Cette fois-ci, la coupe est pleine. Notre classe politique n’est pas encore morte, mais elle est sérieusement malade, au sens physique et mental du terme.
Nos hommes politiques se sont si discrédités devant le peuple béninois qu’une fois encore, celui-ci n’a d’autre voie d’exprimer son engagement citoyen qu’en collaborant avec des organisations de la société civile ou en militant en leur sein. Parce que les partis politiques sont inexistants sur la scène politique. Ils n’arrivent même plus à respecter les prescriptions réglementaires de leurs statuts et règlement intérieur. Le jeu politique de ce fait, faute d’être sustenté par des partis politiques dignes de ce nom, se réduit à des gesticulations ubuesques à l’Hémicycle. Le fiel des discours contre le régime n’exprime pas une réelle opposition aux idées et aux actes du pouvoir en place, mais au contraire une sourde hargne due à des frustrations d’intérêts avant tout personnels. Aussi, dès que des dessous de table viennent en espèces sonnantes et trébuchantes remplir la panse d’où sortent comme chez les ventriloques moult cris viscéraux, hop ! Adieu discours tonitruants et déclarations de feu. Les vociférations à l’Assemblée Nationale commencent d’ailleurs par indisposer certains députés, quel que soit le bord politique auquel ils appartiennent. En effet, comme alternative à cette dérive qui n’a rien d’une expression démocratique des idées, certains honorables que l’on ne saurait décemment ranger dans la catégorie des nombreux illettrés que leur "parti" envoie là comme récompense à leur fidélité, leur larbinisme ou leurs contributions financières à la caisse de campagne, se murent dans un silence presque total.
Or, la montée du despotisme et du fascisme va de pair avec l’anti-parlementarisme justifié ou non. Il n’y a pas si longtemps, on accusait un célèbre chroniqueur d’extravaguer lorsqu’il disait sentir les odeurs nauséabondes du cadavre putride (livide, disait-il) de notre classe politique. Que non ! Que non !
Nos hommes politiques, à la suite du Général Mathieu KEREKOU à qui cette stratégie du silence cynique fut payante pour «remonter en haut » en 1996, se terrent de même dans un silence absolu, croyant ainsi pouvoir tirer leur aiguille du jeu à la dernière minute. D’où aucune structure organisationnelle mise en place ! On se contente de bomber le torse dans des exhibitions aussi narcissiques que stériles. Le jeu politique n’est quand même pas des tours de prestidigitation et de passe-passe. Le terrain politique s’occupe par des sorties où il faut parler au peuple ; comme le régime en place le fait quand tous les Week-ends, nous voyons sur nos écrans de télévision un ou plusieurs ministres en train de haranguer les foules sur tel ou tel sujet qu’on est étonné d’entendre encore au bout de trois ans de mandat !
La situation d’inertie politique actuelle de l’opposition n’est pas sans rappeler 2001 où les affidés de la mouvance d’alors organisaient marches sur marches pendant que du côté de nos amis, c’était le silence plat. Les ténors de l’opposition passaient le plus clair de leur temps à l’extérieur et leurs voyages incessants avaient fini par démobiliser totalement leur électorat. « E na kpa min din an ? » me demandaient à tout bout de champ ceux qui me connaissaient comme étant alors de la Renaissance du Bénin. On semble récidiver et adopter la même stratégie du silence de carpe et d’immobilisme politique, pendant qu’à l’Assemblée Nationale, les partisans sans directives politiques claires, sombrent dans des agitations hystériques.
Est-ce qu’on y croit encore qu’on peut changer de chauffeur en 2011 lors donc qu’on laisse ce chauffeur améliorer notablement sa conduite de la voiture nationale ? Le G13 croit-il encore que c’est un autre banquier, de nouveau sorti de la BOAD, qui va faire notre bonheur ? L’acte de l’honorable traître est certes choquant et immoral ; mais il ne saurait étonner aucun spécialiste des sciences politiques qui sait que l’idéalisme n’est pas ce qui est le plus souhaitable chez un homme politique. Les qualités d’un vrai homme politique sont, sinon le cynisme, le réalisme et le pragmatisme, pour ne pas dire l’opportunisme. L’enfant terrible de Parakou a donc compris très tôt que la solution BIO TCHANE qu’il avait claironnée dans tout le Septentrion, c’est du pipeau. Nous n’allons quand même pas quitter un banquier à qui nous reprochons d’être novice en politique, pour recommencer à zéro avec un autre banquier novice, pas forcément plus intelligent !
A moins que… A moins que nous décidions dans un sursaut révolutionnaire au vrai sens du terme, de confier les destinées de ce pays à une femme ! J’en ai trouvé une qui me semble battante, dynamique et extrêmement intelligente ; même si l’intelligence, à en croire un dirigeant français, n’est pas absolument indispensable pour conquérir le pouvoir d’Etat.
Dénis AMOUSSOU-YEYE, professeur à l’UAC
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