Les populations redoutent le pire
Les inondations sèment la terreur dans la ville de Cotonou depuis les dernières pluies. Dans plusieurs quartiers, l’eau a atteint des niveaux inquiétants et délogent déjà plusieurs habitants. D’année en année, cette situation s’aggrave et amène beaucoup d’habitants de la capitale économique du Bénin à craindre le pire si rien n’est fait pour renverser la tendance actuelle.
Quatre jours après la dernière forte pluie qui s’est abattue sur la ville, les populations ont toujours les pieds dans l’eau. A Agla, dans le 13ème arrondissement de Cotonou, le spectacle qui s’observe reste bien triste. Accéder à son habitation, est désormais le pire des clavaires auxquels font face les habitants. L’eau est encore partout. En abondance et à perte de vue à plusieurs endroits. « Nous vivons une vraie catastrophe ici » s’affole dame Agathe Bossou qui traîne lourdement les pas dans l’eau qui a envahi sa concession. Elle réfléchit par quatre fois désormais pour rallier sa cuisine, située à deux pas de sa chambre. Les briques érigées, servant de passerelles ont disparu dans l’eau. Son mari conducteur de Zémidjan vient d’arriver. Il roule rageusement sa moto jusqu’au seuil de la grande case construite en bambou qui leur sert de salon d’accueil. Quelle gymnastique !!! «Mon cher, je n’ai pas le choix. Où j’agis comme un fou, où je tombe dans cette eau sauvage » lâche –t-il, pressé d’aller chercher le colis pour lequel il venait de faire un tour à la maison.
Dans cette concession située sur le long de la voix pavée menant de Godomey-Magazin à Hoeunoussou , vivent également quatre petits êtres : 3 garçons et une fille, âgés de 5 à 15 ans. Ils sont tous au salon et y demeurent toute la journée, si une extrême urgence ne les amène pas dehors. Leur maman se dit très regardante sur leur déplacement dans la maison. Mais quel salon ! Il y a également de l’eau ici. La grande table et les chaises sont disposées sur des morceaux de briques. Une grande toile cirée est étendue parterre, cachant à peine le sol mouillé. « C’est mieux que dehors » se contente la mère de ces enfants, le regard quelque perdu. A côté de cette habitation inondée, d’autres s’alignent à perte de vue dans ce quartier et affichent les mêmes images.
‘‘Aucune habitation n’est épargnée’’
On en rencontre même qui sont construites avec des normes modernes : ciment, dallage, carrelage, clôture…. mais qui ne sont guère épargnées par les affres des inondations. Mlle Aline Tonon, vient de participer au Bac 2009. En attendant les résultats, elle se repose à la maison en compagnie de quelques flaques d’eau. Le sol cimenté de sa cour n’a pu rien empêcher. « Cela fait 4 fois déjà que papa a fait venir un ouvrier pour aspirer l’eau avec l’autopompe. Mais elle revient toujours » se plaint-elle, assise sur une chaise, devant son portail. Le vrai problème est sur la voie du dehors. L’eau est pleine là-dessus. Dans cette Vons, la plupart des maisons ayant la même stature que celle des Tonon, vivent une situation similaire. «J’ai peur que nous soyons obligés de vider les lieux si d’autres fortes pluies arrivent comme l toute dernière » s’attriste déjà un autre propriétaire rencontré, qui s’acharne avec ses enfants à creuser des rigoles d’eau devant sa maison. La panique est générale dans ce quartier d’Agla, comme dans la plupart de ceux actuellement inondés dans la ville de Cotonou. Tout le monde craint le pire dans les jours à venir. Dans ce même quartier, un autre spectacle mobilise du monde. L’eau a pris d’assaut la voie pavée du coin, à deux endroits. Automobilistes et motocyclistes ont toutes les peines du monde quand ils atteignent les lieux. C’est la croix et la bannière. Chacun se défend comme il peut. De jeunes garçons désoeuvrés en ont fait un job temporaire qui consiste à aider les gens à traverser l’eau en les poussant de force. Ça raille parfois, mais c’est bien sérieux. « Quelle peine !!! » se lamente un monsieur dont le moteur de la Carina neuve qu’il conduit vient de s’arrêter en plein milieu de l’eau. Les petits secouristes de circonstance accourent vers lui et réussissent à le pousser loin de cette étendue d’eau qui gène tant les usagers.
A Ste Cécile et Fifadji, tout le monde se plaint
Pas de cadeau à Ste Cécile et Fifadji, deux autres quartiers de Cotonou abondamment inondés depuis les dernières pluies. L’eau fait fureur partout. Maisons, rues, tout est inondé ici également. Les lamentations se multiplient au sein des populations locales qui pensent avoir atteint cette fois-ci, le pic de leur enfer. Certains se disent très inquiétés par rapport à leur santé. En ces occasions, le paludisme ne laisse indifférent personne. Le chef quartier de Fifadji, Sylvain Agbohoui, est angoissé à l’idée de voir surgir plusieurs cas d’accès de paludisme dans une zone où l’utilisation des moustiquaires n’est pas encore ancrée dans las pratiques quotidiennes. Il craint également des cas de choléra, eu égard à l’insalubrité galopante qui règne dans ce quartier avec des ordures à n’en pas finir. « Certains sites ont été vendus par les autorités, et, aujourd’hui, elles ne savent plus comment procéder » dénonce –t-il. Certaines rues sont remplies d’ordures ménagères solides, qui constituent aussi une source d’aliénation. « Moi, en tant que chef quartier, je suggère que la municipalité revoie un peu sa politique de lutte contre l’inondation afin de sortir les paisibles populations de cette malheureuse situation » préconise Mr Agbohoui.
« Les objectifs de la municipalité sont énormes et il faudrait que le pouvoir central puisse transférer les ressources aux communes afin qu’elles se développent. Si les ressources ne sont pas transférées, la lenteur dans l’exécution des taches serait toujours un obstacle pour la commune » ajoute-t-il. Serge Akouésson, étudiant de son état, résidant à Fifadji, est vraiment déçu par les autorités municipales qui, dit-il, ne font pas grand-chose pour soulager les peines des populations en ces saisons pluvieuses. « Elles ne se soucient même pas de nous… Elles ne pensent qu’à collecter des impôts et on ne sait à quoi servent ces fonds si nous devons continuer à vivre une telle catastrophe».
Brice Dossou-Goin
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