérées pour faire un travail plus sérieux, mieux pensé et  mieux élaboré.

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L’insécurité foncière, l’obstacle majeur !

Avoir des terres disponibles est une chose. Avoir des terres disponibles et sécurisées en est une autre. Quel choix fait le gouvernement  dans les deux cas ?  Difficile à dire en examinant le schéma qui  se dessine à travers ces récentes tournées. Il est pourtant reconnu  par  tous les experts et les partenaires au développement que la sécurisation foncière est le seul gage pour un développement rapide du secteur agricole. Ce paramètre est si important qu’il a été inséré en bonne place  dans le programme du Millénium  challenge account ( Mca) actuellement en cours au Bénin. Dans son projet « Accès au foncier »,  le Mca attache grand prix à la sécurité des terres et a entrepris depuis plusieurs mois des opérations  devant aboutir à la réalisation des Plans fonciers ruraux,dans la grande majorité des communes du Bénin. Les populations en  ont été largement sensibilisées  et en nourrissent beaucoup d’espoir. C’est dire donc  qu’un travail consistant est en train d’être abattu sur le terrain pour  assurer un développement plus harmonieux de l’agriculture béninoise. Mais en  laissant croire aux populations que c’est maintenant que le vrai travail commence,  le gouvernement  fait de la diversion et  compromet les actions  des partenaires  qui se donnent le temps et  les moyens  pour mieux  régler les mêmes problèmes. Il n’en demeure pas moins, qu’en agissant ainsi, le gouvernement ne facilite guère la tâche aux jeunes entrepreneurs appelés à exploiter ces terres agricoles, car d’un  jour à l’autre,  ils pourraient se retrouver en face des difficultés qu’engendrerait la non sécurisation desdites terres.   L’imbroglio que crée cette nouvelle démarche du gouvernement est d’autant plus  grand  qu’elle intervient au moment même où le plan de la politique agricole du Bénin est en pleine relecture. Quelle sera la part des nouveaux indicateurs obtenus par les « ministres enquêteurs » dans  ce plan ? Les experts sollicités pour son réexamen devraient-ils en tenir compte ? Comment et dans quelle mesure ? Des questions qui restent sans réponses et qui embarrassent plus d’un. A moins qu’il ait été question d’une balade de santé ou d’une tournée qui cache des velléités électoralistes.

Christian Tchanou

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